Comment définissez-vous vos fonctions ?

Je dois d’abord livrer des rapports réguliers sur l’ampleur de la pédocriminalité dans le pays. Nous sommes également chargés de veiller à ce que la protection de l’enfance et l’aide aux personnes victimes de scandales sexuels soient prises en compte par les différents ministères : la santé, l’éducation, la justice. Mon mandat est politique et je peux donc m’immiscer en continu dans l’action du gouvernement pour tenter d’améliorer son action dans ce domaine. Preuve de son utilité, ce poste sera ancré dans la loi à compter du 1er juillet.

Vous travaillez en lien avec le conseil des victimes dont veut s’inspirer François Bayrou pour la France ?

Il existe ici depuis 2015. Les victimes doivent être au centre de notre attention. Parce que c’est la seule et la meilleure façon d’apprendre à mieux prévenir les agressions. Et puis, elles ont besoin d’être vues, entendues et crues. C’est le rôle du conseil scientifique de formuler des recommandations, à partir des 3 000 témoignages de victimes déjà entendues, afin de mieux protéger notre jeunesse.

Votre poste a été créé en 2010, après la révélation de scandales comparables à celui de Bétharram dans plusieurs établissements scolaires renommés. Quels enseignements peuvent-ils être tirés ?

Les mêmes schémas de domination sont à l’œuvre dans toutes ces affaires : la violence sexuelle exploite les relations de dépendance et de confiance. D’abord au sein des familles et des amis. Et puis, bien sûr, dans les Églises, les écoles, le sport, etc. Avec le recul de ces 15 années d’exercice, nous avons aussi compris qu’une approche politique était nécessaire, appuyée par une expertise qui aborde le sujet de manière globale.

Et même, au-delà des frontières de l’Allemagne ?

Je manque d’interlocuteurs dans les pays voisins et je ne comprends pas pourquoi, au niveau européen, nous n’avons pas de structure politique mandatée pour la protection de l’enfance, un travail souvent délégué à des ONG. Regardez le numérique : il faut imposer des règles pour les opérateurs à l’échelle du continent. N’importe quel enfant peut être joignable par n’importe qui, via la fonction de tchat des jeux vidéo. On ne sait pas ce que nos enfants, dont certains ont une tablette dans les mains à quatre ou cinq ans, font sur Internet. Il faut réussir à leur garantir des espaces sécurisés, à l’abri des adultes malveillants.

Les coûts freinent-ils les gouvernants ?

Le budget pour notre structure d’une trentaine d’employés est de 12,3 millions d’euros que nous investissons dans des campagnes de prévention. Et c’est essentiel, par exemple, pour généraliser les ateliers contre les violences sexuelles dans les écoles, œuvrer à « déstigmatiser » les victimes, les accompagner. Tellement de vies brisées, de carrières interrompues qui nécessitent des frais médicaux et tout ce qui fait défaut à la société en termes de force de travail et de prestations dans les systèmes sociaux. C’est peu d’argent dépensé, au final.