« Cellule fiscale de Lille, bonjour ! Comment puis-je vous aider ? » À l’autre bout du fil, un contribuable pas très au fait de la manière dont il doit déclarer ses revenus de l’année 2024. Pour l’aider, Thomas, en première année de master Droit fiscal à l’Université catholique de Lille. À ses côtés, Cécile, Amandine et Julie. Tous les quatre se dirigent doucement vers le métier d’avocat fiscaliste, « à l’international », précise Thomas, ou de notaire.

Avant ça, plongée dans le grand bain des conseils aux contribuables avec la « cellule fiscale », une ligne directe imaginée par leur prof Simon Daragon pour les mettre dans les conditions du réel. Pendant trois jours, de 9 heures à 18 heures, ils décrochent le téléphone pour aiguiller ceux qui les appellent dans les affres de la déclaration de revenus.

Créée il y a 4 ans, la cellule fiscale cherche à les confronter, dans la pratique, à des cas concrets, qui sortent de l’exercice classique : derrière leur combiné, de vraies personnes attendent de vraies réponses sur comment déclarer un logement meublé non professionnel, faut-il déclarer ses revenus en France quand on travaille à Monaco, que devient l’adresse de résidence principale d’un proche en Ehpad, dans quelle case ajouter ses frais de garde d’enfants, ou encore comment déclarer sa cryptomonnaie.

« L’exercice nous apporte de la confiance en nous »

« Je les forme à bloc pendant plusieurs semaines sur la partie déclarative pour qu’ils soient prêts », explique avec enthousiasme Simon Daragon qui leur enseigne le droit fiscal. « Pour eux, c’est top parce que c’est professionnalisant et derrière, quand ils sont recrutés, ils ont un temps d’avance énorme sur les autres candidatures parce qu’ils ont été professionnalisés sur cette partie-là. »

Un atout au moment de défendre leur parcours, mais aussi quand il s‘agit de répondre sur le fond. « En plus, ils savent se comporter », poursuit leur prof de droit fiscal : « Ils savent quelle question poser, comment réagir, ce qui est en fait souvent le plus difficile, quand on est un peu timide au début alors qu’on a fait que de la théorie. Là, après le premier appel où ils peuvent avoir oublié des informations, ils comprennent très vite ce qui leur a manqué et ils ne le font qu’une fois. »

Et pour répondre avec professionnalisme, ils ont dû décrypter l’ensemble des déclarations, des cases et des dispositifs fiscaux. « Dès qu’on a un doute on se tourne vers M. Daragon », précise Tanguy. Mais surtout, ils prennent note des questions qui leur sont posées et des situations, puis rappellent après avoir discuté en groupe de la façon dont répondre au contribuable inquiet de l’autre côté. Pendant qu’ils réfléchissent à la réponse à apporter, pas impossible que le téléphone sonne. « L’an dernier, on a résolu 800 cas en trois jours », dénombre avec fierté l’enseignant.

Tanguy, Amandine, Thomas, Julie, Cécile et leurs camarades de promo de master se sont entrainés plusieurs semaines avant de répondre aux questions posées à la cellule fiscale. LP / Claire BerthelemyTanguy, Amandine, Thomas, Julie, Cécile et leurs camarades de promo de master se sont entrainés plusieurs semaines avant de répondre aux questions posées à la cellule fiscale. LP / Claire Berthelemy

Tanguy, lui, en a traité une dizaine à lui tout seul la veille. « Le premier appel a été un peu stressant, mais ensuite non. Ma première question, c’était une personne dont le mari travaille en Belgique et qui se demandait dans quel pays déclarer ses revenus », poursuit le jeune homme qui se destine à être conseiller fiscal. « L’exercice nous apporte de la confiance en nous, et plus d’assurance : il faut qu’on leur donne les bonnes informations ! »

Le téléphone sonne de nouveau, c’est sa camarade qui prend des notes pendant qu’il jongle entre les onglets de son ordinateur, du site des impôts à une déclaration vierge en passant par le simulateur. Des sources indispensables pour l’élève studieux qui doit répondre à des questions bien précises, parfois sur des dispositifs des années 1990. « Hier on m’a demandé comment déclarer un Périssol, mais je ne savais même pas ce que c’était », rit Tanguy. Pour résoudre le problème, ils peuvent compter sur les autres étudiants de la promo ou leur prof qui arpente la salle, de grappe d’élèves en grappe d’élèves.

Une expérience pratique et en équipe

Déjà ensemble depuis plusieurs mois, les élèves du master évoluent pour l’exercice en duo ou en trio, parfois en quatuor. C’est le cas de Thomas, Amandine, Julie et Cécile, qui en pleine discussion autour de la déclaration des revenus de cryptomonnaies sont interrompus par la sonnerie du téléphone devant eux.

Thomas, le ton bien plus sérieux qu’en échangeant avec ses camarades de promo, décroche. Pendant qu’il prend des notes sur son carnet, les trois autres membres du groupe attendent patiemment qu’il raccroche pour potasser le cas pratique. « On s’entraide tous ! », fait remarquer Julie : « Hier on a vraiment eu des appels tout le temps et quand on est au téléphone, on compte sur les autres pour nous aider, parce que parfois c’est très dur de répondre. Il ne faut pas paniquer, mais chercher vite. »

« On a surtout des contacts avec les gens et on s’engage à leur donner des réponses justes : on apprend beaucoup plus là qu’en stage ! »

Julie étudiante en Master de droit fiscal à la Catho de Lille

Des situations qui contrastent avec les stages qu’ils ont pendant leur cursus. « On doit lire des documents, il y a beaucoup de recherche, mais là, on a surtout des contacts avec les gens et on s‘engage à leur donner des réponses justes : on apprend beaucoup plus là qu’en stage ! » se réjouit Julie.

Les examens sont terminés, début des vacances demain soir. Mais avant ça, ce soir, ils auront à affronter le rush de 17 heures-18h30, « heure à laquelle les gens rentrent du boulot » sourit Thomas. « On ne s’en rend pas compte, mais ils sont mobilisés non-stop toute la journée ! » ajoute Simon Daragon : « Tout à l’heure, l’un d’entre eux m’a dit qu’il s’était endormi à 20h30 hier soir ! » Épuisés, mais ravis de l’expérience.

Pour joindre les élèves, jusqu’au vendredi 23 mai 18h30 : 03 59 30 25 05

Dates limites pour déclarer vos impôts en 2025 : en ligne jusqu’au 22 mai pour les habitants des départements 1 à 19, le 28 mai pour ceux des départements 20 à 54 et le 5 juin pour les habitants des départements 55 jusqu’aux Outre-Mer.