Comment expliquer un tel déclassement et désamour des chercheurs pour Paris ? Par un cadre de vie parisien devenu trop contraignant pour les chercheurs. Face au coût prohibitif du logement, totalement déconnecté des rémunérations proposées dans la recherche publique, nombreux sont les jeunes docteurs ou postdoctorants qui préfèrent partir à l’étranger ou s’installer en région, où les conditions matérielles s’avèrent plus favorables.

Pendant ce temps, à l’international, la dynamique s’inverse. Berlin, Barcelone, Montréal, Toronto ou encore l’état de Californie misent résolument sur la recherche : logements pour scientifiques, budgets municipaux et régionaux dédiés ou encore crédit d’amorçage pour les jeunes équipes.

Dans ce contexte, croire que la France et Paris pourraient aisément capter les talents internationaux relève du vœu pieux. La faiblesse structurelle des rémunérations dans la recherche française, notamment pour les profils confirmés, constitue un obstacle majeur. À Paris, le tableau est particulièrement préoccupant. Dans un contexte de raréfaction des financements pour les équipes, le message implicite est clair : « cherchez ailleurs ».

Tandis que le sommet Choose Europe for Science rappelle l’urgence d’agir, notre capitale doit s’imposer comme un moteur de l’innovation. À ce titre, la Mairie de Paris, présente au Conseil de surveillance de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), a un rôle déterminant à jouer pour soutenir la recherche notamment hospitalo-universitaire et garantir à Paris des conditions dignes d’un grand pôle scientifique mondial. Si nous n’agissons pas maintenant, l’innovation de rupture s’épanouira ailleurs.

Pour inverser cette tendance, il est impératif de lancer une reconquête scientifique de la capitale.

C’est pourquoi nous défendons la création d’un véritable pôle municipal de recherche et d’innovation publique, directement soutenu par la mairie de Paris. Ce pôle serait doté d’un conseil scientifique indépendant, chargé de faire le lien entre la recherche académique, les universités, les établissements publics de recherche (Inserm, CNRS, etc.) et les acteurs locaux. Il aurait pour mission de renforcer l’accompagnement des laboratoires, de créer des conditions de travail attractives, de favoriser les coopérations interdisciplinaires, mais aussi — et surtout — d’accompagner les jeunes équipes et les chercheurs postdoctoraux désireux de s’installer ou de revenir à Paris. Il leur fournirait des moyens concrets pour préparer sereinement les concours nationaux (Inserm, CNRS, etc.) et les projets de recherche compétitifs comme les appels à l’Agence nationale de la recherche, où les résultats préliminaires sont décisifs. Ce soutien ciblé serait un levier puissant pour insérer dans le tissu académique parisien une génération de jeunes chercheurs aujourd’hui en suspens.

Cette stratégie doit impérativement s’accompagner d’une politique ambitieuse de logement pour les chercheurs. Chaque jeune chercheur recruté à Paris, qu’il soit universitaire ou issu d’un organisme public, devrait pouvoir bénéficier d’un accès prioritaire à un logement adapté et abordable. Des initiatives existent déjà mais elles sont largement insuffisantes. Pour cela, la Ville et les acteurs publics doivent revoir l’affectation de leur patrimoine immobilier, aujourd’hui trop souvent cédé au secteur privé sans tenir compte des besoins de la communauté scientifique.

À l’heure où la désinformation scientifique prospère, notamment en matière de santé et d’environnement, la recherche et l’innovation ne sont pas seulement des leviers de progrès : elles sont des remparts essentiels contre les dérives de l’opinion et la défiance envers le savoir. Paris, capitale culturelle et intellectuelle, a la responsabilité de faire rayonner une science accessible, rigoureuse et partagée. La Ville de Paris doit devenir un acteur central de cette équation, en soutenant non seulement les lieux de production de la recherche, mais aussi sa diffusion auprès des citoyens. Encourager les liens entre laboratoires, écoles, bibliothèques, hôpitaux et lieux de vie, c’est renforcer le pacte démocratique autour de la science.

Sans chercheurs, il n’y a pas d’innovation. Sans innovation, il n’y a pas de réponses aux défis sociaux, sanitaires ou climatiques. Redonner à Paris une ambition scientifique devient un impératif démocratique.

(*) Pierre Yves Bournazel, Conseiller de Paris, Député de Paris (2017-2022) et vice-président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation à l’Assemblée nationale.

David Smadja, Professeur d’Hématologie, Université Paris cite et Hôpital européen Georges Pompidou. Directeur d’une équipe de recherche au « Paris Cardiovascular Research Center »

Pierre Yves Bournazel et David Smadja