Le rouleau compresseur agricole russe a une faiblesse : son cruel manque d’autonomie en matière de semences, à l’exception du blé. Fin 2022, l’empire poutinien s’est fixé des objectifs très ambitieux. Les trois quarts des semences de tournesol devront être produits localement à la fin de la décennie, trois fois plus qu’au lancement du plan.
La betterave à sucre devra tenter de bondir de 2,5%… à 50% d’autosuffisance. Fin 2024, le Trésor français notait une accélération de la volonté de réduire la dépendance aux échanges, surtout s’ils proviennent de pays «inamicaux». Sur les dix premiers mois de l’année, «les importations de semences de maïs ont diminué de 5,8 fois» à en croire les données recueillies auprès d’un semencier local. Cette bascule est rendue possible grâce à l’allocation de subventions aux paysans russes, sommés d’acheter des semences locales.
La Russie reste dépendante des européens
Elles existent, mais sont de faible qualité. Un passionnant rapport de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) paru en janvier montre que le recours à des semences made in Russia n’a rien d’évident. Selon les auteurs, les objectifs d’autosuffisance sur le maïs ne sont pas tenus. Idem pour la betterave à sucre, la Russie restant très dépendante des Européens. Elle force donc la main des entreprises étrangères pour parvenir à ses fins, espérant des transferts technologiques. Le semencier hexagonal Florimond Desprez a par exemple créé une coentreprise avec un acteur local du nom d’UBS.
«Les semenciers russes avaient jusqu’à présent minimisé leurs efforts de recherche, détaille le dirigeant d’une grande entreprise semencière. Il ne faut pas les sous-estimer. Ils ont compris qu’ils vont devoir investir plusieurs milliards de roubles. Mais ils demandent aux acteurs étrangers de s’impliquer dans des coentreprises de recherche. Tous les semenciers internationaux le font. La tentation est forte chez les Russes de récupérer toute notre propriété intellectuelle. » Pour la filière française, l’enjeu est de conserver son business en Russie en évitant de livrer toute sa propriété intellectuelle. Nombre d’acteurs ne peuvent pas se passer du marché russe, incontournable par sa taille. Le semencier Lidea a inauguré une usine importante trois mois avant le lancement des hostilités en Ukraine. Il faudra tenir le bras de fer.
Vous lisez un article du numéro 3742 de L’Usine Nouvelle – Mai 2025
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