« Ce n’était pas un parrain, mais ce n’était pas un saint non plus », glisse un fin connaisseur de la voyoucratie marseillaise. Discret caïd fiché au grand banditisme durant de longues années, Roland Talmon, dit « Le Gros », a succombé des suites d’un « cancer agressif ».
Pilier de la « bande de l’Opéra » aux côtés notamment d’André Cermolacce, dit « Gros Dédé », abattu à Marseille le 4 février, Roland Talmon avait une solide réputation de gangster à l’ancienne. Peu connu du grand public, à la différence des Tany Zampa, Jacky Imbert et autres Bernard Barresi, Roland Talmon endossait volontiers le rôle d’homme de confiance, de braqueur chevronné « plus souvent invité sur les coups qu’à leur initiative », souligne cette même source. Décrit comme un « voyou à la papa » et interpellé à plusieurs reprises notamment pour blanchiment, le caïd était surtout connu pour son appartenance au monde des jeux.
À la tête d’un réseau d’une quarantaine de machines à sous
En janvier 2005, il avait écopé de trente mois de prison et 100 000 euros d’amende pour des opérations de blanchiment de bons au trésor. La justice lui reprochait alors d’avoir participé à des opérations de blanchiment d’argent, au casino de Cassis notamment, pour une somme totale de deux millions d’euros.
Deux ans plus tard, le tribunal correctionnel de Marseille l’avait condamné à trois ans de prison pour un réseau d’une quarantaine de machines à sous placées dans des bars marseillais et dans le Var. Quelque 40 bingos auraient alors généré, en trois ans, la coquette somme de 1 446 000 euros. Flambeur invétéré, Roland Talmon avait été confondu par un train de vie dispendieux : voyages, villas, appartements, bijoux, maîtresses entretenues… ses besoins étaient alors évalués à 40 000 euros par mois. « Tout ce qu’il gagnait dans les machines à sous, il le flambait au casino », souligne-t-on encore.
En 2011, le caïd avait été trahi par son ADN et rattrapé par un dossier datant de mars 1990. Un audacieux et fructueux braquage d’un fourgon de transport de fonds, commis sur une bretelle de l’A86 près de Mulhouse (Haut-Rhin) et dont le butin atteignait plus de cinq millions d’euros (33 750 000 francs). Une vieille histoire, trop vieille pour que la justice ait pu lui en tenir rigueur. Les faits étant alors prescrits.
30 000 euros pour des armes factices
En mars 2020, en pleine épidémie de Covid, Roland Talmon avait bénéficié d’une suspension de peine en raison de ses problèmes cardiaques. Il purgeait alors une condamnation de quatre années d’emprisonnement pour association de malfaiteurs sur fond de trafic d’armes. « Une histoire d’enfumage bulgare de pieds nickelés » avait alors résumé le tribunal avant de juger cette affaire où l’as du braquage et ses complices avaient versé 30 000 euros pour l’acquisition de 80 pistolets d’alarme à billes ou à gaz. Des Zorakis de fabrication turque que leurs interlocuteurs promettaient à tort de pouvoir transformer en armes létales. « Ils me prennent pour un gosse ! On n’est pas venu chercher des jouets ici ! Je veux mes 30 000 euros ou je me barre », s’était emporté le caïd floué, d’après les écoutes policières.
« Soldat solide » du milieu, connu des voyous mais cultivant une certaine discrétion, Roland Talmon était un « touche-à-tout » : proxénétisme, braquages, machines à sous… il était aussi l’un des derniers vieux caïds marseillais encore en vie. Il rejoint la (très) courte liste de ceux qui sont morts dans leur lit.