À la sortie, beaucoup de visages sont fermés. La première projection d’ »Un simple accident » s’est terminée peu avant 16h. Comme chaque année, de nombreux Cannois ont le privilège de fouler le tapis rouge du Palais des Festivals au lendemain de l’attribution de la Palme d’or pour découvrir l’œuvre primée. Cette année, c’est le film de Jafar Panahi qui a su convaincre le jury. Le réalisateur iranien, emprisonné à plusieurs reprises dans son pays, dévoile dans son long-métrage le traitement des prisonniers sous le régime des mollahs.

L’occasion pour certains de visionner à nouveau le film, comme Lucie, qui avait assisté à la projection officielle le 20 mai, en présence de l’équipe. « Le revoir m’a permis de mieux le comprendre. C’est une critique forte de la politique iranienne, tout en subtilité. L’histoire se passe dans une camionnette, et petit à petit des anciens prisonniers comprennent qu’ils sont face à leur bourreau. Ils ont envie de se venger, mais au fond, ils refusent de devenir comme lui. Le film dévoile son intrigue progressivement, ce qui rend l’expérience encore plus prenante. Il montre une réalité qu’on ne voit pas souvent, et c’est aussi un message personnel du réalisateur, lui-même ancien détenu à cause de son art », résume l’étudiante.


La projection de la Palme d’or aux Cannois, ce dimanche 25 mai 2025 au Palais des Festivals. Photo PAUL MANGEONJEAN.

« C’était de la merde » contre « un beau film bien joué »

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le film a divisé les spectateurs. D’un côté, ceux qui n’ont vraiment pas accroché, et de l’autre, ceux qui prêtent une importance au sujet abordé. « C’était de la merde », a-t-on pu entendre en fond lors de l’interview de Daniel. « C’est pas de la merde, ils ont pu montrer par un film ce qui se passe en Iran, c’est ça la vérité! C’est des atrocités mais c’est ce qui se passe en Iran, a-t-il rétorqué. Il faut savoir dans quelles conditions ça a été filmé quand même. Ils n’avaient pas les droits des autorités iraniennes pour filmer. […] Maintenant ils sont rentrés dans leur pays, qu’est ce qui va se passer pour eux? », s’interroge le Cannois. « C’est un beau film en plein dans l’actualité, bien joué, moi j’ai été très touchée, c’était très émouvant », confirme Françoise. « C’est une triste réalité, c’est quelque chose de poignant. Ça fait réfléchir sur les régimes totalitaires », médite Saloah.

Pour autant, l’œuvre iranienne n’est pas la préférée de cette habituée des séances Palme d’or: « Pour moi, c’est « Anatomie d’une chute » qui reste top 1. » Sylvie, retraitée, a déjà vu un film du réalisateur iranien. « Pour moi, ce n’est pas du cinéma, c’est un film d’art et d’essai. Je n’ai pas trop aimé. » Et pour Marion, 24 ans, il y a du positif comme du négatif. « Je ne regarderais pas ce type de film au premier abord mais le message qu’il délivre est intéressant. […] Le fond est bien, mais j’ai eu du mal à accrocher à la forme. Par exemple, il y avait plusieurs moments de longueur », précise-t-elle.

Un sentiment qu’elle n’est pas la seule à avoir ressenti. Sophie salue un « message fort et facilement compréhensible. Difficile de ne pas adhérer à cette dénonciation d’un régime totalitaire. De plus, les personnages sont bien définis et une certaine empathie pour eux se développe tout au long du film. En revanche on peut regretter de nombreuses longueurs qui n’apportent pas grand-chose au récit. »

Enfin, Clément, véritable cinéphile et habitué du Festival, a un avis bien tranché sur ce qu’il vient de visionner: « C’est une œuvre typique du cinéma iranien de ces dernières décennies. Le poids du témoignage est fort tout en laissant le message principal en arrière-plan. Le scénario sert de principe à un tissu de sous-entendus qui tracent en filigrane un régime rigoriste en pleine dérive. Par contre, le jeu d’acteur déçoit, et les personnages sont creux, comme s’ils ne servaient que de décors à la trame de fond », développe le trentenaire.

« C’est important de montrer cette réalité au cinéma »

La grande majorité des Cannois se rejoint quand même sur un point central: il est important de montrer cette réalité au cinéma. « C’est important aussi de montrer la différence qu’il y a entre ceux qui se battent contre ce type de violence, et ceux qui les réalisent », précise Chantal, qui a assisté à sa première Palme d’or. « J’ai beaucoup apprécié le côté vrai qu’on voit de moins en moins au cinéma. On sent qu’on ne nous entraîne pas dans une mise en scène mais dans un témoignage. On devient un témoin de ce qui se passe, d’un drame qui se joue et qui est vieux comme l’être humain », souligne Alain.

Pour les ceux qui n’ont assisté à aucune des projections et qui souhaitent se forger leur propre opinion, « Un simple accident » sortira en salles le 10 septembre.