Formé sur le bitume dans les années 1980, Kader Attou, originaire de la banlieue lyonnaise, est le premier chorégraphe hip-hop à avoir dirigé un Centre chorégraphique national (CCN) en France, celui de La Rochelle, où il a imprimé sa marque durant treize ans. Après cette aventure, il a pris un nouveau départ à Marseille : depuis janvier 2002, il a installé sa compagnie Accrorap à La Friche la Belle-de-Mai. Il présente sa création Prélude In le 19 avril au festival La Society, nouvelle version du festival Hip-Hop Society organisé par l’AMI, puis cet été à Avignon et La Roque d’Anthéron.

Marseille est le berceau hip-hop sur le plan musical. Mais la danse hip-hop phocéenne a-t-elle le même rayonnement ?

Le hip-hop est extrêmement fort, par la musique, par les battles, il y a énormément de danseurs, mais peu de chorégraphes emblématiques. Je sentais qu’il y avait une possibilité d’installer la compagnie.

Auparavant, je n’avais jamais organisé d’audition de ma vie car je fonctionne avant tout sur des rencontres. Mais la première chose que j’ai faite en arrivant à La Friche fut d’organiser une audition pour connaître le vivier de danseurs marseillais et des alentours. J’ai reçu beaucoup de candidats. Neuf danseurs dont deux femmes prennent part à la belle aventure de Prélude. Je suis content de les avoir rencontrés, c’est une jeunesse incroyable, qui dégage une énergie particulière.

Vous avez imaginé une version de la pièce pour extérieur, « Prélude out », et une version pour les salles de théâtre, « Prélude in ». Quelles différences entre ces deux versions ?

La pièce est née de l’idée de montrer une performance en extérieur pour aller à la rencontre des publics car beaucoup de personnes ne mettent jamais les pieds dans un théâtre. J’ai imaginé une pièce de 33 minutes que nous avons jouée au Mucem en juillet 2022 dans le cadre du festival de Marseille. C’était un moment incroyable qui a lancé une grande tournée dans toute la France.

La pièce a beaucoup plu, j’ai eu envie de la développer. On s’est remis au travail avec les danseurs et on a créé une deuxième version, « Prélude in », qui dure 1h15. On reprend le début et la fin de la pièce, mais je danse aussi et j’ai ajouté des témoignages liés à ma propre histoire, depuis ma naissance, depuis mon premier souffle, puisque la danse est une question de souffle. La création lumière est signée Cécile Giovansili-Vissière.

Le titre Prélude évoque la musique classique que vous aimez. Mais cette fois la bande-son est signée par un compositeur vivant : Romain Dubois.

Le mot « prélude » est aussi un clin d’œil à mon arrivée à Marseille, au commencement de mon installation. Je suis vraiment parti de la musique de Romain Dubois, que j’avais rencontré lorsque je dirigeais le Centre chorégraphique national (CCN) de La Rochelle. Ce morceau démarre du néant et monte progressivement sur 22 minutes. Il porte l’idée d’une lutte, qu’il va falloir tenir le temps du spectacle, aller jusqu’au bout. Les danseurs se donnent corps et âme. Quand cela se termine, même les spectateurs ont le souffle coupé !

Un peu comme le Boléro de Ravel ?

De manière différente, mais oui, la fin est une délivrance ! La dernière demi-heure du spectacle est un feu d’artifice.

Quelle urgence exprimez-vous ?

Le groupe d’interprètes est une métaphore d’une humanité dansante. Il reflète une certaine harmonie, mais aussi une lutte. Ce combat fait écho à notre époque, à l’adversité. Mes pièces ne sont pas politiques. Mais le spectacle est un moment durant lequel on crée du lien. Si ce spectacle peut faire du bien, c’est déjà beaucoup.