Depuis son retour à la Maison Blanche, le président américain a chiffré, à plusieurs reprises, le déficit dont les États-Unis pâtissent vis-à-vis de l’Union européenne. Mais ces données sont aussi surprenantes qu’erratiques.
Les humeurs du président américain sont changeantes. Ses chiffres aussi. Dans une nouvelle volte-face ce vendredi, Donald Trump a menacé l’Union européenne (UE) d’imposer des droits de douane de 50% sur les produits européens importés aux États-Unis à compter du 1er juin, estimant que les négociations en cours «ne vont nulle part». «Il est très difficile de traiter avec l’UE, créée en premier lieu pour profiter des États-Unis d’un point de vue commercial», a-t-il martelé.
Après avoir dénoncé pêle-mêle, sur sa plateforme Truth Social, les «barrières commerciales», la TVA ou encore les «manipulations monétaires» de ses partenaires européens, il n’a pas manqué d’évoquer son indicateur fétiche : le déficit commercial. Celui-ci s’élèverait, selon lui, à «plus de 250 millions de dollars par an» avec l’UE. Un chiffre aussi surprenant qu’erratique : en février dernier, Donald Trump parlait de «300 milliards de dollars», soit plus de mille fois plus ; c’était même «350 milliards» en avril.
Qu’en est-il réellement ? Les chiffres sont loin d’être anodins, surtout lorsqu’il s’agit de partenaires commerciaux aussi importants et étroitement liés que les États-Unis et l’Europe, les deux premiers marchés mondiaux. Selon Eurostat, les échanges bilatéraux ont en effet atteint en 2024 un total de 865 milliards d’euros entre les deux blocs, un volume qui a presque doublé en dix ans et qui représente aujourd’hui près d’un tiers du commerce mondial.
Dans le détail, toujours selon l’agence de statistique européenne, l’UE a exporté pour 531,6 milliards d’euros de marchandises vers les États-Unis, soit 20% de ses exportations totales. En retour, elle a importé pour 333,4 milliards d’euros de biens américains, soit 13,7 % de ses importations. Résultat : un excédent commercial pour l’Union de 198,2 milliards d’euros, soit environ 216,8 milliards de dollars. Bien loin, donc, à la fois des 300 à 350 milliards avancés par Donald Trump et des 250 millions évoqués dernièrement.
Il n’en reste pas moins que les données divergent de part et d’autre de l’Atlantique. Selon le Bureau du représentant américain au Commerce (USTR), les exportations américaines de biens vers l’Europe ont atteint 370,2 milliards de dollars en 2024, contre 605,8 milliards d’importations. Soit un déficit de 235,6 milliards de dollars pour les États-Unis. Un résultat, là encore, très éloigné des montants avancés par l’ancien président.
Surtout, ces chiffres ne tiennent pas compte des échanges de services, dont les volumes sont pourtant considérables. Selon Eurostat, en 2023, les États-Unis ont exporté pour 427,3 milliards d’euros de services vers l’UE, tout en en important pour 318,7 milliards d’euros, générant ainsi un excédent de 108,6 milliards d’euros. Celui-ci reflète notamment les profits colossaux réalisés en Europe par les géants du numérique – Google, Amazon, Facebook, Apple – mais aussi par d’autres grandes marques américaines.
Depuis le lancement de sa guerre commerciale en avril, les chiffres, même inexacts, sont au cœur de la rhétorique de Donald Trump. «L’effet d’annonce est un élément clé de la stratégie américaine actuelle. Saturer l’espace médiatique de signaux contradictoires est le meilleur moyen de mettre leurs partenaires sous pression et de les pousser à des concessions», analysait en avril dernier Julien Marcilly, chef économiste chez Global Sovereign Advisory. Mise-t-il de nouveau sur la surenchère pour obtenir des concessions du Vieux continent ?