Il est des hommes que les siècles n’effacent pas. Giuseppe Garibaldi, né à Nice en 1807, est de ceux-là. Héros du Risorgimento, bâtisseur infatigable de l’unité italienne, homme libre au regard indomptable et au verbe ardent, il fut aussi – et peut-être avant tout – un fils de Nice, viscéralement attaché à sa terre natale.

Dans une époque troublée par les secousses de l’Histoire, il incarne une fidélité rare: celle d’un patriote universel, fidèle à ses idéaux, à son peuple et à sa ville, même lorsque les frontières géopolitiques tentaient d’en effacer le lien.

Lorsque, en 1860, Nice est cédée à la France par le royaume de Sardaigne en échange de l’appui militaire de Napoléon III dans le processus d’unification italienne, Garibaldi s’insurge. Il y voit une manœuvre diplomatique injuste, une trahison du peuple niçois. Il dénonce avec force un plébiscite biaisé, truqué selon lui, refuse d’endosser le rôle de député français, et n’hésite pas à s’opposer frontalement à l’empereur. Sa loyauté envers Nice dépasse alors la nostalgie ou l’attachement sentimental: elle devient une posture éthique, une exigence de vérité et de justice. Bien qu’auréolé de gloire après l’Expédition des Mille – cette incroyable campagne militaire qui l’a vu libérer le Sud de l’Italie –, il n’hésite pas à compromettre son avenir politique et diplomatique pour défendre l’identité niçoise. Il décline un poste prestigieux à l’Assemblée française, préférant la fidélité à ses racines à toute ambition personnelle.

Garibaldi ce n’est pas seulement un nom gravé sur une place, un arrêt de tram ou une statue

Mais Garibaldi ne se résume pas à une opposition ou à un attachement local. Ce qui lie profondément cet homme à Nice, c’est l’œuvre morale, la résonance symbolique qu’il a donnée à sa ville. Par son engagement pour les peuples, il a fait rayonner le nom de Nice bien au-delà des Alpes et des rivages méditerranéens. Il en a fait le berceau d’un homme qui incarne l’idéal de liberté et de solidarité internationale au XIXe siècle. À travers lui, Nice est devenue synonyme de combat, de dignité et d’universalisme. Non, Garibaldi ce n’est pas seulement un nom gravé sur une place, un arrêt de tram ou une statue au cœur de la ville de Nice. C’est une figure vivante de notre mémoire collective, un repère.

Il est l’image d’un Niçois, à la fois profondément enraciné et résolument tourné vers le monde. Il a combattu pour la liberté des peuples en Amérique du Sud, pour l’unité des Italiens, pour la justice en Europe. Lorsqu’Abraham Lincoln sollicite son aide durant la guerre de Sécession, Garibaldi accepte à la seule condition que le Président s’engage formellement à abolir l’esclavage. Pour lui, la liberté n’est jamais négociable, et aucun combat ne mérite d’être mené s’il ne vise l’émancipation de tous.

Là où la dignité humaine était menacée, Garibaldi s’est levé. Partout où le droit vacillait, il a tendu la main. Et jamais, dans aucun de ses engagements, il n’a oublié ses origines.

C’est avec l’accent chantant de Nice qu’il a harangué les foules, inspiré les soldats, interpellé les rois et défié les puissants.

Aujourd’hui, dans une époque marquée par les doutes identitaires, les replis nationalistes et les interrogations sur l’appartenance, Garibaldi nous laisse une leçon essentielle. Il nous enseigne qu’aimer profondément sa ville, c’est aussi l’ouvrir au monde. Que l’enracinement sincère ne s’oppose pas à l’universalité des combats. Que défendre Nice, c’est défendre une certaine idée de la liberté, de la fraternité entre les peuples, de l’engagement désintéressé.

En rendant hommage à Giuseppe Garibaldi, nous ne saluons pas seulement l’un des artisans de l’unité italienne.

Nous honorons l’enfant de Nice, le passeur d’idéal, le combattant infatigable des causes justes. Son nom, gravé dans la pierre, inscrit dans nos rues et dans nos mémoires, continue de veiller sur cette ville à laquelle il a tant donné – par ses luttes, ses discours, son intransigeance morale et son courage hors du commun.

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