Par
Laurent Fortin
Publié le
21 mai 2025 à 21h28
Ils avaient préparé leur dossier. Et avaient écrit leurs arguments. Le collectif Papier sensible attendait patiemment l’appel à projets que devait lancer la communauté d’agglomération Clisson Sèvre et Maine début 2025 pour se porter candidat à l’occupation du séchoir du Liveau à Gorges.
Un lieu, dont les 14 artistes et artisans d’art qui le composent, étaient devenus locataires suite à l’arrêt d’activité des Ecolorés :
En fait, on était trois artistes à sous-louer des espaces non-utilisés par l’association depuis 2022. Donc, quand, à l’été 2024, elle a quitté l’endroit, on a fait appel à d’autres indépendants qui cherchaient un atelier plus confortable que leur garage ou leur table entre leur salon et leur cuisine.
Fanny Massebiau, experte en origami, et Margot Bürki, sérigraphe
Elles n’avaient pas eu de mal à trouver. Constitué de scénographe, de photographes, d’illustrateurs et illustratrices, d’artistes plasticiennes, de sérigraphes ou encore d’autrices… le groupe cochait toutes les cases pour rester : leur travail en lien avec le papier était la principale, d’autant que le site des bords de Sèvre nantaise qui avait déjà vu revivre le moulin voisin pour fabriquer du papier, imprimer des feuilles et créer des cartes et carnets lui apportait une complémentarité naturelle. Mais en novembre dernier, le couperet tombe :
La collectivité nous a finalement annoncé, sans explication et sans dévoiler de projet, que la feuille de route avait changé et que nous devions partir fin août.
La sérigraphe de Kräken qui vit depuis, cette situation, comme « une véritable injustice ». Depuis, l’agglomération a indiqué qu’elle voulait récupérer son bâtiment, dont la réhabilitation a avoisiné les 600 000 euros en 2017, pour développer un tourisme d’affaires, principalement grâce à des séminaires et ne plus l’affecter à un pôle artistique et de loisirs, comme c’était prévu initialement.
« Jamais pu échanger sur notre projet »
Le plus désolant dans cette histoire, c’est qu’on n’a jamais pu défendre notre projet. Expliquer véritablement, ce qu’on faisait. Simplement échanger. Plusieurs ont, grâce à ce lieu, pu constater que leur activité était boostée. Même sur quelques mois. Parce que le réseau, le débarras de contingences logistiques et matérielles nous aide à nous concentrer sur notre activité.
Fanny Trichet, photographe.
Loin de nous l’idée de vouloir nous accaparer ce bâtiment public. D’ailleurs, il est peut-être possible de le partager. L’activité prévue est peut-être compatible avec les nôtres. A l’heure où tout le monde vante le vivre ensemble, se réunir aurait plus de cohérence que de se diviser. Pour cela, il faut pouvoir échanger
Amandine Peyresoubes, scénographe, et Lucie Castel, autrice de bande-dessinée.
Pour le collectif, l‘occupation de ce patrimoine du début du XIXe siècle « fait sens ».
Il y a une véritable cohérence avec le moulin voisin, soutenu par l’agglomération, avec qui nous pouvons mettre des synergies en place. Nous avons également commencé un travail avec le musée du Vignoble nantais, le conseil départemental et le Voyage à Nantes qui pourraient devenir des partenaires plus importants. Notre rôle touristique semble indéniable, car, très régulièrement, des promeneurs poussent notre porte, intéressés par ce qu’on fait sans même qu’il n’y ait d’exposition. De même, lors de nos ouvertures pour le marché de Noël, les Journées du patrimoine et des métiers d’art, nous avons reçu des centaines de visiteurs. Sans oublier, notre rôle qui pourrait être pédagogique.
Les membres de Papier sensible
Ils déploreraient « une fermeture complète du site au public, avec cette orientation ».
Un enjeu économique aussi
Même si le temps est compté, ils veulent encore croire en la possibilité de convaincre leur propriétaire. D’autant qu’elles estiment avoir des soutiens, dont Vincent Magré, vice-président en charge de la culture, au sein de l’agglomération : « après, il y a le courage politique... » indique le groupe.
Echaudée par l’issue des Ecolorés qui n’a jamais trouvé ses marques, l’agglomération a indiqué « vouloir assurer un équilibre financier pour ce site, alors que les recettes liées aux loyers n’ont jamais permis de combler leurs charges ». Un tarif que les artistes locataires assurent être prêts à revoir.
Il y a également un vrai enjeu économique. Nous sommes 14 professionnels. Donc 14 emplois. Sans cet atelier partagé, qui sont très difficiles à trouver sur le territoire, nos activités seront, à défaut d’être menacées, affaiblies. Or, nous avons cru comprendre que la collectivité défendait l’entrepreneuriat. On espère être considéré de la même manière que d’autres activités.
Karine van Amerigen, cinéaste.
Une considération qui a, pour l’instant, fait défaut, selon Margot Bürki.
Quand on invite les 16 maires et leur adjoint à la culture et que 4 personnes se déplacent, cela nous interroge sur la volonté de dialogue. Quand on nous dit »ce n’est qu’une mauvaise passe » ou que « 6 mois de plus ou de moins, ce n’est pas ce qui va changer », c’est mal connaître la fragilité de nos structures.
La Clissonnaise.
Une pétition a donc été mise en ligne pour apporter un peu plus de crédit à leurs arguments. Près de 830 signatures avaient été collectées en début de semaine.
Pétition Papier sensible : https://www.mesopinions.com/petition/art-culture/sechoir-liveau-garantir-perennite-projet-culturel/242131
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