Le méga projet de loi fiscale de Donald Trump continue de diviser. Adopté ce jeudi par la Chambre des représentants américaine, le texte doit encore passer par le Sénat. Si le président américain l’a surnommé « One Big, Beautiful Bill » pour « un grand et beau projet de loi », tout le monde n’est pas de cet avis. Et encore moins les marchés financiers, inquiets de ses conséquences sur la dette américaine. Dans le détail, le texte compte prolonger les réductions et crédits d’impôts mis en place lors de son premier mandat et prévoit aussi des coupes dans certains programmes, tels que l’assurance santé fédérale Medicaid.
Déjà la veille, la Bourse s’est enflammée après la visite du président américain au Congrès venu convaincre les derniers républicains récalcitrants de voter ce jeudi son budget dispendieux. L’anxiété des marchés s’est traduite cette nuit par « une chute des actions, une hausse significative des rendements obligataires et un affaiblissement du dollar », commente à La Tribune, John Plassard, spécialiste de l’investissement pour le fonds Mirabaud. Les rendements obligataires de l’emprunt américain sur 30 ans ont ainsi flambé dans la nuit de mercredi à jeudi. Ils ont terminé mercredi soir à 5,09 %, contre 4,97 % un jour plus tôt, soit le plus haut niveau de clôture depuis octobre 2023. Les investisseurs ont ainsi estimé qu’ils prenaient plus de risque en prêtant aux États-Unis.
Le rendement sur 10 ans a même, lui, atteint mercredi soir les 4,60 %, également un plus haut depuis le mois de février. « Cette nervosité a été accentuée par une adjudication très mal accueillie de 16 milliards de dollars d’obligations à 20 ans, signalant une demande fragile pour la dette américaine », complète l’expert.
Panique sur la dette américaine
Les marchés reprochent principalement au projet du président américain des dépenses trop importantes par rapport aux économies prévues. D’après une agence indépendante, le projet pharaonique de Trump augmenterait le déficit de l’État de 3 300 milliards de dollars sur une dizaine d’années. De quoi alourdir considérablement la dette américaine et sa soutenabilité, de plus en plus pointée du doigt. Le Congressional Budget Office (CBO) anticipe notamment que la dette fédérale représentera 118 % du PIB en 2035 contre 100 % cette année.
Signe d’une véritable perte de confiance, l’agence de notation Moody’s a retiré vendredi la note maximale de Aaa aux États-Unis, critiquant la hausse de l’endettement du pays et le projet fiscal de Trump. « Nous ne pensons pas que des réductions des dépenses et du déficit puissent être réalisées avec la proposition de loi budgétaire actuellement en discussion », a précisé l’agence.
Une situation qui pèse sur la confiance des investisseurs dans les obligations américaines. « Les investisseurs réagissent en vendant massivement des obligations, ce qui fait grimper les rendements et augmente le stress sur les marchés », explique John Plassard. Or, si les rendements obligataires de la dette américaine augmentent, les États-Unis paient de plus en plus cher leur dette. D’autant que le poids des charges d’intérêt net de la dette représente désormais un poste important de dépense dans le budget fédéral. Bien plus cher que la défense ou encore Medicaid, pointe le New York Times.
Un privilège qui se perd
Une situation qui pourrait remettre en question le statut de valeur refuge des actifs américains, alors que les bons du Trésor américain sont considérés comme les actifs les plus sûrs au monde. Lundi, le directeur du Conseil économique national, Kevin Hassett, a répété que les obligations américaines étaient « le meilleur achat au monde » et qu’elles seraient « encore plus intéressantes une fois que toutes nos politiques seront en place ».
Mais certains analystes se montrent de plus en plus réservés. Pour John Plassard, « Les bons du Trésor américains commencent à perdre ce statut. […] L’accumulation de déficits et l’absence de consensus politique inquiètent de plus en plus les investisseurs institutionnels. Autrement dit, ce qui était autrefois la norme en matière de sécurité… devient lui-même source d’instabilité », conclut-il.