Franck LEROY, président de la région Grand Est, a convié la presse en visioconférence ce mercredi 26 mars 2025 afin d’évoquer les questions de défense, quelques semaines après l’allocution du président de la République, appelant à la mobilisation en faveur du réarmement.

« La patrie a besoin de vous et de votre engagement », exhortait Emmanuel MACRON dans son adresse aux Français le 5 mars dernier.

Chaîne YouTube d’Emmanuel MACRON.

Une à une, les collectivités répondent à cet appel, selon leurs compétences propres. Au sein du Grand Est, la feuille de route de la région est en cours d’élaboration. L’amélioration des conditions de vie des militaires, la formation et le soutien à l’industrie de défense sont les trois piliers de la nouvelle stratégie. Elle doit être officialisée par la signature d’un protocole en octobre prochain, après six mois de travaux.

Avec 25 régiments de l’armée de terre, des bases aériennes à Saint-Dizier et Nancy-Hochet, et plus de 36 000 soldats, le Grand Est est un territoire central pour la défense nationale. C’est aussi une chance pour la région. « Le poids de l’armée est important sur le plan socio-économique. Les soldats et leur famille vivent souvent dans des territoires ruraux, dans des petites communes », rappelle Franck LEROY.

Investir pour le bien-être des soldats

L’un des volets majeurs du protocole concerne la qualité de vie des militaires en région. Mobilité, logement et accès aux services sont au cœur des discussions. L’exemple du cinéma de Bitche a notamment été cité. Depuis fin 2023, l’espace Cassin de Bitche se transforme deux fois par mois en salle de cinéma et, pour le plus grand bonheur des militaires stationnés localement, le cinéma Vauban devrait faire son retour en fin d’année.

« À Bitche, les soldats devaient auparavant faire quarante minutes de route pour aller au cinéma. La mobilité est une préoccupation évidente. On se demande par exemple : Comment être plus efficace dans la mobilité du dimanche soir, pour faciliter la vie au militaire qui retourne à sa caserne ? »

explique Franck LEROY, président de la région Grand Est

L’idée est de rassurer les petites communes, qui se restreignent dans leurs investissements par manque de capacités, en leur assurant le soutien de la région dans le cadre de ce protocole, qui vient s’ajouter au Pacte des ruralités voté en 2024. « Il ne s’agit pas de faire à leur place, mais de faire savoir qu’on est à leurs côtés », souligne Franck LEROY.

Le Grand Est veut aussi faciliter la reconversion des militaires, en proposant des formations pour accompagner le retour à la vie civile. À l’image de Vanessa DAUBENFELD, ancienne militaire et désormais conductrice du réseau Le Met’, que nous avions interroger sur sa reconversion en mars dernier.

Toutes ces problématiques, bien que non directement liées aux tensions internationales, jouent un rôle essentiel. En améliorant les conditions de vie des soldats et de leur famille, le métier devient plus attractif, et les candidats sont logiquement plus enclins à s’engager.

Aider l’industrie civile à « passer le pas »

Le protocole vise également à renforcer le lien entre le Grand Est et son industrie de défense. Des entreprises comme Soframe, groupe privé installé en Alsace, ou John Cockerill Defense, qui dépendent en partie des commandes du ministère des Armées, pourront bénéficier d’un accompagnement stratégique. Il s’agira par exemple de les aider à réaliser les investissements nécessaires pour répondre aux éventuelles commandes de l’État. « Il y aura des opportunités pour certaines de ces entreprises qui vont peut-être devoir gérer une croissance dans les années à venir », détaille le président de région, Franck LEROY.

Les entreprises civiles qui souhaitent réorienter totalement ou partiellement leurs activités pour contribuer à l’effort de réarmement seront elles aussi éligibles à l’accompagnement de la région Grand Est, selon des conditions qu’il reste à définir dans le cadre du protocole. Il faudra attendre les futures commandes de l’État pour que les acteurs locaux puissent réellement se positionner, mais la transition du civil au militaire doit se préparer en amont, comme l’indique Thierry PERARDEL, chargé de mission Défense :

« L’activité de défense est une activité spécifique. On ne passe pas de l’automobile à la défense sans préparation. Il faut des certifications. Nous pouvons accompagner les entreprises. »

La question des friches militaires sera peut-être amenée à être posée. L’armée pourrait avoir besoin de récupérer certains terrains, alors que la tendance était jusqu’ici à les céder au civil ou aux collectivités locales pour des projets de développement. Aucune initiative de ce genre n’est pour l’instant à l’étude, mais cela ne peut être exclu à ce stade.

Du nouveau pour les réservistes du Grand Est ?

Alors que la réserve nationale compte aujourd’hui 84 000 individus en France, près de 12 000 personnes se sont portées candidates pour l’intégrer depuis le début de l’année, indique ce mardi FranceInfo. Au vu du succès que rencontre cette forme d’engagement permettant de concilier vie professionnelle et engagement auprès de l’armée, des questions se posent.

Le protocole permettra de mener une réflexion sur la place des réservistes au sein de la région et sur les conditions dans lesquelles ils exercent leurs deux activités. Une convention avec la Garde nationale, signée en 2021, a permis le maintien du salaire des agents réservistes. « On a actuellement une vingtaine d’agents réservistes au sein de la collectivité », précise Nathalie ARNOLD, cheffe de projet stratégique direction générale des services.

Ce dispositif pourrait être repensé et élargi dans le cadre du protocole, notamment si une vague d’engagement dans la réserve intervient au sein des effectifs de la région Grand Est dans les semaines et mois à venir.

Un protocole encore en construction

C’est une séance de travail de six mois qui s’ouvre aujourd’hui. Les différentes commissions régionales se pencheront chacune sur leur domaine d’expertise pour aboutir au protocole le plus efficace possible. Pourtant, il n’est pas question pour la collectivité de travailler dans l’urgence.

Ce projet n’était pas complètement lié à la situation actuelle, mais en vérité issu d’un travail de longue haleine, nous indique le président de région, Franck LEROY :

« Depuis que je suis président de région, j’ai pu rencontrer un certain nombre d’officiers. Il nous faut apporter des réponses concrètes à des problématiques du quotidien. On agit pas dans le cadre de l’urgence. On agit parce que l’armée est un acteur important de notre territoire. »

Pierre MEYER, gouverneur militaire de Metz, officier général de zone de défense et de sécurité Est, pourra dès demain s’exprimer sur ces questions, et apporter son éclairage, à l’occasion de la séance plénière du Conseil régional du Grand Est, qui se tiendra le jeudi 27 mars à Metz.