Comment faire pour limiter les risques de transmission de mutations génétiques pathogènes dans le cadre de dons de sperme ? C’est la question qu’a posée le docteur Edwige Kasper, biologiste au CHU de Rouen (Seine-Maritime), à travers un cas présenté lors de la conférence annuelle de la Société européenne de génétique humaine à Milan (Italie), ce samedi. A cette occasion, elle a fait part d’une situation dans laquelle le sperme d’un homme porteur d’une mutation cancéreuse rare a été utilisé pour concevoir plus de 67 enfants, rapporte The Guardian.
Dix cas de cancer
Dans le détail, deux familles étaient indépendamment revenues vers leurs cliniques de fertilité après que leurs enfants ont développé des cancers liés à une variante génétique rare. Ces deux familles avaient reçu le sperme d’un même homme fourni par la Banque européenne de sperme. Des analysés ont confirmé la présence d’une mutation pathogène rare susceptible de provoquer le syndrome de Li-Fraumeni, grave prédisposition génétique au cancer.
D’autres enquêtes ont ensuite mené à tester 67 enfants de 46 familles, nés entre 2008 et 2015 dans huit pays européens, tous issus du même donneur. En France, dix familles ont bénéficié de son don, a précisé Edwige Kasper au Parisien. Du reste, la Banque européenne du sperme n’a pas souhaité communiquer le nombre exact d’enfants concernés. A l’issue des tests, la mutation a été identifiée chez 23 enfants et 10 d’entre eux souffrent de cancer, notamment de leucémie et de lymphome non hodgkinien. Les autres enfants porteurs ont été invités à se soumettre régulièrement à des IRM du corps entier ainsi que du cerveau.
Des limites nationales qui se cumulent
Le problème est complexe puisque, d’une part, cette mutation n’était pas connue pour être associée au syndrome de Li-Fraumeni au moment du don en 2008. D’autre part, elle n’aurait dans tous les cas pas été détectable à l’aide des techniques de dépistage standard. D’autant plus que le donneur était considéré en bonne santé. « Il est scientifiquement impossible de détecter des mutations pathogènes dans le patrimoine génétique d’une personne si l’on ne sait pas ce que l’on cherche », a mis en avant Julie Paulli Budtz, porte-parole de la Banque européenne du sperme.
Ainsi, pour le docteur Edwige Kasper, le problème n’est pas là. A ses yeux, « il s’agit d’une dissémination anormale de maladies génétiques ». D’autant que les seules limites d’utilisation qui existent aujourd’hui sont celles fixées par chaque pays. Et elles peuvent se cumuler. « Nous devons fixer une limite européenne au nombre de naissances ou de familles pour un seul donneur », a-t-elle par conséquent plaidé.