Avec humour, et comme une forme de politesse du désespoir, la réalisatrice Marion Angelosanto raconte la tentative de sauvetage de son immeuble, à Pantin. Et la façon dont, après six ans de lutte, elle a jeté l’éponge. Elle a acheté son appartement, au 4e étage d’un joli immeuble en briques, dans le quartier des Quatre-Chemins à Pantin.
Ce secteur jouxte Aubervilliers d’un côté, et la porte de la Villette, donc Paris, de l’autre. Elle a été heureuse dans ce lieu : contente de mettre ses pas dans ceux de ses grands-parents, qui ont habité le coin ; contente de la façon dont elle a arrangé son nid, avec une vue sur les toits rouges, de belles lumières au coucher et au lever du soleil. Elle aime aussi ce petit concentré de Seine-Saint-Denis et d’humanité, où se côtoient « ouvriers, retraités, agent de sécurité, aide-soignant, intermittents… », et où l’on parle « arabe, berbère ou chinois ».
Un certain mépris institutionnel des pauvres
Sauf qu’en 2019 la préfecture a lancé un avis de péril sur l’immeuble. Et pour cause : des dizaines de rats se baladent dans la cour, les murs moisis cloquent et sont bouffés par les champignons. Alors, avec les copropriétaires, elle décide de changer de syndic, tombe sur une femme très dynamique qui remue ciel et terre, rappelle la loi, fait entrer les 50 000 euros d’impayés de l’immeuble. Et tout progresse : la porte est repeinte, puis la cage d’escalier, les marches sont poncées. Les locataires, parfois très malmenés par leurs propriétaires, s’investissent à fond dans le lieu.
Mais les catastrophes s’enchaînent. D’abord le déplacement du trafic de crack par Gérald Darmanin, dans ce quartier dont la densité de population est importante, mais qu’il a estimé, lui, de la place Beauvau, « sans riverains ». Sans « riverains parisiens », corrige excédée la réalisatrice. Des propriétaires indélicats refusent de réparer des fuites qui fragilisent tout un étage. Les instances censées aider financièrement les travaux jettent l’éponge, et rendent impossible toute rénovation sérieuse. Certains propriétaires, véritables marchands de sommeil, ont même recours à l’intimidation et à la menace sur leur locataire.
Le documentaire en dit long, très long, sur un certain mépris institutionnel des pauvres, et des quartiers populaires. Et sur la faiblesse de l’action publique contre le mal-logement : une des voisines de Marion Angelosanto, expulsée de son logement, a eu droit à une indemnisation « royale » de 400 euros. Les responsables ? Ils courent toujours, et on ne leur demande pas de comptes. À voir absolument, pour la pertinence du propos et la vivacité du ton.
Appartement proche Paris, charme atypique, Arte, mercredi 28 mai à 22 h 45.
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