Trop de normes, trop de droits, trop de contraintes pour les multinationales… Le président français l’assume ouvertement. Après son passage à la télévision le 13 mai, sur les défis de la France, Emmanuel Macron entend s’attaquer à la directive européenne sur le devoir de vigilance (CS3D) qui impose aux entreprises des règles en matière de respect de l’environnement et des droits humains dans toute leur chaîne de production.

Devant les participants du sommet Choose France, ce dernier a revendiqué : « Nous sommes tout à fait d’accord avec le chancelier Merz et d’autres collègues pour aller bien plus vite » en matière de simplification « et la CS3D et quelques autres régulations ne doivent pas être simplement repoussées d’un an mais écartées ».

Au nom de la lutte contre la bureaucratie, le chancelier allemand Friedrich Merz a tenu des propos similaires quelques jours plus tôt. « Certaines réglementations doivent être réduites », a-t-il lancé vendredi 16 mai à propos de la CS3D « en fin de compte, la solution doit être de la supprimer ».

Macron se plie à la volonté du patronat

Cette directive adoptée, il y a plus d’un an par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, n’a jamais été appliquée intégralement. Elle a été repoussée dernièrement de 2027 à 2028. Ce devoir de vigilance était né après le drame du Rana Plaza au Bangladesh.

L’immeuble abritant un atelier de confection de prêt-à-porter pour de nombreuses marques occidentales s’était effondré en avril 2013, faisant 1 130 morts. Le drame avait souligné les dépendances de l’industrie textile à leurs fournisseurs et le respect des conditions de travail tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Pour Marie Toussaint, eurodéputée écologiste (Verts/ALE) et négociatrice de l’omnibus concernant la transparence et la responsabilité des entreprises : « Emmanuel Macron a fait le choix des lobbies et du cynisme. Supprimer la directive sur le devoir de vigilance, c’est autoriser les multinationales à continuer de polluer, d’exploiter, de piller et tout ça en toute impunité ! Il cède une nouvelle fois aux injonctions de l’extrême droite et du pire du patronat, au mépris des droits humains et de la planète ».

La CS3D devait permettre de défendre les droits humains, d’en finir avec la destruction des écosystèmes, de lutter contre le travail des enfants et le travail forcé. Elle « introduit des obligations pour les grandes entreprises en ce qui concerne les incidences négatives de leurs activités sur les droits de l’homme et la protection de l’environnement. Elle fixe également les responsabilités liées à ces obligations. Les règles concernent non seulement les activités des entreprises, mais aussi celles de leurs filiales et de leurs partenaires commerciaux tout au long de la chaîne d’activités des entreprises », explique le Conseil européen. En cas de manquement à ces obligations, les entreprises doivent prendre des mesures appropriées même concernant leurs partenaires tout au long de la chaîne. En cas de dommages, elles peuvent en être tenues responsables.

Les syndicats européens ont condamné cette offensive. La CES (Confédération européenne des syndicats), « met un carton rouge à la Commission européenne pour la poursuite de son agenda sur la déréglementation, et en premier lieu ses paquets omnibus ».

Un contresens historique

Dans le cadre du projet de loi « omnibus », la Commission européenne acte déjà au nom de la simplification la destruction de plusieurs réglementations phares sur l’environnement comme le Pacte vert européen et social avec la CS3D. Les syndicats français ont réclamé dans un communiqué commun « a contrario d’impliquer au plus vite les organisations syndicales dans le cadre de la transposition de la directive de l’UE sur le devoir de vigilance malgré le retard acté au niveau de l’UE. À deux semaines de la Conférence internationale du Travail et alors que le président français souhaite jouer un rôle actif dans l’édification d’un nouvel ordre mondial, supprimer un texte multilatéral qui régule la domination des multinationales est un contresens historique ».

De nombreuses ONG et associations écologistes ont dénoncé l’offensive du patronat et des dirigeants européens. L’association Notre Affaire à Tous associée à des ONG européennes comme Attac, Oxfam, les Amis de la terre, ClientEarth, Amnesty International ont saisi la médiatrice européenne pour fustiger des mesures européennes visant à simplifier des textes sociaux et environnement dont notamment le CS3D. Ils critiquent vivement une annonce qui « répond en revanche aux désirs de Jordan Bardella, dont le parti fait campagne depuis des mois pour abroger le devoir de vigilance et le Pacte Vert européen ».

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