Par

Théo Zuili

Publié le

26 mai 2025 à 6h06

« Je l’aurais soigné jusqu’à finir à genoux. Mais c’était le bon moment. Il le voulait. » Il y a un an, Annick témoignait auprès d’actu Lyon du quotidien éprouvant auprès de son mari Serge, gravement malade et alité. Depuis le décès de celui-ci le 25 avril 2024, elle continue de défendre une loi sur l’aide à mourir. Alors que les députés doivent voter mardi 27 mai 2025 l’ensemble du texte relatif au droit à l’aide à mourir en débat à l’Assemblée nationale, Annick partage ce qu’elle a vécu. Cette habitante de la métropole de Lyon espère que son témoignage puisse éclairer le débat sur la fin de vie ou servir à ceux qui vivent la même chose.

« Il est parti tranquillement, c’est ce qu’il voulait »

C’était il y a un an. Annick racontait avec émotion le quotidien auprès de Serge, son mari âgé de 92 ans, atteint d’une maladie cognitive sévère et « sournoise ».

Des journées rythmées par la venue d’infirmières en sous-effectifs et par des soins à prodiguer, entre les douches et les couches. « On essayait de le mettre debout, mais il était complètement… diminué. Il avait sa tête, bien souvent. Les infirmières faisaient de leur mieux, elles prenaient même un moment pour me consoler. Je les admire. »

Depuis, Serge s’est éteint. « Cette nuit-là, il était tellement calme que je n’ai pas voulu le déranger. Le matin, il n’avait pas bougé, il était beau, il souriait. Le médecin m’a dit qu’il s’était éteint comme une chandelle », confie Annick, aujourd’hui âgée de 83 ans.

Après 60 ans de mariage, le départ de son mari reste une blessure ouverte. « Il a eu ce qu’il voulait, c’était un soulagement pour lui, mais pour moi, c’est très dur. Son absence pèse beaucoup », ajoute-t-elle.

« On devrait avoir le droit de mourir quand on le décide »

Cette douleur, Annick la traverse en suivant avec attention les débats parlementaires en cours sur l’aide à mourir. Mardi 20 mai 2025, les députés ont approuvé par 164 voix contre 103 les conditions d’éligibilité au suicide assisté ou à l’euthanasie.

Une avancée qui résonne particulièrement pour Annick : « Cette loi devrait passer. Serge disait tous les jours ‘Je veux crever’. C’était tellement dur à entendre, mais en même temps, c’était vrai. Il ne supportait plus sa dégradation physique et morale. On devrait avoir le droit de mourir quand on le décide. On ne laisse pas souffrir les animaux, pourquoi imposer cette souffrance aux humains ? »

La fille de Claude et Françoise fait de son mieux pour être la plus présente possible.
Annick avait l’aide de sa fille tous les mercredis. (©Théo Zuili / archives actu Lyon)

Selon les critères adoptés à l’Assemblée, Serge aurait été éligible à cette aide. « C’était un costaud qui ne tenait pas en place, forcé de devenir un légume vivant. Même à la fin, il luttait contre les soins qu’on lui prodiguait. C’était difficile pour tout le monde. »

« J’aurais voulu pouvoir donner mon avis »

Les députés, eux, ont rejeté des amendements pour reconnaître la possibilité de demander la mort via des directives anticipées ou une personne de confiance. « J’aurais voulu pouvoir donner mon avis aussi, et porter sa voix s’il n’avait plus pu s’exprimer », estime-t-elle au contraire.

Si la loi avait existé à ce moment, Annick ose penser qu’elle aurait trouvé la force d’en faire la demande, même si tout en elle aurait préféré rester aux côtés de Serge. « Je ne l’aurais pas fait légèrement. Ce ne sera jamais une décision qu’on prend à la légère. »

Annick voit deux sentiments cohabiter en elle : à la fois l’impression d’avoir maintenu en vie celui qu’elle aimait malgré lui, et au contraire, que c’était son devoir d’amour jusqu’au bout.

Une contradiction difficile à vivre au quotidien : « Il y a des fois où je me dis qu’on devrait pouvoir mourir ensemble. Mais ce n’est pas possible, bien sûr », balaie-t-elle.

« C’est inhumain »

La grand-mère glisse même trouver « normales » les personnes qui vont jusqu’à tuer leur proche par amour dans ce contexte. « On ne comprend ça que quand on le vit. Il est temps que cela soit encadré. »

Annick ne cherche pas à faire de politique. Mais, aujourd’hui, elle souhaite que les parlementaires comprennent l’urgence : « Je dirais à un député qui hésite qu’il n’est peut-être pas passé par là, et que c’est pour ça qu’il ne comprend pas. Faire souffrir les gens quand on sait qu’il n’y a plus rien à faire, c’est inhumain. »

Après 60 ans de mariage, Françoise doit s'occuper de Claude, devenu complètement dépendant : elle témoigne.
Annick a fait installer un lit médicalisé chez elle pour éviter à son mari de finir à l’hôpital : « Je ne l’aurais jamais abandonné. » (©Théo Zuili / archives actu Lyon)

« C’est sans doute plus difficile quand on est face à un jeune de 20 ou 30 ans, mais quand il n’y a aucune issue, il faut pouvoir partir sereinement, avec dignité. » Pour Annick, cette loi est une nécessité.

Aujourd’hui, le retour à l’appartement reste difficile chaque soir : « C’est très calme, je suis seule, c’est dur. » Mais Annick reprend peu à peu ses activités. Elle retourne depuis peu au foyer de son quartier, s’est réinscrite à la chorale. Autant de plaisirs qu’elle ne pouvait s’offrir lorsqu’elle s’occupait en continu de son mari.

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.