Des symptômes alarmants chez les enfants
Les conséquences psychologiques peuvent être dramatiques. « J’ai eu des jeunes qui ont fait dans leur culotte avant le match, tellement ils sont stressés, comme s’ils jouaient la finale de Ligue des Champions alors qu’ils n’ont que 8 ans », raconte notre interlocuteur.
Le psychologue intervient régulièrement auprès d’enfants submergés par l’anxiété. « Le stress s’installe la veille du match et s’intensifie avant et pendant la rencontre. Je dois leur donner des outils pour gérer cette pression et apprendre à lâcher prise. Les relations avec les entraîneurs deviennent problématiques. Certains enfants se cachent s’ils ratent une action. Quand on les interroge, ils confient qu’ils aimeraient que l’entraîneur ne soit pas là. »
Football amateur : un tribunal du sport pourrait voir le jour pour sanctionner les parents violents au bord du terrain« Sur 1000 jeunes, un seul deviendra pro »
Manuel Dupuis épingle surtout l’attitude des parents qui, dans certains cas, dépassent les limites. « En tant qu’adultes, on attend d’eux qu’ils fassent preuve d’un peu de recul mais trop souvent, ce n’est pas le cas. Cette pression s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, l’engouement particulier pour le football, le sport le plus pratiqué, avec des enjeux financiers colossaux. Les réseaux sociaux amplifient le phénomène. Pourtant, la réalité est implacable : sur 1000 jeunes qui rêvent de devenir professionnels, seul un y parviendra. Une statistique que beaucoup de parents refusent d’accepter lorsqu’il s’agit de leur propre enfant. »
« Beaucoup d’arbitres arrêtent à cause de la violence »Une compétition féroce dès le plus jeune âge
La pression de la performance existe avant-même les catégories où les classements sont officialisés. « Il n’y a pas de classement avant les U13, mais la pression est quand même là. Cette année, des enfants de U8 n’ont pas été repris en U9 dans leur club, mais ont été transférés ailleurs. La sélection s’opère donc très tôt, installant une compétition permanente entre les enfants pour conserver leur place. Certains jeunes veulent progresser mais, dès la catégorie U7, ils ont peur de perdre leur place dans un bon club », poursuit le psychologue, qui précise que cette pression est inhérente au football et pas aux autres disciplines sportives.
Manuel Dupuis pointe du doigt certaines méthodes « viriles » bien ancrées dans les clubs de foot mais qui peuvent s’avérer contre-productives. « Pour motiver un jeune à bien s’entraîner, ce n’est pas en lui criant dessus ou en activant des mécanismes de peur que ça fonctionne. Les punitions, comme faire des tours de terrain, peuvent traumatiser. Ceux qui ont été le plus marqués par des entraîneurs à la dure développent des réflexes d’inhibition. Les conséquences peuvent se prolonger jusqu’à l’âge adulte. On le voit avec des footballeurs qui, à la fin de leur carrière, développent des problèmes d’alcool ou de dépression. Beaucoup ont du mal psychologiquement car le milieu n’est pas sain. »
Plusieurs incidents sont survenus ces derniers mois lorsque des parents s’en sont pris aux arbitres, aux entraîneurs ou éducateurs sportifs. Le phénomène est également observé chez nos voisins. En France, la situation a pris une tournure dramatique lorsque les voitures de deux éducateurs ont été incendiées car des enfants n’avaient pas été retenus dans l’effectif. Chez nos voisins néerlandais, il y a dix jours, un homme a frappé au visage un arbitre amateur qui aurait commis une petite erreur de jugement lors d’un match en U8. L’arbitre était en réalité le père du footballeur Noa Lang. Il s’est vu asséner un coup de poing qui l’a laissé inconscient au sol pendant huit secondes.
« Il faut pérenniser le projet des parents fair play »
Lancé en 2016 à l’initiative de l’ancien footballeur pro Thomas Chatelle, le projet Parents Fair-Play semble quelque peu s’essouffler. « Les clubs amateurs ont toujours plus de responsabilités car les clubs d’élite délaissent le côté social. On manque d’arbitres, de coachs, de délégués. La priorité des clubs n’est donc pas d’en plus trouver un référent fair play », explique le Bruxellois.
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Concrètement, l’idée du projet Parents Fair-Play est de désigner un parent par équipe qui joue le rôle de conciliateur en soutien de l’arbitre pour éviter les mauvais comportements en bord des terrains.
« L’idée a fait son chemin. Cela a permis de faire réfléchir certains mais pas au point que j’espérais. Dans l’idéal, j’aurais aimé que cela soit institutionnalisé et qu’on ait un référent fair play comme on a un capitaine d’équipe et un arbitre », poursuit Thomas Chatelle qui lance ce message aux parents : « il faut apprendre à laisser son enfant faire des erreurs sans intervenir, et ne surtout pas interférer avec les consignes de l’entraîneur. C’est la base. »