Un rapport publié par le Défenseur des droits, mercredi 9 avril, dénonce les méthodes de la police pour évincer de l’espace public parisien des personnes considérées comme « indésirables ».L’étude décrit « une politique institutionnelle » visant des jeunes « racisés » issus de milieux populaires.

Une « politique institutionnelle » pour évincer les « indésirables » de l’espace public à Paris. Un rapport intitulé « Amendes, évictions, contrôles : la gestion des ‘indésirables’ par la police en région parisienne », mis en ligne par le Défenseur des droits (nouvelle fenêtre), mercredi 9 avril, pointe, au sein de la police nationale, des stratégies d' »éviction » de certaines catégories de la population, « sur la base de leur âge, genre, assignation ethno-raciale et précarité économique », soit des jeunes « racisés » issus de milieux populaires. 

« Le contrôle d’identité et l’amende forfaitaire sont fréquemment présentés comme des outils relativement anodins de lutte contre la délinquance », relève cette étude commandée au Centre de recherche sur les inégalités sociales (Cris) (nouvelle fenêtre) de Sciences Po, analysant des contrôles d’identité policiers et amendes à répétition. « Or, les logiques qui ont accompagné leur mise en place et les lois qui les régissent, montrent qu’ils ont en réalité des finalités multiples, favorisant leur usage à des fins d’éviction. »

Un ciblage « discriminatoire »

Ce rapport se base d’abord sur l’analyse d’une enquête menée par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), après une plainte pour violences et discriminations mettant en cause des policiers du XIIᵉ arrondissement. Ce dossier montre comment, entre 2013 et 2015, « les policiers ont sélectionné, parmi les options fournies par le logiciel de la police nationale, ‘perturbateurs – indésirables’ comme motif d’intervention », de manière « quasi-quotidienne ». 

Or, « ni le terme ‘éviction’ ni celui d »indésirables’ n’existent dans le code de procédure pénale, et la loi interdit la discrimination sur la base de l’origine ou de la situation économique », souligne l’étude. Ces pratiques exposent les personnes ciblées « à des situations de harcèlement policier, renforcent leur exclusion sociale et économique et alimentent leur défiance envers les institutions étatiques ».

Jusqu’à 30.000 euros de dettes

Le rapport décrypte également « la pratique de la multi-verbalisation » en région parisienne sur la base d’une quarantaine d’entretiens réalisés avec des jeunes multi-verbalisés entre janvier 2019 et juin 2024 et qui vivent majoritairement intramuros. Les amendes concernent des faits constatés aussi bien de jour qu’en soirée, et visent des tapages diurnes, des crachats ou des abandons d’ordures. 

« Cette multi-verbalisation donne lieu à des dettes conséquentes, qui peuvent aller jusqu’à plus de 30.000 euros pour des adolescents ou jeunes adultes », souligne le document. C’est le cas d’Amadou, 19 ans, verbalisé plus d’une centaine de fois entre 2018 et 2023, et dont les dettes frôlent les 32.000 euros, gonflées par la majoration d’amendes non réglées. Le rapport souligne aussi les amendes « Covid », et note que « ces jeunes ont en moyenne été 140 fois plus verbalisés pour des infractions liées à la pandémie de Covid que le reste de la population d’Île-de-France ».

Les municipalités « encouragent » et « légitiment ces pratiques au nom de la protection de la tranquillité des ‘riverains’, catégorie dont elles excluent de fait les jeunes ciblés », poursuit l’étude, qui rappelle qu’en 2023 le Conseil d’état a reconnu « l’existence de contrôles d’identité discriminatoires qui ne peuvent être réduits à des cas isolés ».

La rédaction de TF1info