Par
Thomas Corbet
Publié le
8 avr. 2025 à 19h26
Constant dans ses performances comme dans ses efforts, François Cros s’est hissé à force de travail parmi les meilleurs 3e ligne du monde. Incontournable en équipe nationale comme avec le Stade Toulousain, le flanker s’est livré à Actu Rugby sur sa méthode, sa façon d’approcher le jeu et sa philosophie dans un entretien exclusif à l’approche du quart de finale de Champions Cup de Toulouse contre Toulon.
François Cros livre les clés de sa réussite
Vingt minutes passées avec François Cros dans les tribunes dépeuplées d’Ernest-Wallon après un entrainement du Stade Toulousain et un constat : on n’en avait même pas besoin de 5 pour réaliser que le bonhomme a la tête non seulement bien pleine mais aussi bien vissée sur les épaules.
Parler de lui-même n’a d’ailleurs pas l’air d’être son activité favorite. On a beau faire partie des meilleurs joueurs du monde à son poste, on peut quand même rester humble. Démonstration !
Une des caractéristiques de François Cros dans ses performances, quel que soit le niveau, est qu’il ne baisse quasiment jamais en régime. D’instinct, on a donc envie de lui demander s’il fait partie des meilleurs éléments du Stade Toulousain dans les tests physiques.
« Je dirais que c’est un peu comme sur le terrain. Je suis présent partout, mais premier nulle part ! J’essaie d’être assez polyvalent, d’être correct dans tous les secteurs », sourit-il.
Déjà, c’est faux puisque tu es souvent premier au soutien François ! Mais passons… Quand on pointe du doigt cette confondante humilité, il poursuit simplement : « C’est bien, mais on peut toujours faire mieux. C’est pour ça que je dis ça. Dans tous les cas, c’est sûr que sur le terrain, être bien physiquement, c’est quand même un atout et un confort. »
L’amour du travail…
A priori, on n’apprendra rien à personne en expliquant que l’accession à l’élite du sport mondial, peu importe la discipline, repose sur un savant mélange de prédispositions génétiques, de talent et de travail acharné. En ce qui concerne François Cros, la mayonnaise semble avoir plutôt bien pris.
« Je pense que j’avais quelques qualités naturelles, entretenues peut-être aussi par le fait que j’ai été très tôt sportif. Je faisais de la natation, du basket, du rugby. C’est vraiment quand je suis entré au lycée que j’ai arrêté le reste pour me consacrer au rugby. Mais j’ai toujours été dehors, à droite, à gauche, à bouger. Jamais très calme à la maison, jamais inactif. Mon père est du milieu agricole, donc il y a ça aussi qui m’a forgé un petit peu sur ce côté-là, le côté bosseur », détaille le flanker.
Et quand ça commence à fonctionner, visiblement, on y prend goût : « Même dans les catégories de jeunes où on commence à faire du physique, c’est quelque chose qui me plaisait et dans lequel j’aimais essayer de me dépasser pour être le meilleur possible. »
Mais en grattant un peu, on arrive tout de même à trouver un domaine où François Cros est à la traîne ! « Il paraît que les nageurs sont hyper mobiles et souples, ce n’est pas une de mes qualités premières. Quand on me voit jouer au golf, on comprend que la souplesse, c’est compliqué », plaisante-t-il.
… et du rugby
C’est bien beau tout ça, mais courir vite et longtemps dans le vide ne mènerait à rien de bon. Le natif de la ville rose, lui, a la manie d’aller aux bons endroits du terrain aux bons moments. Une intelligence de jeu qu’il estime avoir développée naturellement grâce à la filière toulousaine.
« J’ai la chance d’être dans un club qui prône le jeu d’initiative et d’adaptation. Forcément, depuis que je suis arrivé au Stade, on travaille dans ce sens-là. Il y a une continuité dans les systèmes de toutes les catégories », décrit l’ancien capitaine du XV de France U20.
On laisse la place à l’erreur, mais dans tous les cas, c’est un jeu porté sur la prise d’initiative. Et si la réponse est collective à cette prise d’initiative, en général, ça fonctionne. C’est aussi ce qui fait notre force à nous aujourd’hui, c’est d’avoir cette continuité-là dans les prises d’initiative. Et je pense que c’est un réel atout pour moi d’avoir pu grandir dans cette école-là et d’avoir été inspiré très tôt de cette philosophie de jeu.
François Cros
3e ligne du Stade Toulousain
François Cros a fait partie des meilleurs joueurs du XV de France lors de la victoire dans le 6 Nations 2025. (©Icon Sport)Le sens du collectif
Arrive un dernier aspect, qui rejoint le goût de l’effort décrit plus haut : la capacité à serrer les dents quand ça commence à devenir dur et à tirer en fin de rencontre. Là encore, François Cros se révèle.
« Dans tous les cas, j’aime être sur le terrain, tant que je peux continuer à faire 80 minutes, c’est un plaisir et au contraire, je suis meilleur en fin de match qu’au début, donc c’est aussi peut-être une de mes qualités. Dans tous les cas, il faut faire des efforts pour que l’équipe soit victorieuse et ça ne me dérange pas de me dépasser, c’est l’équipe qui en sort grandie », estime-t-il en toute simplicité.
Sa force, il la puise une nouvelle fois dans son histoire : « C’est comme ça que je fonctionne depuis tout petit, depuis l’école de rugby. J’ai eu la chance de commencer dans un petit club (Seilh-Fenouillet, ndlr) où il n’y avait pas beaucoup de moyens et on avait besoin de tout le monde. Ça m’a forcé à prendre soin des autres et à sortir de ma zone de confort pour éventuellement compenser les manques qu’on avait sur certains joueurs, donc c’est quelque chose que j’apprécie et qui ne me pose pas de problème. »
Travail, humilité et don de soi, François Cros tente de résumer : « Pour moi, le rugby, c’est LE sport collectif où on a besoin de tout le monde et tout seul, on n’est rien, donc c’est pour ça que ça me correspond bien. C’est aussi ma philosophie de vie, mon état d’esprit et j’ai été éduqué comme ça, en faisant attention aux autres et en pensant aux autres avant de penser à moi. »
D’où son autre vocation pour un métier du domaine médical, puisqu’il s’aménage également une carrière de podologue en parallèle avec celle de joueur de rugby.
Hymne à la patience
Croyez-le ou non, François Cros n’est un titulaire absolument indiscutable du XV de France que depuis l’après Coupe du monde 2023. Il était remplaçant lors du quart de finale perdu contre l’Afrique du Sud et n’avait même pas été retenu en 2019. Injuste, difficile à comprendre ou explicable par sa polyvalence, chacun se fera son avis.
« Je me suis servi de ces échecs pour rebondir et pour continuer à avancer. J’aime bien mériter les choses et c’est vrai que parfois quand on a des échecs, ça nous pousse dans nos retranchements. Moi c’est comme ça que je fonctionne, ça me pousse à comprendre ce qu’il a manqué et à travailler sur ce secteur-là pour que ça ne soit plus un frein à l’avenir », tranche Cros.
« C’est comme ça que j’ai connu la réussite, par le travail. C’est quelque chose que m’a inculqué mon père depuis tout petit et je suis heureux d’avoir réussi de cette manière-là, dans le sens où je pense m’être donné les moyens d’y croire. Quand on a les résultats très vite, trop vite parfois peut-être, on peut s’endormir sur nos lauriers. Ces étapes de ma carrière m’ont servi à me construire physiquement et mentalement pour le jour où j’ai eu la chance d’être exposé, que ce soit le premier match avec le Stade ou avec l’équipe de France, où il fallait être prêt au niveau qui allait être demandé pour m’inscrire dans la continuité plutôt que de faire une bonne sortie et après m’enflammer », analyse-t-il.
Il aurait pourtant de quoi s’enflammer, du haut de ses 4 Brennus, 2 Champions Cup et 2 Tournoi des 6 Nations. Mais François Cros a déjà les yeux rivés sur ses prochains objectifs. En l’occurrence un quart de finale à Toulon qui promet de faire des étincelles.
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