Les lecteurs français de Graham Greene ont plongé dans ses abysses catholiques pleins de cavernes secrètes, de crustacés louches, d’épaves psychiques et de péchés sous pression, au fond desquels vit cette chimère difficilement observable : la grâce. Ils le devaient d’abord aux traductions canoniques de Marcelle Sibon (1894-1980). Celles-ci ont été réunies en 2011 dans deux bons volumes de la collection Bouquins. Chaque texte y était présenté, annoté. Des récits autobiographiques éclairaient la gestation de l’œuvre. Flammarion entreprend, avec le traducteur Claro, une réédition de la plupart des romans de l’écrivain britannique. C‘est un décapage : le texte, rien que le texte, sans fioritures ni lenteurs. La concision inventive et la lucidité minutieuse de Greene, bien restituées, accentuent la tension des récits. Une phrase de jeunesse donne une idée de son art romanesque : «Il y avait peu de satisfaction à tirer d’une image qui remplaçait un fait.» Plus Greene se perfectionne, plus ses images et ses analyses ressemblent à des faits.
Un Anglais relativement médiocre, luttant contre la cinquième colonne nazie qui le persécute, préfère l’aventure solitaire au soutien efficace de la police : «La pitié se profilait, mais l’immaturité tenait bon.» Une jeune exilée autrichienne lui explique la mentalité des nazis : «Ils sont tous économes. Vous ne les comprendrez jamais si vous ne comprenez pas ça. […] Le maximum de terreur infligé au plus petit nombre en un temps