« Le point de départ de cette exposition temporaire est une première exposition que nous avions réalisée en 2025 sur le charnier de Port-Louis où les corps de 69 résistants avaient été retrouvés en mai 1945. Cette année, je voulais reparler de cet évènement dramatique », explique Anne Belaud-de-Saulce, commissaire de l’exposition et administratrice du Musée national de la Marine à Port-Louis. Une photographe a documenté la découverte des corps et leur identification : Germaine Kanova. De cette femme, avant l’exposition, il restait les milliers de clichés qu’elle a pris au cours de sa carrière et très peu d’éléments sur sa vie personnelle. « On n’était pas certain de sa date de naissance ni même de l’orthographe de son nom de famille. Monter cette exposition nous a permis de retracer sa vie et de retrouver des membres de sa famille », ajoute Anne Belaud-de-Saulce.
« Portrait du chauffeur du général de Gaulle dans le village du Bonhomme (Haut-Rhin) lors d’une visite du général au 2e corps d’armée (2e CA) sur le front des Vosges » – Germaine Kanova, 18 décembre 1944. (Germaine Kanova/ECPAD/Défense)Portraitiste londonienne
Germaine Kanova est née à Boulognes-sur-Mer en 1902. Après avoir pris des cours de photographie, elle s’installe à Londres où elle devient une portraitiste reconnue. C’est depuis Londres qu’elle se met au service de la propagande antinazie. En 1944, elle rentre en France et travaille pour le Service cinématographique de l’armée (SCA) poussée par un sentiment patriotique. « Ce service a pour objectif de combattre la propagande nazie et de remonter le moral des troupes. Elle part en mission sur des sujets choisis par l’armée », commente Constance Lemans-Louvet, co-commissaire de l’exposition et adjointe à la cheffe du Pôle développement culturel de l’établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPA) qui détient presque 1 800 images de Germaine Kanova. « C’est 10 % des photos sur la Libération que nous avons en possession en archives », précise-t-elle.
« Une colonne de véhicules et de blindés de la 1re armée française traverse le Rhin sur le pont flottant de Mannheim » -Germaine Kanova, 3 avril 1945 (Germaine Kanova/ECPAD/Défense)« À travers son travail qu’on devine son courage »
La reporter reçoit la croix de guerre pour ses reportages sur le front. « Elle n’est pas obligée d’accepter les missions qu’on lui donne. Mais elle y va. Elle est derrière les soldats en première ligne. Elle fait parler tout son talent de portraitiste à travers les images qu’elle réalise des soldats mais aussi des civils », décrit Constance Lemans-Louvet. La photographe débarque à Lorient et à Port-Louis en mai 1944. Elle prend de nombreux clichés de la découverte et de l’identification des corps du charnier de la commune. « C’est aussi à travers son travail qu’on devine son courage. Elle réalise des plans larges mais aussi des gros plans car il faut des preuves. Alors que cela a dû être très dur pour elle. Pour des questions de public, nous n’avons pas pu mettre toutes ses photos qui sont trop difficiles à regarder », complète cette dernière.
« Des zouaves du 2e bataillon de zouaves portés, unité affectée au Combat Command 3 (CC3), sont postés devant Fützen » -Germaine Kanova, 26 avril 1945 (Germaine Kanova/ECPAD/Défense)« Le reste de vie d’avant au milieu de la guerre »
Dans l’exposition qui est consacrée à son travail, certaines images tranchent avec les nombreux portraits et photos de type reportage. « On a choisi de montrer certains de ces clichés qui sont plus poétiques. Par exemple, une machine à coudre au milieu des décombres fumant. C’est comme si elle captait le reste de vie d’avant au milieu de la guerre. On sent aussi au fil de ses légendes qu’elle écrit qu’elle se pose des questions sur le sens du conflit », interprète Constance Lemans-Louvet.
Pratique
Musée national de la Marine, Citadelle de Port-Louis, du 24 mai 2025 au 4 janvier 2026. Tarifs : de 7 à 10 €.