Une bande de scotch buccale pour mieux dormir ? Difficile d’imaginer de réels bienfaits sur la qualité du sommeil… © Depositphotos_Provo
Depuis plusieurs mois, le hashtag #mouthtaping fait un carton sur TikTok, accumulant des centaines de millions de vues. Sur les vidéos les plus populaires, des internautes se filment en train de poser un ruban adhésif sur leurs lèvres avant d’aller se coucher.
L’objectif ? Forcer la respiration nasale pendant la nuit, améliorer la qualité du sommeil, réduire les ronflements, et même optimiser les performances cognitives ou sportives. Autant de promesses alléchantes… mais loin d’être étayées scientifiquement.
Inspirée par certaines pratiques de respiration issues du yoga ou de la méthode Buteyko (voir À SAVOIR), cette technique a été récupérée, déformée, puis amplifiée par l’algorithme de TikTok. Résultat : une explosion d’adeptes convaincus par des témoignages personnels, mais souvent ignorants des risques que comporte cette pratique.
Selon le Dr Marc Rey, neurologue et président de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV), « il n’existe aucune preuve scientifique solide que scotcher sa bouche pour dormir ait un quelconque effet bénéfique ». Pire : cela pourrait engendrer de graves problèmes respiratoires chez certaines personnes. Enrayer la respiration buccale, qui fonctionne comme une sorte de plan B à la respiration nale, peut en effet conduire à une mauvaise oxygénation, des micro-réveils répétés, voire, dans les cas extrêmes, à une asphyxie nocturne.
Quels sont les dangers de se scotcher la bouche pour dormir ? Des risques d’asphyxie et de troubles respiratoires
Le danger principal du mouth taping réside dans le blocage de la voie respiratoire buccale. En cas de nez bouché, même partiellement, cela peut provoquer une sensation d’étouffement durant le sommeil, avec un risque réel d’hypoxie (manque d’oxygène dans le sang). Un phénomène particulièrement dangereux chez les enfants, les personnes âgées, les patients souffrant d’apnée du sommeil ou ceux ayant des troubles ORL non diagnostiqués.
La Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil (SFRMS) rappelle que « la respiration doit pouvoir se faire librement par le nez ou la bouche ». Empêcher une de ces voies peut provoquer un stress physiologique et altérer la qualité du sommeil au lieu de l’améliorer.
Des effets indésirables sur la peau et la muqueuse buccale
Scotcher sa bouche chaque nuit n’est pas sans conséquences sur le plan dermatologique. Cette pratique peut entraîner des irritations cutanées, des réactions allergiques aux adhésifs, des gerçures ou des micro-lésions des lèvres.
De plus, certains rubans vendus comme “bandelettes anti-ronflement” sur internet ne sont pas encadrés médicalement. Leur composition n’est pas toujours claire, et ils peuvent contenir des substances irritantes. Le manque de régulation de ces produits accentue les risques d’utilisation inappropriée.
Le fantasme du sommeil parfait : une quête parfois dangereuse
La tendance du mouth taping s’inscrit dans une dynamique plus large : celle de l’optimisation du sommeil. Sur les réseaux sociaux, de nombreux influenceurs prônent des routines de sommeil ultra strictes, avec un objectif de performance. Dormir ne serait plus un besoin naturel, mais un acte à améliorer coûte que coûte – parfois au mépris du bon sens médical.
Ronflements, troubles du sommeil, fatigue chronique : autant de problèmes de santé qui méritent un vrai diagnostic, pas un bout de scotch. La médecine du sommeil recommande une approche globale, incluant un bilan ORL, une hygiène de vie adaptée, voire une polysomnographie dans les cas les plus sévères.
« Beaucoup de personnes qui adoptent le mouth taping n’ont jamais consulté de spécialiste du sommeil. C’est une erreur, car derrière un ronflement se cache parfois une pathologie sérieuse comme le syndrome d’apnées obstructives du sommeil », avertit le Dr Alain Didier, pneumologue à Toulouse, interviewé dans La Voix de l’Est.
Les alternatives validées pour mieux dormir Privilégier la respiration nasale… naturellement
Il est vrai que respirer par le nez présente de nombreux avantages : humidification de l’air, filtration des particules, meilleure oxygénation, production d’oxyde nitrique (NO) qui favorise la vasodilatation. Mais forcer cette respiration en se scotchant la bouche n’est ni nécessaire, ni conseillé.
Pour favoriser la respiration nasale, les médecins préconisent des solutions naturelles : lavage nasal avec du sérum physiologique, humidification de l’air ambiant, traitement des allergies ou des déviations de la cloison nasale. Autant de mesures simples et efficaces à discuter avec un professionnel.
Une bonne hygiène de sommeil avant tout
Plutôt que de suivre des tendances hasardeuses, les experts recommandent d’adopter une hygiène de sommeil saine : horaires réguliers, exposition à la lumière naturelle en journée, activité physique modérée, limitation des écrans le soir, environnement de sommeil calme et tempéré.
Ces recommandations sont validées par l’Institut national du sommeil et de la vigilance et s’appuient sur des décennies de recherche clinique. Contrairement au mouth taping, elles ne présentent aucun danger et améliorent réellement la qualité du sommeil.
Conclusion ? Le mouth taping est une énième illustration des dérives possibles de certaines tendances santé sur les réseaux sociaux. Popularisée sans fondement scientifique, cette pratique est loin d’être anodine et peut même s’avérer dangereuse. Avant de tester une méthode vue sur TikTok, il est indispensable de s’informer auprès de sources médicales fiables et de consulter un professionnel de santé.
À SAVOIR
La méthode Buteyko est une technique de respiration mise au point dans les années 1950 par le médecin ukrainien Konstantin Buteyko. Elle repose sur l’idée que de nombreuses pathologies respiratoires, comme l’asthme ou les troubles du sommeil, sont aggravées par une hyperventilation chronique. L’objectif est donc de réapprendre à respirer lentement, par le nez, avec un volume d’air réduit. Cette méthode encourage la respiration nasale et le contrôle du souffle pour améliorer l’oxygénation cellulaire. Bien qu’elle suscite encore des débats, elle est parfois utilisée en complément d’un suivi médical.
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