Le vent tourne sur la scène diplomatique. Alors que le gouvernement de Benyamin Netanyahou ne cache plus ses ambitions de prendre le contrôle de l’ensemble de la bande de Gaza, les alliés historiques d’Israël commencent à se désolidariser. Dans une déclaration commune, Emmanuel Macron, et les Premiers ministres britannique Keir Starmer et canadien Mark Carney ont prévenu en début de semaine qu’ils ne resteraient « pas les bras croisés » face aux « actions scandaleuses » du gouvernement israélien à Gaza.

Une limite a donc avoir été franchie. Avec le plan de « conquête » de l’enclave palestinienne impliquant « le déplacement de la plupart de la population de la bande de Gaza », annoncé mardi dernier, « Israël est en train de s’isoler de manière inédite sur la scène diplomatique », juge Jean-Paul Chagnollaud, professeur émérite des universités, président de l’Institut de Recherche et d’Études Méditerranée Moyen-Orient (Iremmo).

Des mots en attendant des actes

Si les dirigeants européens ont mis 19 mois à taper du poing sur la table, c’est notamment parce que « les liens entre les Européens et Israël sont historiquement et culturellement forts », poursuit Jean-Paul Chagnollaud. Se dresser contre l’Etat hébreu est donc « très difficile pour les Européens qui, en plus, portent le poids considérable de la Shoah, surtout l’Allemagne mais aussi la France », souligne-t-il. Avant de résumer : « Israël fait en quelque sorte partie de l’Europe, sauf qu’Israël n’est plus l’Israël des années 1970. Une ligne rouge a été franchie. »

Tel-Aviv est en train de se mettre à dos ses soutiens parmi les plus solides : Bruxelles, Ottawa ou Londres. Mais il ne s’agit pour le moment que de discours peu contraignants pour Benyamin Netanyahou. C’est pourquoi certains, comme Dominique de Villepin, appellent à « un isolement économique et stratégique » pour s’opposer à l’objectif de « déportation » de la population de Gaza.

L’Union européenne a des armes à disposition pour augmenter la pression. Au niveau économique déjà, en rompant ses relations commerciales avec Tel Aviv, sachant que l’Europe « est le premier partenaire économique d’Israël », souligne Jean-Loup Samaan, expert du Moyen-Orient associé à l’institut Montaigne. Certains, comme l’Allemagne, pourraient aussi diminuer, voire stopper, la livraison d’armes. « Ça aurait un poids considérable », commente Jean-Paul Chagnollaud.

Des sanctions individuelles sur les colons israéliens, ou encore l’application ferme des mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale à l’encontre de dirigeants – dont le Premier ministre israélien – seraient des signaux forts. Alors, « si les menaces étaient suivies des actes, le niveau de tension entre Israël et ses partenaires occidentaux serait en effet inédit », ajoute Jean-Loup Samaan.

Washington, l’allié sûr

Reste les Etats-Unis. S’il y a bien un soutien indéfectible, c’est celui-là. Et Washington est sans aucun doute le seul pays qui a la possibilité de réellement forcer la main du gouvernement israélien. « Il suffirait d’une parole au conseil de sécurité des Nations unies, ou d’une décision vers l’arrêt des livraisons d’armes, et Benyamin Netanyahou ne pourrait plus rien faire », résume Jean-Paul Chagnollaud.

Par rapport à son premier mandat, pendant lequel il avait fait le cadeau à son allié d’installer l’ambassade américaine à Jérusalem, Donald Trump semble prendre ses distances. Il n’a fait aucun crochet par Israël pendant sa récente tournée dans les pays du Golfe. Il a annoncé la levée des sanctions contre le gouvernement syrien contre l’avis du Premier ministre israélien. Son administration a négocié directement avec le Hamas pour la libération d’un otage américain. Et des discussions ont commencé avec l’Iran à Rome, sans consulter Benyamin Netanyahou. Un faisceau d’indices qui montre un éloignement, sans aller jusqu’au lâchage.

« S’il y a peut-être un certain malaise du côté de la Maison-Blanche à propos du plan sur Gaza, il n’y a aucune volonté affichée de prendre des mesures », nuance Jean-Loup Samaan. D’autant que c’est Donald Trump lui-même qui a lancé l’idée de faire de l’enclave palestinienne la « French Riviera » du Moyen-Orient.

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Et l’Etat hébreu peut compter sur d’autres partenaires. « Israël a paradoxalement plus de relations diplomatiques qu’il y a trente ans », observe Jean-Loup Samaan, citant l’apaisement avec la Jordanie, les accords d’Abraham signés avec les Emirats arabes unis. Ou encore sa relation avec l’Inde, « un de ses partenaires stratégiques clefs depuis les années 1990 ».