Condamnées mardi par le tribunal correctionnel de Nice pour des travaux illégaux à Roquebrune-Cap-Martin, deux sociétés liées au Maybourne Riviera écopent de sanctions modestes. Le gérant, proche de l’émir du Qatar, a été relaxé.
La décision était attendue dans cette affaire de chantier tout à la fois hors-norme et hors-la-loi. Elle n’a guère surpris, mais laisse pour certains un goût d’inachevé. Mardi, le tribunal correctionnel de Nice a reconnu coupables deux sociétés morales liées au luxueux (et très médiatique) hôtel Maybourne Riviera, à Roquebrune-Cap-Martin, de plusieurs infractions au code de l’urbanisme.
Leurs représentants écopent chacun de 15.000 euros d’amende, devront remettre les lieux en conformité – notamment en démolissant une annexe bâtie en zone interdite – et indemniser la commune à hauteur de quelques milliers d’euros. Ils doivent aussi verser 50.000 euros à l’association de défense des intérêts des riverains, au titre du préjudice subi, et indemniser la municipalité de Roquebrune pour des frais de procédure, ainsi que pour le préjudice d’image. En revanche, Gilles de Boissieu, gérant de l’hôtel et gestionnaire de la fortune de l’ancien émir du Qatar, a été relaxé.
Des moyens judiciaires insuffisants
«Le parquet avait requis une relaxe contre le gérant, considérant qu’il n’avait pas suffisamment les pouvoirs de contrôle et de décision… Donc, de ce point de vue là, la décision n’est pas une surprise », commente Me Clément Bossis, avocat de Marie-Christine Franc de Ferrière, l’ancienne élue d’opposition à l’origine des poursuites. Du reste, il juge les sanctions prononcées très inférieures aux manquements observés. «Il n’y a qu’un seul parquetier dédié à l’urbanisme à Nice. Certaines infractions étaient très facilement constatables, d’autres beaucoup moins. Il aurait fallu ouvrir une information judiciaire et mener une enquête approfondie. À la place, le parquet a choisi de renvoyer sur un périmètre limité, en pariant sur des condamnations rapides. Évidemment, cette façon de ménager la chèvre et le chou donne une réponse judiciaire étroite et décevante», analyse-t-il.
Pour le tribunal, le dossier devait se limiter à ce qui était objectivement répréhensible et documenté. D’où, sans doute, cette décision resserrée, qui évite soigneusement de rouvrir les plaies d’un chantier entaché d’incidents techniques, de tensions entre partenaires, et de soupçons d’abus de confiance ayant déjà donné lieu à deux plaintes distinctes visant le maître d’ouvrage Paddy McKillen. Un pan entier de l’affaire reste donc dans l’ombre.
Perché sur un promontoire dominant la Méditerranée, l’ex-Vista Palace, acquis en 2014 par le cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, avait rouvert en grande pompe sous pavillon Maybourne en 2021, après un chantier de 250 millions d’euros. Mais la métamorphose du bâtiment s’était accompagnée de multiples écarts aux règles d’urbanisme : près de 1200 mètres carrés de surfaces exploitées en dehors du cadre légal, dont 200 mètres carrés en zone rouge du plan de prévention des risques. La justice a tranché. Mais le Maybourne Riviera, qui doit encore se plier aux injonctions de démolition ordonnées par le tribunal, n’en a pas fini de faire parler de lui. Quant aux Roquebrunois, ils devront s’habituer à ce paysage modifié à jamais.