Cela fait quasiment trente ans que l’agent Ethan Hunt désobéit aux ordres pour réaliser l’impossible, sacrifiant parfois quelques vies pour en sauver des milliers. La campagne promotionnelle de Mission Impossible 8 – The Final Reckoning joue volontairement la carte de la der des ders afin de doter ce chapitre d’une aura de fin du monde, de fin de cycle, laissant présager un départ pour notre héros, à la retraite ou à la morgue. Une dernière (ou pas) mission où Tom Cruise et Christopher McQuarrie ne font plus semblant, et pas que dans les cascades.
Les événements se déroulent deux mois après ceux de The Dead Reckoning (2023). Désormais en possession de la clé, Ethan Hunt et son équipe cherchent à atteindre le sous-marin russe Sébastopol afin de pirater L’Entité, l’IA autonome adepte de contre-vérité désireuse d’atomiser l’espèce humaine (le scénario de Terminator). Sur leur chemin, ils vont devoir lutter contre leur ennemi numérique, les gouvernements et d’autres antagonistes désireux de prendre le contrôle de ce virus informatique.
© Paramount Pictures Un scénario écrit par une IA ?
Connaissant Tom Cruise et Christopher McQuarrie, on supposait qu’avec une durée de trois heures, le film allait se montrer gourmand, croquant. Monumentale erreur. Pendant plus d’une heure trente, le scénario va nous emmener de briefing en briefing afin de réexpliquer jusqu’à la paraphrase les enjeux du récit et l’urgence de la situation. Rarement un opus de la franchise avait donné autant l’impression de se construire sur ses deux grosses séquences de cascades, au point où le reste n’est presque constitué que de personnages répétant ce que l’on sait déjà.
Si on pouvait se demander en quoi la menace de L’Entité pouvait justifier qu’exceptionnellement, l’intrigue soit divisée en deux films, on a la réponse et elle n’est pas bonne. Ici, on gagne du temps à tous les étages, jusqu’au montage n’hésitant pas à utiliser allègrement le flash-back pour manger des minutes, parfois remettant à l’écran une scène aperçue cinq minutes plus tôt.
© Paramount Pictures Mission Impossible 8 – The Final Rembobinage
En parlant de flash-back, il convient d’aborder un autre point noir. Présenté comme le point d’orgue de toute la franchise, The Final Reckoning a l’audace de convoquer ses prédécesseurs – sur des morceaux choisis évidemment, il ne faudrait pas ressortir Jeremy Renner du placard. Qu’il s’agisse de rappeler de seconds rôles oubliés ou d’oser des généalogies sorties de nulle part, ce huitième épisode entend vouloir relier ce qui n’avait pas à l’être, quitte à saborder plusieurs bonnes idées ne lui appartenant pas, comme la fameuse Patte de lapin du troisième volet.
© Paramount Pictures
Des points de liaisons ratés ou au mieux inutiles donnant davantage le sentiment d’assister à un menu maxi best-of bien gras qu’on n’avait pourtant pas commandé. Une impression renforcée par l’usage intensif d’images issues de trente ans de Mission Impossible. The Final Reckoning ressemble au fameux clip show d’une série, l’épisode qui se compose surtout d’extraits d’anciens.
Pour sa défense, quand le long-métrage tente d’inventer, il plonge à corps perdu dans les poncifs éculés avec une vision naïve, voire passéiste, de la géopolitique et une proportion à ne pas savoir quoi faire de ses rôles secondaires, comme cette pauvre Grace (Hayley Atwell).
Tom Cruise, acteur, cascadeur, producteur, scientologue, messie
Il convient à présent de faire notre autocritique et de nous excuser. Depuis que le cinéma grand spectacle est devenu une foire au fond vert, on a eu tendance à voir en Tom Cruise une sorte de porte-étendard d’une fabrication à l’ancienne préférant l’analogique au numérique. À voir en lui le dernier des faiseurs, transpirant la cinéphilie par tous les pores de sa peau. Une image qu’il a cultivée, passant presque sous silence son autre rôle de promoteur XXL de la scientologie. Pourtant, on connaît l’ego du bonhomme et à quel point cela a joué sur toute sa filmographie. Bref, en un sens, on a provoqué en partie ce Mission Impossible — The Final Reckoning, car on lui a déroulé le tapis rouge.
© Paramount Pictures
L’acteur a toujours vampirisé la franchise au point de ne garder auprès de lui les deux seuls éléments qui n’ont jamais été une menace (Ving Rhames, Simon Pegg). Il nous a habitués à son héroïsme exacerbé, à ce refus de vieillir, à dépasser ses limites et à séduire toutes les femmes (tout en restant puritain attention). On connaît et on accepte. Toutefois, ce volet pousse les bouchons à un point de non-retour dans la vénération de l’homme, que seul Vin Diesel semblait avoir franchi au sein de Fast & Furious. Désormais, Ethan Hunt et Dominic Toretto évoluent dans le même univers, celui du divin.
Concrètement, The Final Reckoning n’essaye même plus de nier la dimension théologique derrière la personne de Hunt / Cruise. Niveau action, cette publicité humaine pour le dépassement de soi réécrit maintenant les lois de la physique elle-même, traversant Londres plus rapidement que n’importe quel véhicule, capable de supporter les profondeurs et les températures les plus extrêmes avec son simple corps éternellement indestructible. On n’est plus dans l’exagération, on est dans l’impossible rendu possible parce que Tom Cruise.
© Paramount Pictures
L’entièreté de la narration va tourner autour de la figure sacrificielle, messianique du héros. Lui seul est l’Élu, lui seul peut sauver les hommes de leur folie (on retrouve plusieurs thématiques inhérentes à la scientologie). Une donnée présente auparavant au travers les actions de l’homme. Sauf qu’ici, cette vénération est mise directement dans la bouche de tous les autres personnages, jusqu’à en inventer de nouveaux pour en rajouter quelques couches. Et on peut compter sur ce bon soldat de Christopher McQuarrie pour appuyer par sa mise en scène tout cet exercice d’autosatisfaction avec des plans assumant que, si le héros tombe, c’est toujours pour être ramené vers le ciel.
Public dévoué ou dévot ?
Alors que reste-t-il de ce Mission Impossible 8 ? Deux séquences spectaculaires, étirées, bien emballées, nous rappelant qu’il y a toujours une générosité au sein de la saga et une apparente envie d’offrir au spectateur ce pour quoi il est venu. Deux moments qui auraient pu signer à eux seuls un chant du cygne en apothéose, deux moments qu’on aurait applaudis. Mais deux moments qui, au final, diviniseront surtout une certaine personne, laissant entendre que le but n’était peut-être pas tant de satisfaire le public que sa star principale.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités et sur notre WhatsApp. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.