Par

Antoine Blanchet

Publié le

22 mai 2025 à 19h22

Un scénario rocambolesque monté pour ponctionner une jeune victime vulnérable. Ce jeudi 22 mai 2025, c’est une étonnante affaire qui tombe entre les mains de la 23e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Deux hommes, Babacar F. et Fousseinou C. comparaissent pour extorsion et séquestration. La victime : un jeune homme de 19 ans à qui les prévenus ont fait croire à une obscure histoire de drogue et de mafia pour lui soutirer de l’argent. Le mobile : une potentielle vengeance d’un copain de la victime qui squattait son appartement. Ce dernier n’était pas poursuivi, malgré une implication dénoncée par la défense.

Amitié, squat et altercation

Tout commence par une rupture. Celle d’une amitié à sens unique entre Guillaume* et Samy*. Le premier est un petit héritier à peine sorti de l’adolescence. Il possède des logements après des décès tragiques dans sa famille. Le second est un jeune oiseau de nuit, détenteur d’une petite notoriété dans le monde du skate-board.

Un peu naïf, Guillaume s’entiche de Samy et lui propose de vivre dans un studio à lui. Pas de bail. Pas de loyer. Juste de l’amitié. Pendant 18 mois, le fêtard profite de cette largesse immobilière. Malheureusement pour lui, tout a une fin. En novembre 2024, Guillaume chasse Samy. L’expulsion tourne à l’altercation. En partant, Samy aurait menacé de vengeance son logeur. Des propos qu’il conteste.

« Je suis calibré. Je rigole pas »

Deux jours après cette expulsion délicate, la vie de Guillaume bascule dans le mauvais polar. Un certain « Bab’s » le contacte. Au téléphone, la voix grave lui explique que Samy jouait les nourrices et gardait de la cocaïne dans le studio squatté. La quantité : 800 g. La valeur : 24 000 euros. Les propriétaires de la poudre blanche, peu recommandables, veulent remettre la main sur la marchandise.

Terrifié, Guillaume accepte sans broncher. Deux jours plus tard, deux armoires à glace se présentent au studio. Le premier, « Bab’s » (Babacar F.), demande la drogue ou son équivalent en liquide. Le second, « Igo » (Fousseinou C.) n’est pas plus sympathique. Il porte un pistolet à la ceinture. « Regarde-moi, je suis calibré. Je rigole pas », clame l’individu en brandissant son arme, sans braquer la victime, venue avec un ami.

Des menaces de plus en plus inquiétantes

Dans une ambiance tendue, les quatre hommes se mettent à la recherche de la poudre blanche. Chou blanc. Le temps passe et l’angoisse monte. Terrorisé, le propriétaire propose aux deux hommes de se rendre chez lui dans les Hauts-de-Seine. Alors que l’inquiétant duo l’amène puis l’attend dans la voiture, Guillaume revient avec 1 300 euros.

L’affaire pourrait s’arrêter là, mais prend de nouvelles proportions. « Bab’s » recontacte très vite le jeune homme et lui tient des propos glaçants. Les propriétaires de la drogue dépendraient de la terrible Mocro-Maffia. Cette organisation hollandaise de trafic de stupéfiants est connue pour sa sauvagerie. Si Guillaume ne trouve pas 12 000 euros avant minuit, lui et sa famille vont mourir dans d’atroces souffrances.

Une plainte déposée en novembre

Ravagée par la terreur, la victime fait le tour de sa famille et parvient à obtenir 3 000 euros. Il les remet à Babacar F.. Il décide toutefois de se rendre à la police où il raconte ces derniers jours cauchemardesques. Malgré son dépôt de plainte, les messages menaçants continuent. « T’inquiètes pas, on est à votre recherche », lui lance un numéro inconnu.

Les policiers enquêtent et parviennent à identifier « Bab’s » et « Igo » via des traces ADN dans le studio et le bornage des téléphones. Le 18 mars 2025, les deux hommes sont interpellés. L’ancien locataire indésirable est aussi placé en garde à vue. Ce dernier dément toute vengeance et tout rôle dans cette obscure affaire. Il ressort libre sans poursuites.

Un canular monté de toutes pièces

Ce jeudi, les deux armoires à glace se lèvent dans la cage de verre. Babacar F. explique que toute cette histoire, c’était du bidon. « Je travaillais dans un studio de musique et Samy venait parfois là-bas. Un jour, il est venu nous dire qu’il s’était fait virer par son logeur. Il m’a dit qu’il avait laissé un sac avec de la drogue. Il m’a demandé de le récupérer contre rémunération », révèle le prévenu dans sa veste beige. L’idée de continuer à ponctionner la victime serait venue au fil du temps avec Samy.

Quant à Fousseinou C., le porte-flingue, il minimise la dangerosité de son artillerie. « C’est un pistolet de dissuasion que j’ai acheté. Il n’est jamais chargé », assure-t-il. Il réfute avoir brandi l’arme dans le studio. Les deux prévenus nient aussi avoir séquestré la victime. « On a mangé des bonbons et on a fumé des cigarettes », relate le malabar à la barre. Absent à l’audience, Guillaume ne peut confirmer ou infirmer cette version.

Lourdes peines de prison

Le duo est loin d’être inconnu de la justice. Fousseinou C., 40 ans, possède 19 mentions dans son casier judiciaire. Son compère, 45 ans, en a 24. Ce dernier a déjà trempé dans des affaires d’extorsion. Un lourd passé qui n’échappe pas à la procureure dans son réquisitoire. Dénonçant un « acharnement » contre la victime, elle demande six ans de prison, dont une année avec sursis, contre les deux prévenus.

À la défense, on torpille le chaînon manquant de cette nébuleuse affaire : Samy, le squatteur bafoué qui aurait été à l’origine de cette affaire.  « Il vit comme un pacha et on ne sait pas ce qu’il fait. Je pense qu’il a embobiné la police judiciaire comme il a embobiné les deux prévenus », fustige l’avocate de Babacar F.. 

Finalement, le tribunal reconnaît coupable les deux hommes. Babacar F. écope de la peine la plus lourde : 5 ans de prison, dont une année avec sursis. Son comparse écope de trois ans de prison ferme. Tous deux sont maintenus en détention. Ils devront aussi s’acquitter d’une amende de 5 000 euros.

*Les prénoms ont été modifiés

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