Futur sujet politique d’importance pour les municipales de 2026, le tram Nord voit déjà arriver différentes propositions. Face à un procédé de convention citoyenne qu’elle critique, Catherine Trautmann a présenté à la presse « son » tram Nord pour 2030. Et pour l’occasion, l’ancienne maire de Strasbourg en a profité pour détailler son projet pour le tram à Strasbourg jusqu’en 2050. Une vision à très long terme.

Catherine Trautmann avait enfilé ses habits de professeure le 2 avril dernier. Devant un Powerpoint et différentes cartes du réseau de tram, l’ancienne maire de Strasbourg présentait à la presse sa vision du développement du tram dans la ville et aux alentours, jusqu’en 2050. Après des mois de combat politique avec les différentes oppositions, c’est en solo qu’elle s’est présenté face aux journalistes.

Le tram reste la base du réseau.

Catherine Trautmann

Il faut dire que projet lui tient à coeur : elle a été de tous les combats pour s’opposer au projet actuel de tram Nord, mais surtout, l’ancienne maire a une relation toute particulière avec le tram. C’est elle qui l’a réintroduit à Strasbourg en 1994, avec l’inauguration de la première ligne reliant Hautepierre au Baggersee et à Illkirch.

Alors ce projet, Catherine Trautmann l’a travaillé, et pas qu’un peu : il faut parfois s’accrocher pour suivre l’ancienne maire dans ses explications, qui allaient souvent plus vite que les slides. Sortant désormais du bois à moins d’un an des municipales, elle ne jure que par un objectif : inviter les citoyen(ne)s à comprendre comment le tram peut évoluer jusqu’en 2050.


Place de la Bourse par le photographe Lucien Blumer vers 1930

catherine trautmann © Nicolas Kaspar / Pokaa

Le Tram des Brasseries : un projet reliant le nord au sud, et l’est à l’ouest à l’horizon 2030

On commence forcément avec le projet qui a fait couler tant d’encre depuis le début de la mandature écologiste : le tram Nord. Après le rappel de plusieurs griefs contre le projet, ainsi que contre la convention citoyenne qui a désigné ses 100 représentant(e)s ce 7 avril, Catherine Trautmann rentre dans le vif du sujet avec son Tram des Brasseries, qui passerait notamment par le site Heineken [une possibilité revenue sur la table depuis l’abandon du projet initial, ndlr].

Concrètement, l’idée est simple : utiliser le tram pour relier quasiment en ligne droite le nord de l’agglomération au sud, et l’est à l’ouest. Ce projet s’établirait autour de la ligne A, imaginée comme « grande dorsale » du réseau. Cette ligne partirait ainsi de Bischheim, desservirait le quartier des Écrivains pour ensuite relier la mairie de Schiltigheim. À ce moment-là, elle emprunterait l’axe place de Haguenau-Wilson pour ensuite continuer son chemin vers Illkirch, comme c’est le cas actuellement. Avec une grande nouveauté : elle ne passerait plus par la gare.

Ce projet n’est pas une simple extension de ligne, il restructure le réseau pour l’avenir.

Catherine Trautmann

Forcément, la desserte de l’ouest de Strasbourg s’en retrouverait modifiée : aujourd’hui assurée par la ligne A, celle de Hautepierre serait permise par la ligne D dans un grand axe est-ouest vers l’Allemagne. Pour Poteries, elle serait assurée à la fois par la future ligne F, encore en travaux, mais aussi par la ligne de BHNS H, partant elle de la Robertsau et passant par la gare.


Mais ce Tram des Brasseries n’aura pas qu’une seule ligne permettant de desservir Schiltigheim : la ligne B, partant d’Hoenheim, serait déviée de Futura Glacière pour aller vers la mairie, redescendrait elle aussi la rue de Bischwiller, bifurquant ensuite à la station de l’Homme de Fer. Une façon « d’améliorer le maillage du réseau pour le rendre plus évolutif lors des développements progressifs », selon Catherine Trautmann.

réseau tram 2030 Le réseau du tram en 2030. © Catherine Trautmann / Document remis

Plusieurs nouveaux trams, jusqu’en 2050

Car l’intérêt du projet pour Catherine Trautmann n’est pas seulement de se placer dans la logique de 2030, c’est plutôt d’imaginer « un réseau performant et résilient à l’horizon 2050 ». Avec d’ici là, plus de 30 km de voies créées, en y réservant 30 millions d’euros / an d’investissement. Dans les grandes lignes, trois projets sont ainsi prévus :

  • Le Tram des Boulevards en 2035 : un tram dont la ligne C, partant de la nouvelle gare de l’Elsau, passerait par les boulevards nords Clémenceau, place de Bordeaux, de la Dordogne, Tauler, d’Anvers et Leblois, pour ensuite rejoindre l’Esplanade et relier le Stockfeld, soit le vieux Neuhof. La ligne F relierait, elle, les Poteries au Port du Rhin par une liaison entre la place d’Islande et Starcoop. Surtout, l’objectif sera de supprimer le terminus en cul-de-sac à la gare centrale, pour en faire une gare que le tram traverse grâce à une deuxième liaison souterraine. L’idée est également de transformer les artères routières en augmentant progressivement la contrainte sur la voiture, pour pouvoir ensuite y poser du tram.

Plus on anticipe, mieux c’est, et plus vite on pourra répondre aux attentes des gens.

Catherine Trautmann

place de bordeaux © Nicolas Kaspar / Pokaa

  • Le Tram Rocade Sud en 2040 : là, c’est le grand chambardement. La ligne G reliera la Montagne Verte à Kehl, tandis que la C fera elle une rocade qui partira de l’Elsau pour y revenir depuis Winston Churchill, en passant par la RN4 et l’avenue du Rhin. La desserte du Neuhof sera alors assurée par la ligne D, qui ne reliera désormais plus l’Allemagne. Enfin, la ligne E partira de l’Espace européen de l’entreprise pour desservir Illkirch, une liaison directe entre deux bassins d’emplois.
  • Le Tram des Maillages Métropolitains en 2045-2050 : dernier jalon du projet, celui-ci complèterait les derniers angles morts du réseau. Il ferait partir la ligne E de Mittelhausbergen, tandis que la A irait de la gare de Hausbergen à celle de La Vigie. La ligne D serait elle prolongée jusqu’à Oberhausbergen, la H jusqu’à Robertsau Sainte-Anne et la B jusqu’à la gare de Lingolsheim.

avenue du rhin © Nicolas Kaspar / Pokaa

« Metamorphosis 2030 » : une gare suspendue et bioclimatique

Si l’on pensait que ces différentes propositions de tram étaient les seules dans la besace de Catherine Trautmann, c’était mal connaître l’ancienne maire de Strasbourg. Celle-ci a en effet présenté un autre projet : une gare suspendue et futuriste, répondant au nom de code « Metamorphosis 2030 ». Si le projet aboutit, ce serait la première gare bioclimatique du Grand Est.

La transformation de la ville doit se faire par les mobilités mais aussi par comment on préserve le sol.

Catherine Trautmann

Conçue sur le principe du « pont habité », cette gare suspendue serait d’abord une passerelle située au-dessus des rails, avec une « galerie des Glacis » de 20 000 m2 [on apprécie le jeu de mots, ndlr]. Dans un second temps, il pourrait y avoir à la fois une zone d’activités avec parking et une « Fabrik » d’énergie verte photovoltaïque le long de la rue des Remparts, mais surtout une grande arche qui permettrait de franchir la ceinture verte afin de créer un bâtiment de 40 000 m2, directement au-dessus de la M35. Enfin, des parkings dans les étages permettraient aux automobilistes arrivant de l’autoroute de faire leur transfert vers le train ou le tram.

« Réflexion déjà bien avancée » selon Catherine Trautmann, le projet souhaite créer un véritable quartier d’activités entre celui de la Gare et celui de Cronenbourg. Selon l’élue, il sera également doté d’un capteur de microparticules et de Co2, ainsi que d’un capteur sonore. Surtout, alors que le manque de zones constructibles se fait de plus en plus sentir à Strasbourg, « Metamorphosis 2030 » permet de construire sans amputer des terres agricoles. Une initiative qui sera de plus en plus recherchée dans les années à venir.

projet gare 2030 catherine trautmann © Catherine Trautmann / Document remis

Une proposition avec les municipales en ligne de mire ?

Forcément, la question qui se pose après une telle conférence de presse est celle des municipales de l’an prochain : est-ce que Catherine Trautmann va repartir pour un tour, six ans après avoir sauvé une campagne socialiste qui allait droit dans le mur ? Pour le moment, pour l’ancienne maire, « ce n’est pas un programme de campagne. Si ma réflexion est poussée jusqu’à 2050, c’est bien parce que je sais aussi que je ne serai plus là à ce moment-là. »

Je suis là pour dire comment je vois la remise d’aplomb du réseau.

Catherine Trautmann

En attendant, les questions sur les futurs choix des socialistes pour les prochaines municipales (en solo ? avec Pierre Jakubowicz ?) continueront de flotter dans l’air. Ce qui est certain, c’est qu’alors que les jeux d’alliance feront le sel des discussions politiques des prochains mois, Catherine Trautmann se pose en personnalité libre : « Je prends mon ticket pour la liberté ; et ma liberté c’est de servir, et desservir, toutes celles et ceux de l’agglomération de Strasbourg. » Reste à savoir avec qui le ticket sera validé.