AboScandale aux États-Unis –
Le manque de transparence autour de la santé de Biden fait polémique
Joe Biden était-il malade pendant son mandat? L’annonce de son cancer relance le débat sur les informations quant à la santé des présidents américains.
Alexis Buisson- Washington
Publié aujourd’hui à 19h24
L’ancien président américain Joe Biden souffre d’un cancer de la prostate.
AFP
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- L’ancien président américain Joe Biden est atteint d’un cancer agressif de la prostate.
- Les derniers tests de dépistage de Biden remontaient à 2014, conformément aux directives médicales.
- Les présidents américains ne sont pas légalement tenus de divulguer leur état de santé.
- De nombreux présidents américains ont déjà dissimulé leurs problèmes de santé au public.
L’annonce du cancer de la prostate de Joe Biden, dimanche 18 mai, a provoqué une vague de sympathie pour l’ex-président de 82 ans. Mais aussi beaucoup de questions. Était-il malade quand il était à la Maison-Blanche? Qui savait quoi? Cette déclaration est-elle liée à la sortie, lundi 19 mai, d’un livre explosif qui raconte le déni de son entourage face à son déclin cognitif et physique?
À l’image de Donald Trump, qui s’est dit «surpris que le grand public n’ait pas été notifié il y a longtemps», plusieurs élus, personnalités des médias et professionnels de santé ont crié plus ou moins explicitement au «cover up», un mot lourd de sens au pays de Richard Nixon et du Watergate qui désigne l’étouffement d’un scandale. Même des membres de l’administration Biden ont émis des doutes. «Il n’a pas développé son cancer ces derniers cent ou deux cents jours», a affirmé Ezekiel Emanuel, qui a fait partie de l’équipe chargée de la lutte contre la pandémie dans le gouvernement du Démocrate, sur la chaîne de gauche MSNBC. Il est aussi le frère de l’ancien directeur de cabinet de Barack Obama, Rahm Emanuel. «Il l’avait quand il était président, et probablement dès le début de son mandat en 2021.»
Santé des présidents taboue
Face aux torrents de rumeurs, le bureau de l’ancien président a indiqué, mardi, dans un bref communiqué, que son dernier dépistage en date avant le test fatidique de la semaine dernière remontait à 2014. «Ce n’est pas une lacune de la part de son médecin. Les lignes directrices officielles des États-Unis ne recommandent pas de réaliser ce genre d’évaluation après 70 ans» en raison de résultats non fiables et d’autres facteurs, insiste le docteur Jeffrey Kuhlman, qui fut notamment le «médecin du président» (physician to the president) de Barack Obama. Nommés par le chef de l’État, les titulaires de ce poste sont chargés de soigner le dirigeant, le vice-président et le personnel de la Maison-Blanche. Ils doivent se trouver à cinq minutes du leader à tout moment au cas où.
Même si un grave souci avait été décelé quand Joe Biden était aux affaires, il est fort probable que le grand public ne l’aurait pas su. En effet, le locataire de la Maison-Blanche n’est pas tenu de publier ses bulletins de santé ni même de se soumettre à des examens. Comme n’importe quel citoyen, il est protégé par le secret médical. Et s’il décide de partager des informations, il est libre de choisir lesquelles.
Le livre-choc «Original Sin», paru ce 20 mai aux États-Unis, révèle comment l’entourage de Joe Biden a tenté de cacher son état de santé et ses difficultés cognitives pendant la campagne présidentielle de 2024.
AFP
Seules les situations où le patient exhibe l’intention de s’automutiler ou d’infliger du mal à autrui pousseraient son médecin à intervenir. «Si cela se produisait, ou qu’il se mettait à avoir des hallucinations, entendre des voix, parler du diable ou avoir une crise de ce genre, je contacterais les principaux conseillers du président et son conjoint, pour m’assurer qu’il est pris en charge. Je n’irais certainement pas en parler à la télévision!», reprend Jeffrey Kuhlman. Il indique toutefois que la procédure à suivre dans un tel scénario n’est pas «codifiée» dans la loi.
Aucune obligation ne pèse non plus sur les candidats à la fonction suprême. En effet, la Constitution américaine ne fixe que des critères d’âge, de citoyenneté et de résidence pour se présenter. Pas de santé.
Dans l’histoire de la présidence, les cas de dissimulation ont été nombreux. John F. Kennedy et Franklin D. Roosevelt étaient malades pendant leurs mandats respectifs – le second est mort moins d’un mois après sa quatrième investiture. Que dire de Woodrow Wilson, remplacé officieusement par sa femme, Edith, après un accident vasculaire cérébral en 1919? Ou de Grover Cleveland, un grand fumeur qui a subi en 1893 un remplacement de mâchoire dans le plus grand secret, à bord d’un yacht, pour éviter d’être vu à l’hôpital? Il avait prétexté une sortie de pêche pour ne pas éveiller les soupçons. L’histoire n’avait été révélée que vingt ans plus tard.
Transparence totale pas souhaitée
Comme Joe Biden, l’occupant le plus âgé de l’histoire du bureau ovale, la situation de Donald Trump a alimenté les suspicions. En 2018, son ancien docteur a révélé que le milliardaire, qui aura 79 ans en juin, lui avait dicté une note, partagée pendant la campagne de 2016, dans laquelle il décrivait sa santé comme «étonnamment exceptionnelle». Pendant son premier mandat, son médecin, Ronny Jackson, devenu depuis député républicain, a utilisé la même hyperbole, affirmant en 2018 qu’il avait des «gènes incroyablement bons, et c’est simplement comme ça que Dieu l’a créé». Deux ans plus tard, la Maison-Blanche tentait de masquer la gravité de son état de santé sur fond d’hospitalisation pour cause de Covid. Ses facultés mentales ont également été questionnées.
Le bioéthicien Jacob Appel n’a «pas confiance du tout» dans les informations médicales partagées par les présidents. Mais il n’est pas non plus favorable à une transparence absolue: «S’ils sont obligés de tout divulguer, ils risquent de ne plus aller aux rendez-vous médicaux ou une éventuelle maladie pourrait être utilisée contre eux par des puissances ennemies.»
Il craint également que le grand public «ne sache pas traiter ces informations». «Comment interpréter, par exemple, la prise de médicaments contre le cholestérol ou la tension artérielle? Sans contexte, il est difficile d’arriver à une conclusion logique, dit-il. Par ailleurs, on ne peut juger un président avec les mêmes standards qu’un individu ordinaire. En effet, on demande à nos leaders d’avoir un sens du jugement et de la perspective. S’il a des problèmes de mémoire de court terme, ce n’est pas grave car il a des équipes qui l’aident à suivre les dossiers.» Et ce n’est pas le climat d’hystérisation du débat public régnant outre-Atlantique qui permettrait une discussion apaisée et nuancée sur ce sujet sensible.
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