Depuis le 23 avril 2025, les fans (ou pas) de Star Wars découvrent sur Disney + la deuxième saison d’Andor, série dérivée de Rogue One (2016) centrée sur le personnage de Cassian Andor, futur saboteur de l’Empire. Créée par Tony Gilroy, la série se distingue par son réalisme, son intensité politique et ses références assumées à l’histoire contemporaine — au premier rang desquelles la Résistance française.

Gilroy le confie sans détour, Andor est un hommage direct à la lutte clandestine contre les régimes autoritaires. Il cite la France comme source d’inspiration, s’enthousiasme pour les radios-espionnes, les luttes morales, les zones grises de l’Occupation. Et dans cette géographie fictive, une planète cristallise tout : Ghorman, monde insulaire, textile, bientôt sacrifié. À mesure que la saison progresse, une question s’impose. Et si cette planète lointaine s’inspirait de Lyon ?

Une planète de soie, une ville tissée

Ghorman est une planète de la bordure intérieure, tempérée, vallonnée, pacifique. Elle doit sa prospérité à un tissu rare : le “Ghorman twill”, tissé à partir des fibres filées par les ghorlectipodes, de grandes araignées bleues. Quarante milliards d’entre elles peuplent les “webberies”, ces exploitations textiles réparties sur les neuf provinces de la planète. À Palmo, la capitale, couturiers, diplomates et riches visiteurs se croisent dans une effervescence feutrée.





Syril Karn, interprété par Kyle Soller, dans les rues de Ghorman. Employé du Bureau des standards durant l’ère Impériale, il est envoyé en mission sur la planète afin d’aider le BSI (Bureau de la sécurité impériale) à infiltrer le Front de Ghorman. Photo Lucasfilm Ltd.

Syril Karn, interprété par Kyle Soller, dans les rues de Ghorman. Employé du Bureau des standards durant l’ère Impériale, il est envoyé en mission sur la planète afin d’aider le BSI (Bureau de la sécurité impériale) à infiltrer le Front de Ghorman. Photo Lucasfilm Ltd.

C’est dans ce tissage minutieux que certains voient un calque frappant de Lyon, capitale historique de la soie française. Dès le XVe siècle, la ville rhodanienne devient un carrefour textile mondial, avec ses métiers Jacquard, ses teinturiers, ses canuts. Une richesse née du fil, mais aussi des luttes : en 1831, puis en 1834, les ouvriers tisserands se soulèvent. L’armée mate les révoltes. Le sang tache la soie.





Deuxième Insurrection de Lyon, le 10 avril 1834 ; Gravure de Philippe-Auguste Jeanron ; Planche extraite d’une édition du livre Révolution française. Histoire de dix ans. 1830-1840 de Louis Blanc, publié par Pagnerre, Paris : Imp. F. Chardon ainé, [1850]. Document Bibliothèque municipale de Lyon, fonds Chomarat

Deuxième Insurrection de Lyon, le 10 avril 1834 ; Gravure de Philippe-Auguste Jeanron ; Planche extraite d’une édition du livre Révolution française. Histoire de dix ans. 1830-1840 de Louis Blanc, publié par Pagnerre, Paris : Imp. F. Chardon ainé, [1850]. Document Bibliothèque municipale de Lyon, fonds Chomarat

Une beauté que l’Empire veut raser

Dans Andor, Ghorman abrite une autre richesse que son étoffe : le “kalkite stratifié”, un minéral rare destiné à alimenter l’Étoile de la mort(1). Officiellement, il s’agit d’un projet énergétique impérial. En réalité, il annonce la destruction. Pour éviter toute contestation, l’Empire infiltre, surveille, dénigre. On exige des serments de fidélité, on mène des inspections surprises dans les webberies. La société de Ghorman, fière, insulaire, commence à se tendre.

Une cellule rebelle s’organise par le biais du Front de Ghorman. Les Ghor parlent à voix basse, puis à voix haute. Et le drame survient : l’Empire massacre des civils pacifiques venus protester. C’est le Massacre de Ghorman — moment de bascule dans l’histoire de la Rébellion.

Lyon, elle aussi, fut détruite symboliquement pour avoir résisté. En 1793, lors du soulèvement contre la Convention jacobine, Paris assiège la ville. Des quartiers entiers sont rasés. La République déclare : « Lyon n’est plus. » Deux siècles plus tard, sous l’Occupation, l’histoire se répète. L’armée allemande, secondée par la Gestapo, s’acharne contre cette ville indocile. Les résistants sont arrêtés, torturés, déportés. Lyon devient capitale de la Résistance.

Jean Moulin et Luthen Rael : l’ombre, l’art, la cause

La résonance entre fiction et réalité ne s’arrête pas à la géographie. Elle passe par les visages.

Dans Andor, Luthen Rael est antiquaire. Derrière sa boutique raffinée se cache le cerveau de la rébellion clandestine. Il recrute, manipule, coordonne des cellules disparates, dans l’ombre. Il a plusieurs noms, plusieurs vies. Il sait qu’il mourra sans reconnaissance, et l’accepte.





Luthen Rael (Stellan Skarsgård). Photo Lucasfilm Ltd.

Luthen Rael (Stellan Skarsgård). Photo Lucasfilm Ltd.

Ce portrait évoque Jean Moulin. Préfet destitué par Vichy, galeriste à Nice, clandestin au chapeau noir. Envoyé par de Gaulle, il unifie les réseaux de résistance et fonde le Conseil national de la Résistance. Lui aussi joue un rôle pivot dans l’ombre. Lui aussi aime l’art. Lui aussi porte un masque.

Tony Gilroy : « J’avais adoré Un village français »

Cette référence à la France occupée n’est pas une extrapolation. Tony Gilroy lui-même a reconnu que la Résistance française a nourri la genèse d’Andor. « J’avais adoré Un village français et ses acteurs, explique-t-il au Monde. Il nous fallait un langage, et savoir comment il sonnerait dans une bouche française. »

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Pour faire vivre cette planète, Gilroy a donc choisi des acteurs français. Thierry Godard, Richard Sammel et d’autres ont été recrutés, une langue a été inventée pour l’occasion, adaptée à des locuteurs francophones. Sur le tournage, cette «colonie française » improvisait, chantait un hymne, formait une véritable communauté. L’inspiration ne faisait plus seulement écho, elle devenait organique.

Lyon en filigrane

Alors, Lyon a-t-elle inspiré Ghorman? Rien ne permet de l’affirmer avec certitude. Mais les indices s’accumulent. Capitale de la soie, ville martyre, haut lieu de résistance, carrefour d’espionnage et de propagande, théâtre de massacres oubliés… Certains fans, sur Reddit ou ailleurs, n’ont pas manqué d’établir des parallèles, jusqu’aux traboules lyonnaises — ces passages secrets que les Nazis peinaient à cartographier, et que l’on croit voir renaître dans les souterrains de Palmo.





Les souterrains de Palmo font penser aux traboules lyonnaises selon certains fans. Photo Des Willie/Lucasfilm Ltd.

Les souterrains de Palmo font penser aux traboules lyonnaises selon certains fans. Photo Des Willie/Lucasfilm Ltd.

En créant Ghorman, Tony Gilroy ne raconte pas seulement une oppression fictive. Il tisse, entre les mondes, un fil de mémoire. L’histoire d’un peuple qui refuse de plier. D’une étoffe devenue insurrection. Et d’un monde, peut-être, inspiré de notre propre passé.

(1) Elle était l’arme ultime de l’Empire : une station spatiale de la taille d’une lune capable de détruire une planète entière. La série est disponible en streaming sur Disney +.