« Trump a-t-il abandonné l’Ukraine ? ». C’est la question que se pose le Financial Times. Au lendemain d’un appel téléphonique de deux heures et cinq minutes entre les chefs d’Etat américain et russe, les interrogations fusent. En annonçant lundi 19 mai, à l’issue de l’entretien, que « la Russie et l’Ukraine vont démarrer immédiatement des négociations en vue d’un cessez-le-feu, et de manière plus importante, en vue d’une fin à la guerre », Donald Trump a confirmé qu’il avait fait marche arrière pour obtenir un cessez-le-feu immédiat en Ukraine.

« L’appel […] a surtout servi à souligner à quel point une telle avancée est encore loin d’être acquise », pointe CNN. Un processus qui pourrait prendre plusieurs mois selon la chaîne américaine, qui dénonce une « ruse pour permettre à la Russie d’aller de l’avant avec des offensives qui tuent des civils innocents ».

La Russie obtient « l’accord officiel » de Donald Trump

Avant qu’il n’ait lieu, l’appel entre Donald Trump et son homologue russe semblait pourtant marquer un tournant dans l’implication des Américains à mettre fin à la guerre. « Je pense que cet appel sera couronné de succès », avait déclaré l’envoyé spécial du président Steve Witkoff sur ABC News la veille du rendez-vous. Deux jours plus tard, force est de constater que seul Vladimir Poutine en sort gagnant. Lundi, le dirigeant russe a clairement indiqué, après avoir échangé avec son homologue américain, qu’il ne changerait pas de position et que la Russie était uniquement « prête à travailler avec la partie ukrainienne sur un mémorandum portant sur un éventuel futur accord de paix ». « En clair, cela signifie que Poutine relie les négociations sur le cessez-le-feu aux négociations de paix dans leur ensemble, avec l’accord désormais officiel de Trump », résume l’hebdomadaire allemand Die Zeit.

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« On pourrait penser que ce genre d’intransigeance de la part de la Russie le (Donald Trump, NDLR) mettrait en colère. Mais non », écrit le Washington Post. Le conseiller en politique étrangère de Vladimir Poutine Yuri Ushakov, a même déclaré que le ton de la conversation était si amical qu’aucun des deux présidents ne voulait être le premier à raccrocher le téléphone. « L’indignation de Donald Trump face à l’obstruction de Vladimir Poutine à une solution juste à la guerre en Ukraine a été de courte durée », écrit La Repubblica. « Du moins, à en juger par le ton presque triomphaliste avec lequel il a commenté l’appel téléphonique d’hier avec son collègue du Kremlin », continue-t-elle.

Interrogé par des journalistes lundi sur la raison pour laquelle Donald Trump n’avait pas décidé de nouvelles sanctions contre la Russie, celui-ci a simplement déclaré ne pas vouloir « risquer d’empirer les choses ». Pour le Washington Post, cela ne fait aucun doute : « Poutine mène Trump par le bout du nez, et ce dernier ne s’en rend pas compte ». Une manipulation qui pourrait briser les espoirs du président américain de s’imposer en tant que négociateur, d’après Le Temps. « Ses efforts diplomatiques se sont avérés bien plus compliqués que prévu et son rêve d’un Prix Nobel pour avoir réglé l’un des conflits les plus chauds de la planète est compromis », affirme le quotidien suisse.

Les Etats-Unis reculent, l’Europe s’affole

Au-delà de mettre en évidence les lacunes de Donald Trump en matière de négociation, l’entretien téléphonique a confirmé les craintes des Européens : « que le président américain, séduit par Poutine, soit prêt à pivoter vers Moscou et à vendre Kiev », se désole le Financial Times. Après son appel avec Vladimir Poutine, le chef d’Etat américain s’est entretenu avec le président ukrainien, français, finlandais ainsi que le chancelier allemand, la Première ministre italienne et la présidente de l’Union européenne. Selon le compte rendu officiel de cet entretien, « les participants ont annoncé qu’ils allaient accroître la pression sur la partie russe par le biais de sanctions », semblant suggérer une divergence d’approche avec Washington.

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Mais CNN le rappelle : « les étrangers ne savent (de cet appel, NDLR) que ce que le Kremlin et la Maison-Blanche veulent qu’ils sachent sur la façon dont cela s’est déroulé ». Quels que soient les mots prononcés durant ces deux heures et cinq minutes, le résultat est celui-ci : Donald Trump a annoncé que si rien n’évoluait entre l’Ukraine et la Russie, ce dernier se retirerait des négociations. Des propos que Die Zeit résume simplement : « En clair, cela signifie que quel que soit le résultat de ces discussions, ce n’est pas son problème ».