Il est le résultat de trente ans de recherches généalogiques, sous l’impulsion du projet international Leonardo da Vinci DNA. Un livre (en italien) présenté ce mois de mai 2025, Genìa da Vinci. Genealogia e genetica per il DNA di Leonardo, qui reconstitue le profil génétique du très célèbre artiste, scientifique et inventeur, Léonard de Vinci (1452-1519). Les chercheurs Alessandro Vezzosi et Agnese Sabato sont parvenus à retracer, à travers « l’une des investigations historico-génétiques les plus avancées jamais entreprises », écrivent-ils, un arbre généalogique remontant à 1331, couvrant 21 générations, impliquant plus de 400 individus et identifiant quinze descendants en ligne masculine.
Enquête ADN sur la lignée da Vinci
Le point de départ scientifique du projet Leonardo da Vinci DNA, lancé en 2016, était simple : « permettre la recherche scientifique sur l’ADN de Léonard en retraçant sa lignée familiale jusqu’à aujourd’hui, tout en valorisant les lieux liés à sa mémoire, explique dans un communiqué Alessandro Vezzosi, spécialiste du génie de la Renaissance. Grâce à cette récupération, nous espérons comprendre les racines biologiques de son acuité visuelle, de sa créativité et peut-être même des aspects de sa santé ou des causes de sa mort« .
Pour rappel, Léonard de Vinci n’a jamais eu d’enfants et n’a donc pas de descendants directs au sens strict – c’est-à-dire, issue de sa propre lignée biologique. Les chercheurs étudient ici les descendants masculins issus de la même lignée que lui, via son père Piero da Vinci et les autres hommes de sa famille, comme son demi-frère Domenico Benedetto. Ce lien est essentiel dans le cadre du projet ADN, car le chromosome Y, transmis uniquement de père en fils, reste (sauf mutations) identique à travers les générations.
Grâce à une analyse minutieuse des sources et des archives, les experts sont parvenus à identifier quinze d’entre eux. Six ont accepté de participer à une analyse ADN coordonnée. Le verdict est sans appel : tous partagent le même chromosome Y, confirmant la continuité génétique de la lignée masculine des da Vinci, au moins depuis la quinzième génération.
Vers une reconstitution du génome ?
Ce premier jalon scientifique offre un nouvel espoir. Des fragments osseux mis au jour dans un caveau familial de l’église Santa Croce de Vinci (Toscane, Italie) – où reposeraient notamment le grand-père, l’oncle et plusieurs demi-frères de Léonard – sont actuellement sujets à tests paléogénétiques. De premiers résultats quant à un spécimen, correspondant en âge aux proches présumés du maître florentin, indiquent qu’il était de sexe masculin. Si les scientifiques parviennent à en extraire un ADN exploitable, la comparaison avec les descendants actuels pourrait ouvrir la voie à la reconstitution du génome du génie.
Si le chromosome Y est identifié dans les restes exhumés des tombes de Vinci, cela validerait également la fiabilité des archives de paternité et la reconstruction historique de la lignée familiale. Grâce à cette confirmation, les spécialisées pourraient ensuite analyser plus précisément d’autres sources biologiques, comme des restes de cheveux… ou même des traces d’ADN laissées sur ses dessins ou manuscrits. « Même une simple empreinte digitale sur une page pourrait contenir des cellules exploitables, développe dans le communiqué Jesse H. Ausubel de l’université Rockefeller (États-Unis) et directeur du projet. La biologie du XXIe siècle repousse la frontière entre l’inconnu et l’inconnaissable. »
Des traces physiques et familiales du maître
Au-delà de l’analyse génétique, les auteurs de Genìa da Vinci ont également identifié sept maisons familiales dans le village de Vinci et ses environs, dont deux ayant appartenu à Léonard. Sur la cheminée de l’une de ses anciennes propriétés a été découvert un intrigant dessin au charbon, représentant une créature fantastique baptisée « Dragon Licorne ». Ses caractéristiques stylistiques, proches d’autres œuvres connues de l’artiste, suggèrent une possible attribution – en attente de recherches plus poussées.
L’identité de sa mère, longtemps entourée de mystère, se précise aussi : il pourrait s’agir d’une esclave orientale nommée Caterina, au service d’un riche banquier florentin. Une série d’actes de donation documente, à partir de 1449, ses liens avec le père de Léonard.
Enfin, le dernier chapitre du livre récemment publié propose une réflexion sur les similitudes entre certains descendants actuels et l’autoportrait (présumé) de Léonard de Vinci (1512-1515). Ses auteurs précisent toutefois que les ambitions du projet restent résolument scientifiques ; les recherches visent à révéler des aspects inédits du patrimoine génétique, des traits physiques, voire des fragilités du visionnaire. « Il ne s’agit pas seulement de l’auteur du tableau le plus célèbre au monde, conclut dans la publication Jesse H. Ausubel. C’est un défi pour redéfinir les limites de la connaissance historique et de l’héritage culturel. »