Le permis de conduire sur terre et le permis bateau professionnel sont déliés par la législation. Frappé d’interdiction de conduire des véhicules terrestres à deux reprises, le pêcheur n’a donc pas été impacté dans son activité en mer.

Ce samedi, après la révélation du casier judiciaire du pêcheur, mis en examen pour «homicide involontaire» après avoir provoqué la mort en mer d’un enfant de 8 ans avec sa barge de pêche dans le bassin d’Arcachon, la question sous-tend l’affaire : pourquoi ce professionnel de la pêche, déjà trois fois condamnés pour des faits liés aux stupéfiants, avait-il encore le droit de conduire un engin à moteur en mer ? Son casier judiciaire présente en effet deux condamnations pour conduite d’une voiture sous l’emprise de stupéfiants, datées de 2016 et 2024. À deux reprises, le trentenaire s’était vu suspendre son permis B pour ces faits. Il y a moins d’un mois, le 25 avril 2025, il avait aussi fait l’objet d’une mesure de condamnation pénale (ayant entraîné une amende) pour «usage de stupéfiants». Après le drame, cette semaine, l’individu a reconnu avoir consommé du cannabis et de la cocaïne, avant de prendre la mer.

Pour autant, une peine suspendant le permis de conduire ne s’applique pas au capacitaire, le diplôme qui autorise les pêcheurs professionnels à conduire en mer. «Il n’y a pas de corrélation juridique directe entre le permis de conduire et le permis de conduire maritime professionnel – qu’il ne faut pas confondre avec le permis de conduire des plaisanciers», explique au Figaro Me Christian Blazy, du barreau de Bordeaux, spécialiste du droit maritime. Par ailleurs, si la législation est formelle sur l’interdiction pour un marin professionnel de consommer de l’alcool durant son quart, elle semble plus floue s’agissant des stupéfiants. Selon plusieurs sources judiciaires interrogées par Le Figaro, il n’existe pas de texte qui l’interdit directement. En revanche, au regard de l’article L4274-14-2 du code des transports, le code de la route peut s’appliquer par extension à la navigation en mer : il est donc interdit de consommer de l’alcool ou des stupéfiants à la barre.

La consommation d’alcool et de stupéfiants sur les flots pour celui qui tient la barre engendre quoi qu’il en soit des risques particulièrement graves, d’après plusieurs skippeurs contactés. «La mer est par définition imprévisible et dangereuse. Face à la houle, la seule solution peut être pour un marin de quitter son bateau : il faut être alerte», estime un officier de la Marine nationale. Autrement dit : «Il n’y a pas de doute sur l’irresponsabilité du comportement du marin pêcheur mis en cause», abonde une autre source.

Une vitesse excessive

À la barre d’une barge de pêche motorisée de moins de 10 mètres de long, le pêcheur d’Arcachon pilotait depuis l’arrière de son bâtiment. «En général, les marins pêcheurs sont peu nombreux sur leur embarcation donc ils fondent beaucoup leur navigation sur les radars. Or, les radars ne signalent pas toujours les voiliers, qui sont de petites embarcations. Malgré tout, c’est une faute si ce marin pêcheur ne regardait pas dehors alors qu’il naviguait si proche des côtes», analyse aussi l’officier de marine. D’autant qu’il serait rare que les pêcheurs connaisseurs des fonds du port d’Arcachon naviguent aux radars alors que la visibilité suffit en principe à s’y diriger.

Or, le drame s’est déroulé dans une zone à 300 mètres des côtes où une quinzaine d’enfants prenaient un cours d’Optimist avec le Cercle de la voile d’Arcachon. Un espace maritime où le pêcheur, qui a reconnu qu’il voguait à «une allure excessive», avait a priori le droit de circuler à condition d’y naviguer à 5 nœuds. Soit l’équivalent du rythme de marche d’une personne qui irait acheter son pain sans courir ni se balader. Difficile à appliquer avec précision car la plupart des barges professionnelles ne disposent pas de compteurs de vitesse, cette vitesse s’apprécie avant tout par une conduite très lente.

«Si vous percutez une embarcation à 5 nœuds, une personne peut mal tomber par-dessus bord, mais la collision n’est pas censée être dramatique», indique ainsi Me Christian Blazy. Pour se représenter le choc en image, une collision à 5 nœuds devrait être moins forte que celle de deux autos tamponneuses se percutant dans une fête foraine.