Le tribunal administratif a suspendu l’arrêté de la préfecture demandant aux ressortissants guinéens de partir. Privée de loyer, la propriétaire, disposant d’une modeste retraite, n’a plus les moyens de payer sa taxe foncière.
C’est par inadvertance qu’elle s’est aperçue que son logement était squatté. Une propriétaire nantaise de 78 ans louait le T5 dont elle avait hérité de son père en 1998. Un bon moyen de compléter sa retraite de 1000 euros mensuels. Malheureusement, victime de problèmes de santé, elle avait dû suspendre momentanément la location. Telle ne fut donc pas sa surprise quand elle reçut, à l’automne 2023, un appel de son syndic lui annonçant une fuite d’eau dans son appartement, censé être vide… et alors que la porte d’accès de l’immeuble est normalement sécurisée par un digicode.
Après avoir effectué un constat d’huissier, «on a saisi la préfecture au printemps 2024 pour demander l’expulsion des occupants sans droit ni titre», témoigne anonymement sa fille, jointe par téléphone. Cette dernière gère, à distance, les démarches administratives de sa mère. Il y a trois semaines, elle a été informée que la décision d’expulsion prononcée par la préfecture à l’encontre des deux ressortissants guinéens avait été suspendue «pour un problème de vulnérabilité des occupants. […] C’est quelque chose que je n’avais pas prévu, alors que la loi Kasbarian devait faciliter les recours», témoigne-t-elle, dépitée.
Payer les charges des occupants illégaux
Dans le jugement du 19 novembre 2024, il est notamment stipulé que «la mise en œuvre de l’arrêté attaqué aura pour effet de priver de tout abri les requérants, alors que M. F. est père de deux enfants âgés seulement de 1 et 2 ans, et que les intéressés soutiennent, sans être contestés en l’absence de toute production de l’autorité préfectorale, ne disposer d’aucune solution d’hébergement, en dépit de leurs appels au 115, et d’aggraver ainsi la précarité de la situation des familles».
«J’ai été très choquée en voyant la décision. Finalement, la seule possibilité est de faire un recours devant le tribunal judiciaire, pour demander l’expulsion des personnes, avec des frais d’avocat à payer», regrette la fille de la propriétaire, qui a raconté en avril son histoire à Presse Océan . Bien que sensible à la situation du mal-logement, elle déplore que sa mère – privée de 1000 euros de loyer par mois – doive payer, en plus des charges de copropriété, la consommation d’eau de personnes occupant illégalement une propriété privée. «Ma mère a 1800 euros de taxe foncière depuis 2024, qu’elle n’a pas réussi à payer», poursuit sa fille, contrainte de l’aider financièrement. Stressée qu’un incendie puisse se déclarer, la famille tente de se rassurer après avoir appris par autrui que le logement ne serait pas insalubre.
Recherche de solutions
Le 14 mai, le conseiller municipal nantais d’opposition Foulques Chombart de Lauwe a écrit un courrier à la mairie afin de trouver une solution pour les deux partis. «Il est à noter que l’association Gasprom, qui soutient les occupants, est financée par la Ville de Nantes, ce qui soulève une interrogation sur le rôle de la collectivité dans la gestion de telles situations, poursuit le candidat aux municipales. Si l’aide aux plus fragiles est une valeur que nous partageons, elle ne saurait justifier une inaction face à une autre forme de vulnérabilité : celle d’une propriétaire âgée, respectueuse des lois, confrontée à l’impossibilité de jouir de son bien». L’élu de droite rappelle par ailleurs que «le squat est puni d’un an de prison et 15.000 euros d’amende». Contactée, l’association Gasprom – ASTI de Nantes, «qui œuvre localement aux côtés des personnes migrantes ou immigrées», selon sa description, n’a pas répondu à nos sollicitations.
«Nous devons œuvrer à faire en sorte que très rapidement, les deux situations soient prises en compte», répond Abbassia Hakem, adjointe au maire de Nantes en charge des solidarités, de l’inclusion sociale, des personnes âgées et du CCAS. Soucieuse autant de la situation des occupants illégaux que de celle de la propriétaire, elle assure qu’elle va contacter la famille de cette dernière. Toutefois, elle répond que «M. Chombart de Lauwe s’est trompé d’interlocuteur car c’est un sujet qui concerne la justice et l’État».
Quant au financement de Gasprom, «c’est une association nationale qui existe depuis longtemps, dont la mission première est d’accompagner les personnes migrantes ou pas sur l’accès au droit. Elle n’est pas missionnée pour faire entrer quelques personnes, qui que ce soit, dans l’illégalité. Si des personnes ont des inquiétudes sur ces pratiques qu’ils peuvent subodorer illégales, à eux de faire le signalement au procureur, puis il y aura une enquête», réplique-t-elle.
De son côté, la préfecture de Loire-Atlantique fait savoir que «dans l’attente du jugement au fond, le préfet examine avec les autres services de l’État, la possibilité de prendre une nouvelle mesure administrative et en tout état de cause de rechercher une solution d’hébergement au profit des occupants, afin que le logement de Mme M. puisse être libéré».