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Dans le champ complexe de la recherche en oncologie, des
chercheurs britanniques viennent de réaliser une avancée majeure :
ils sont parvenus à neutraliser de façon permanente une protéine
cancéreuse réputée jusqu’ici « intouchable ». Publiés dans la revue
Advanced Science, ces travaux impliquent une nouvelle
technologie de criblage pharmacologique baptisée TBS (Transcription
Block Survival). Cette méthode a permis l’identification de
plusieurs candidats-médicaments prometteurs.
Cette avancée intervient dans le sillage de découvertes récentes
réalisées en Corée du Sud. En décembre 2024, des chercheurs du
KAIST (Institut avancé des sciences et technologies de Corée)
avaient mis au point une technologie capable de
reprogrammer des cellules cancéreuses du côlon en cellules
saines, sans les détruire.
Quelques semaines plus tard, le 5 février, ces mêmes
scientifiques annonçaient avoir identifié un mécanisme permettant
de
détecter la phase critique de transition entre cellule saine et
cellule cancéreuse. En analysant des organoïdes de cancer
colorectal, ils avaient mis en évidence une enzyme responsable de
la stabilisation de protéines associées à la tumeur. En inhibant
cette enzyme, ils sont parvenus à interrompre la prolifération des
cellules malignes et à restaurer, au moins partiellement, leurs
fonctions normales.
Une stratégie ciblant un régulateur clé de la
cancérogenèse
À l’instar de leurs homologues sud-coréens, de nombreux
chercheurs à travers le monde concentrent leurs efforts sur des
protéines jouant un rôle central dans la transformation des
cellules saines en cellules cancéreuses. L’idée de les bloquer a
longtemps été considérée comme une voie thérapeutique prometteuse.
Toutefois, les tentatives de mise au point de molécules capables de
les neutraliser se sont jusqu’ici heurtées à des obstacles
insurmontables.
Face à cet échec, l’équipe de l’Université de Bath, dirigée par
Andy Brennan — auteur principal de l’étude et chercheur au sein du
département des sciences de la vie, a exploré une voie alternative
: l’utilisation de peptides, ces courtes chaînes d’acides aminés,
pour cibler des protéines régulatrices essentielles au
développement tumoral.
C’est dans ce cadre que les scientifiques ont utilisé le test
TBS, une technique de criblage permettant d’évaluer l’activité de
centaines de peptides afin d’identifier ceux capables d’interrompre
les fonctions des facteurs de transcription à l’origine de la
croissance tumorale. Ce criblage leur a permis de mettre en lumière
des peptides capables de s’attaquer à cJun, un facteur de
transcription clé dans la
prolifération des cellules cancéreuses, en le neutralisant de
façon permanente.
Un mode d’action inédit
Le facteur cJun agit en s’associant à une autre molécule
identique pour former un dimère, lequel se fixe ensuite à l’ADN
afin de réguler l’expression de certains gènes. Pour enrayer ce
mécanisme, les chercheurs ont conçu un peptide capable de se lier à
une seule des deux moitiés de cJun, empêchant la formation du
dimère indispensable à son action.
« L’inhibiteur fonctionne un peu comme un harpon : il
s’accroche à sa cible et ne la lâche plus — il saisit cJun avec
fermeté et l’empêche de se fixer à l’ADN », explique Andy
Brennan dans un communiqué. Contrairement aux
inhibiteurs réversibles testés jusqu’alors, cette nouvelle molécule
établit une liaison irréversible avec cJun, bloquant ainsi
durablement son action oncogène.
Selon le chercheur, il s’agit d’une première : « Nous avions
déjà identifié des inhibiteurs réversibles, mais c’est la première
fois que nous parvenons à bloquer un facteur de transcription de
manière irréversible avec un inhibiteur peptidique »,
précise-t-il.
Voir aussi
Pour valider leur approche, les scientifiques ont inséré, dans
un gène essentiel de cellules cultivées en laboratoire, des
séquences de liaison spécifiques à cJun. Le test TBS repose sur un
principe simple, mais efficace : lorsque cJun est actif, il inhibe
l’expression du gène cible, entraînant la mort de la cellule. En
revanche, si un inhibiteur bloque cJun, le gène reste actif et la
cellule survit — un indicateur direct de l’efficacité
thérapeutique.
« Nombre de candidats-médicaments se montrent performants in
vitro, mais s’avèrent ensuite toxiques ou incapables de pénétrer
efficacement les cellules cancéreuses », souligne Jody Mason,
directeur scientifique de Revolver Therapeutics et professeur de
biochimie à l’Université de Bath. « Notre plateforme, en
revanche, permet de tester directement l’activité des peptides dans
un environnement cellulaire réel, ce qui lève plusieurs des limites
rencontrées avec les petites molécules ou les anticorps »,
ajoute-t-il.
La prochaine étape pour l’équipe consistera à tester
l’efficacité de l’inhibiteur dans des modèles précliniques. Si les
résultats se confirment, cette approche pourrait ouvrir la voie à
de nouvelles thérapies, potentiellement transposables à plusieurs
types de cancers.
Source : Advanced Science