Par
Inès Cussac
Publié le
22 mai 2025 à 6h24
Sac de randonnée sur le dos et sacs de course dans les mains, Arthur ne voulait pas perdre de temps. À peine avait-il posé un pied sur le quai de la gare Montparnasse à Paris (14e), qu’il était déjà dans les rayons du magasin Leclerc. Le jeune homme de 25 ans y a fait sa dernière escale pour remplir son frigo à moindres frais avant de rentrer chez lui. « Je n’étais pas à Paris depuis longtemps, donc il fallait faire un gros plein de courses. C’est pratique de le faire en sortant du train, c’est sur la route et je sais que ce n’est pas cher », indique-t-il sous sa casquette rose délavée.
Mais entre les travaux dans la rue du Commandant René Mouchotte, les voitures de l’avenue du Maine et l’affluence de piétons sur cet axe majeur du sud de la capitale, l’accès au supermarché incrustée dans le centre commercial des Ateliers Gaîté est un vrai casse-tête. « Pour venir ici, il faut le vouloir. En tout cas, il faut connaître », admet Arthur regardant les barrières de chantier entre lesquelles il va devoir zigzaguer pour rejoindre son arrêt de bus.
Rivalité et complémentarité
Et Constance, une habitante du 15e arrondissement, d’approuver : « Je n’ai jamais fait de course dans d’autres magasins du centre commercial, à part le Leclerc. Mais pour le coup, le quartier Montparnasse est un bon endroit parce qu’il y a pas mal de monde, c’est assez central et puis c’est à côté du Lidl. »
« Pour venir ici, il faut le vouloir. En tout cas, il faut connaître », selon Arthur, un client. (©IC / actu Paris)
Le nom est lâché. L’enseigne de grande distribution jaune et bleu a ouvert ses portes un an après l’installation du Leclerc en 2022. Et depuis, la concurrence fait rage entre les deux voisins. Lidl mise sur des produits alimentaires pas chers. Leclerc tente d’attirer la clientèle avec un large panel de produits, allant de l’outillage à la cave à vin en passant par les produits ménagers, et des marques à petits prix.
De quoi séduire la grande brune Giulia, en vadrouille dans le magasin ce jour-là. « Il y a toujours des promos sur plein de trucs », fait-elle remarquer avant de reprendre le sérum Mixa qu’elle venait de glisser dans son panier : « Celui-ci, il est à 11 euros alors qu’au Monoprix près de chez moi, il est à 14 euros. Avec les pâtes Barilla, c’est la même chose. Elles sont à moins d’un euro alors qu’au Carrefour, c’est plus d’un euro. » Constance de son côté, jongle entre Leclerc et Lidl. Elle apprécie la complémentarité des deux supermarchés. « Pour les fruits et légumes par exemple, je vais chez Lidl. Mais pour tout ce qui est viande ou alcool, je préfère acheter chez Leclerc parce que c’est de meilleure qualité et j’ai plus de choix », détaille-t-elle.
Un marché saturé
Thierry Veron, président de la Fédération des commerçants et artisans parisiens, constate plutôt « un véritable souci d’implantation ». Selon lui, l’ouverture du supermarché et plus largement celle du centre commercial ne sont pas adaptées au quartier déjà saturé de commerces. « Rue de la Gaîté, rue Edgar Quinet, avenue Daguerre, avenue du Général Leclerc… Ce sont des rues commerçantes. Rajouter un centre commercial ne peut pas fonctionner », liste-t-il.
Dans le quartier, il y a déjà ce qu’il faut. Ce n’est pas logique, dans un environnement comme celui-ci de mettre un Leclerc ou un Lidl quand l’un existe déjà. On n’a pas plus de logements dans le quartier donc pas de besoins supplémentaires.
Thierry Veron
Président de la Fédération des commerçants et artisans parisien
D’une part, Leclerc doit donc jouer des coudes pour se faire une place sur ce marché déjà encombré. L’enseigne doit d’autre part se désolidariser du centre commercial dans lequel il est implanté. Comme Constance, les Parisiens désertent cet espace où les magasins baissent le rideau à tour de bras et le food hall paraît à l’abandon, avant l’arrivée des premiers afterworkers. « Je ne trouve pas que ça sert à grand-chose que le Leclerc soit dans le centre commercial, il ne donne pas très envie. Il est assez vide, bas de plafond, sombre… C’est assez oppressant », souligne la riveraine. « Quand on voit le coût des loyers dans le quartier [pouvant atteindre 10 000 euros par mois, ndlr], vous avez intérêt à vendre de la marchandise », appuie Thierry Véron.
Le bailleur du centre commercial, Unibail-Rodamco-Westfield, est lui aussi en concurrence avec sa voisine, la galerie marchande de la gare Montparnasse. Située dans une zone de passage, elle bénéficie de clients qui achètent par nécessité. Il faut donc faire le pas de côté pour les Ateliers Gaîté. Bowling, espace d’arcade, laser game… Le centre commercial tente de se renouveler avec des espaces de loisirs dont certains restent ouverts jusqu’à 2 h du matin. De quoi compléter l’attractivité du quartier dans tous les domaines.
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