Pourquoi une telle mobilisation ?
Jean-Paul Perruche, ancien directeur général de l’État-major militaire de l’Union européenne, estime que les Russes manquent actuellement de moyens matériels et humains : « Il y a un essoufflement des Russes. Ils ont fait un très gros effort pour essayer de percer depuis l’été dernier. Comme on dit souvent chez les militaires, on ne peut pas faire effort tout le temps. Il y a un moment où tout s’essouffle, on n’arrive plus à tenir la cadence, c’est sûrement ce qu’ont connu les Russes dans les dernières semaines. Peut-être que l’élection de Trump leur a permis de voir l’attention se porter ailleurs. Mais maintenant, s’il mobilise 160 000 hommes, c’est qu’il en a besoin. Il veut renforcer ses lignes et mettre la pression sur les Ukrainiens ».
Déminer l’Ukraine, une tâche « immense » mais nécessaire pour les futures générations
Si le Kremlin a assuré que ces soldats n’iraient pas au front, les contrats signés ne vont pas dans ce sens. Selon, l’expert, Poutine n’engagera pas les 160 000 hommes à la fois, il mettra des renforts seulement là où ils peuvent affaiblir les Ukrainiens. Comme souvent en temps de guerre, même si ces futurs soldats recevront une courte formation, c’est la pratique sur le front qui primera : « Il arrive toujours à recruter, dans les prisons, à l’extérieur… Là, il fait des ponts d’or aux gens pour qu’ils s’engagent, cela représente 10 fois ou 15 fois ce qu’ils peuvent gagner dans la situation actuelle ». Au-delà des sommes promises, les efforts de propagande russe ne cessent de s’amplifier. Jean-Paul Perruche commente : « La Russie de Poutine ressemble de plus en plus à la Corée du Nord, son allié. Ce n’est pas pour rien qu’ils s’allient ensemble. »
Guerre en Ukraine: « La Russie a continué ses crimes de guerre »Quelle réaction ukrainienne face à la mobilisation ?
Pour Jean-Paul Perruche, cette mobilisation est vue comme un challenge côté ukrainien : « Le challenge pour les Ukrainiens c’est de compenser ces effectifs russes qui sont quand même massifs par de la qualité d’armement, de l’agilité dans la manœuvre, de façon à vraiment causer plus de dégâts aux Russes. C’est le grand challenge actuel. C’est pour ça que les Européens essayent d’aider les Ukrainiens, notamment l’industrie de défense ukrainienne, à trouver des systèmes et à les produire en quantité suffisante pour compenser ce désavantage numérique en soldats. »
Poutine a-t-il des intentions de paix ?
Cette campagne de conscription semble confirmer le fait que Poutine n’est pas prêt à faire la paix, malgré certaines de ses déclarations officielles. Interrogé sur les intentions de paix russe, Jean-Paul Perruche rétorque : « Pourquoi voulez-vous qu’il fasse la paix ? Puisque Trump lui a validé un certain nombre de ses options. Il va essayer d’en avoir plus. Poutine c’est un dictateur, il a annoncé la couleur, il veut cravater l’Ukraine. Donc ce n’est pas en cédant à ses demandes qu’on va le calmer. Si les Américains montrent qu’ils ne veulent plus faire la guerre du tout, après l’Ukraine, ce sera les Baltes, la Géorgie, la Moldavie, que sais-je. »
Guerre en Ukraine : « Nous saurons d’ici quelques semaines » si la Russie veut la paix, assure le chef de la diplomatie américaineUn changement de stratégie américaine ?
Selon plusieurs sources, certains proches de Trump lui auraient conseillé de ne plus parler à Vladimir Poutine, tant qu’il ne montre pas de volonté d’aboutir à un cessez-le-feu. Les deux hommes ont pourtant prévu de s’appeler dans les prochaines semaines. Poutine a d’ailleurs exprimé sa volonté de « rester ouvert à tout contact ». Cet éventuel changement de stratégie conseillé par les proches du président américain va-t-il être mis en place ? Jean-Paul Perruche répond par la négative : « Le seul changement de stratégie, si Trump avait vraiment voulu la paix, aurait dû arriver dès son arrivée. Il aurait accordé des aides en armement très sophistiquées, les meilleures, en masse, aux Ukrainiens. Là, je pense qu’il avait une chance de faire plier Poutine, mais pas l’inverse. Les Américains depuis le début, et Biden aussi, avaient peur de mettre Poutine en difficulté. « S’il semble que le changement de stratégie aurait dû être fait depuis le début, celui-ci n’est cependant pas impossible aujourd’hui : « C’est toujours possible. Mais après s’être exclamé en disant ‘je vais faire la paix en 24 heures’, s’il fait une guerre plus sauvage encore en 6 mois, il y a des gens qui vont commencer à se gratter la tête. Mais avec Trump, comme il est imprévisible, il peut changer d’avis du jour au lendemain ». Enfin, l’expert estime que même dans le cas où Trump appliquerait la stratégie proposée par ses proches, Poutine n’en aurait pas grand-chose à faire : « Je pense que Poutine s’en contre fout, il continuera à avancer. Il va gagner du temps. Plutôt, il va faire perdre du temps à Trump ».