Un scénario qui rappelle celui du jeu vidéo à succès The Last of Us, récemment adapté en série télévisée. D’après une équipe de chercheurs de l’Université de Manchester (Royaume-Uni) le réchauffement climatique en cours pourrait avoir pour conséquence le développement de certains champignons dangereux pour l’être humain.
Comme l’expliquent les scientifiques dans une étude publiée début mai et reprise notamment par CNN, l’évolution des conditions climatiques à l’échelle de la planète risque de provoquer la migration et la propagation de différentes espèces de type Aspergillus.
Des modèles informatiques pour prévoir le développement des Aspergillus
Pour parvenir à ce constat, les chercheurs ont travaillé sur différents modèles informatiques compilant des données relatives aux espèces en question et ont réalisé des simulations sous la forme de prévision cartographiques, en fonction des changements de température attendus dans différentes régions.
« Les champignons sont relativement peu étudiés par rapport aux virus et aux parasites, mais ces cartes montrent que les agents pathogènes fongiques auront probablement un impact sur la plupart des régions du monde à l’avenir », indique Norman van Rijn, co-auteur de l’étude et chercheur sur le changement climatique et les maladies infectieuses à l’Université de Manchester, cité par CNN.
Migration des espèces et prolifération
Selon le média américain, les modèles développés par les scientifiques prédisent ainsi « que certaines espèces d’Aspergillus étendront leur aire de répartition à mesure que la crise climatique s’intensifiera, s’étendant à de nouvelles régions d’Amérique du Nord, d’Europe, de Chine et de Russie ».
Cette migration géographique devrait s’accompagner d’une prolifération de ces différentes espèces, qui devraient voir leur population globale augmenter significativement, dans une fourchette allant de 16% à 77,5% en fonction des espèces.
Une maladie provoquée par le développement des spores dans les poumons
L’essor attendu des différentes familles d’Aspergillus constitue à n’en pas douter un problème en termes de santé publique. CNN rappelle ainsi que ce groupe de champignons peut « provoquer l’aspergillose, une maladie potentiellement mortelle affectant principalement les poumons ».
Comme le précise le média américain, cette maladie est directement provoquée par les minuscules spores libérés dans l’air par ces champignons, qui peuvent ensuite être inhalés par des humains sans même que ces derniers s’en rendent compte.
Risque important pour les personnes souffrant de maladie pulmonaire ou de déficit immunitaire
Pour la majorité de la population en bonne santé, ces spores ne présentent pas de danger particulier car ils sont immédiatement éliminés par le système immunitaire, comme cela est le cas pour de nombreux autres micro-organismes étrangers.
Le risque est en revanche bien réel pour les personnes souffrant de maladies pulmonaires chroniques (asthme, emphysème, fibrose kystique) et pour celles dont le système immunitaire est globalement affaibli, suite à une maladie grave et/ou à une hospitalisation de longue durée.
Des champignons qui peuvent « vous manger de l’intérieur »
Dans ces cas de figure, les spores des Aspergillus vont en effet survivre à l’action préventive de l’organisme humain. Comme le décrit Norman van Rijn, ils vont ainsi pouvoir « commencer à se développer et à vous manger de l’intérieur, pour le dire très franchement ».
Difficile à diagnostiquer, car ses symptômes se limitent souvent à la fièvre et à la toux, l’aspergillose peut ainsi se révéler aussi fulgurante que létale. D’après les différentes statistiques mondiales en la matière, son taux de mortalité oscille entre 20% et 40%.
De plus en plus résistants aux traitements et aux températures élevées
Pour ne rien arranger, différentes études empiriques ont montré que ces champignons étaient de plus en plus résistants aux traitements antifongiques au fil des générations. D’une manière générale, le réchauffement climatique pourrait par ailleurs augmenter la tolérance des Aspergillus à certains facteurs, notamment la température.
En outre, d’après CNN, les phénomènes météorologiques extrêmes, amenés à se multiplier avec le changement climatique, pourraient avoir pour effet de favoriser « la propagation des spores sur de longues distances », augmentant encore un peu plus leur aire de répartition et donc le risque pour les populations humaines.
« N’importe lequel d’entre nous pourrait être affecté à l’avenir »
Interrogés par CNN, plusieurs spécialistes de la santé environnementale partagent les inquiétudes des auteurs de l’étude. « Les agents pathogènes fongiques deviennent de plus en plus courants et résistants au traitement, et nous commençons seulement à comprendre comment le changement climatique y contribue », constate Justin Remais, professeur à l’Université de Berkeley.
Codirectrice du Centre de mycologie médicale de l’Université d’Exeter, Elaine Bignell juge pour sa part que l’étude sur la propagation des Aspergillus « met en lumière à juste titre la menace que représentent les champignons qui vivent dans notre environnement naturel et à quel point nous sommes mal préparés à faire face aux changements dans leur prévalence. » « Il est urgent d’inverser cette tendance compte tenu de leur létalité, ajoute la chercheuse. N’importe lequel d’entre nous pourrait être affecté à l’avenir. »