Pour caler un rendez-vous avec Thimothé Porcher, Corentin Nassy et Raphaël Cabanis, les trois associés de Satio, il faut s’y prendre longtemps à l’avance. Ou miser sur la chance. Car entre 2021 et 2024, soit à peine quatre ans, le trio a multiplié les ouvertures, de Satio, rue Vasselot, en 2021, à Bouillon, dans la ZI du sud-est, fin 2024. Entre les deux, ils ont eu le temps de fonder Satio Aperitivo, restaurant à tapas rue Saint-Malo, et Ostia, une pizzeria à Bruz. Une vraie success-story à la rennaise portée par trois potes de moins 30 ans. « On est copains depuis toujours », pose Thimothé. Depuis le collège Saint-Gabriel à Pacé, au nord-est de Rennes, pour être exact, avant de se suivre au lycée Saint-Martin, à Rennes.
Leur parcours n’était cependant pas tracé pour entreprendre ensemble. Et encore moins dans la restauration, entre des études de gestion et de finance pour l’un, d’ingénierie civile pour l’autre et d’ingénierie agroalimentaire pour le dernier. Jusqu’à ces vacances en 2019, les dernières avant de se lancer sur le marché du travail. « On avait tous les trois l’envie d’entreprendre. Moi, je voulais relancer la filière de la soie en France et ça n’a pas marché. Raphaël avait l’habitude de faire la cuisine lors de nos soirées entre potes. Il voulait faire un restaurant de quiches, se souvient Thimothé. Finalement, c’est Coco, le gestionnaire de la bande, qui s’est rendu compte que c’était jouable de monter un restaurant avec peu d’apport ».
« Ce qu’on avait fait était catastrophique »
À 23 ans, ils décident donc de se lancer. « On pensait faire des minestrones. Une idée très mignonne, mais les gens nous ont fait comprendre que l’idée était pourrie. Et le banquier nous a dit qu’il ne nous financerait pas si on n’allait pas travailler en restauration avant. » Le trio se fait donc la main, en salle ou en cuisine, dans les restaurants de Rennes, chez Avec, Coquille ou au Jardin d’Avalon.
Avec la pandémie de covid-19, Thimothée, Raphaël et Corentin voient l’opportunité de se lancer dans la livraison de repas. « On a fait un crowdfunding pour lever des fonds et se faire connaître, ça nous a permis d’acheter la nourriture, mais on n’était pas rentable car nos prix étaient trop bas. Ça nous a quand même permis de voir ce qu’on avait mal fait, on a analysé ça et Coco nous a dit que ce qu’on avait fait était catastrophique. »
Le vrai départ, c’est 2021, avec Satio, rue Vasselot. « Le midi, ça fonctionnait, mais on faisait zéro couvert le soir et on ne se payait pas. Le concept était plus fast-food qu’aujourd’hui, avec un nutri-score et un éco-score. On s’est rendu compte que c’était bien d’avoir des bonnes valeurs, mais qu’on était un peu pénibles d’en parler aux clients qui veulent juste manger. C’était trop scolaire. »
« On en a eu des nuits blanches »
Scolaire, oui, mais à les entendre, c’est ça qui les a sauvés. « On a toujours appris de nos erreurs, et toujours fait attention à nos marges, pointe Thimothé. Rue Vasselot, on s’est rapproché d’un restaurant traditionnel, ce qui colle bien à l’esprit de cette rue, et c’est à ce moment que ça a marché. »
Problème, difficile de se payer avec un seul établissement pour trois associés. « Tout est allé très vite à partir de là car on n’avait pas le choix. » Naît alors Satio Aperitivo, qui fonctionne le soir… mais pas le midi. « On a été tellement traumatisé par le premier resto qu’on a voulu lancer un concept qui cartonnait le soir. Mais des tapas le midi, les gens n’ont pas le temps. » De 25 euros les tapas à volonté, ils descendent les prix à 15 euros le midi.
Je me suis formé comme pizzaïolo dans une autre pizzeria en plus de la gestion des autres restaurants. J’ai bidonné avec mon patron, je lui ai dit que j’avais de l’expérience alors que je n’en avais pas. Je lui ai dit à la fin.
« On a commencé à se payer, mais pas très cher, 1 000 € par mois ». La solution ? Un troisième restaurant ! « Avec trois gérants, on s’est dit qu’il nous fallait trois restos ». Arrive alors Ostia, une pizzeria italienne à Bruz. Là encore, le trio la joue bon élève. « Je me suis formé comme pizzaïolo dans une autre pizzeria en plus de la gestion des autres restaurants. J’ai bidonné avec mon patron, je lui ai dit que j’avais de l’expérience alors que je n’en avais pas. Je lui ai dit à la fin », en sourit encore Thimothé.
« À la fois trop petit et trop gros »
Et puis vient Bouillon. Qui marque un changement de braquet, avec ses 300 couverts, salle et terrasse comprise. « Avec Raphaël, on a eu des nuits blanches car tout ça a été très stressant. Corentin, lui, est plus optimiste. » Désormais, les trois copains d’enfance vivent le quotidien de chefs d’entreprise qui doivent gérer 50 salariés. Corentin, le gestionnaire de la bande, doit ainsi, notamment, s’occuper des 50 fiches de paie.
« Aujourd’hui, on doit gérer de l’humain, que le personnel soit bien, régler les problèmes, et boucher les trous, estime Raphaël. Et comme on est 50, il y a toujours des trous ». « Tous les jours, on a des problèmes à gérer, ajoute Thimothé. Changer un siphon en cuisine, faire réparer le chauffage qui explose à Bouillon dès l’ouverture, revenir à Satio Aperitivo le 25 décembre car il est inondé par les crues… »
« On est dans un moment où on est à la fois trop petit et trop gros, résume Raphaël Cabanis. On a des problèmes de gros restos, mais pas les ressources pour les gérer entièrement. Le but, c’est qu’on se structure, par exemple prendre quelqu’un pour faire la compta. Ça nous permettrait de prendre un peu de hauteur et d’être moins dans l’urgence. »
« On ne se voit jamais en dehors de nos restos car on ne fait que ça »
Car aujourd’hui, Thimothé, Corentin et Raphaël ne se voient, dans les faits, quasiment plus. « Aujourd’hui, on ne se voit jamais en dehors de nos restos car on ne fait que ça », pointe Raphaël. Surtout, le trio l’affirme, ils ne font jamais de réunion. « On se fait confiance. Si on met notre nez dans les missions des autres, on perd du temps. »
Et du temps, ils n’en ont pas tellement à perdre. Car après Satio, Satio Aperitivo, Ostia et Bouillon, ils n’en ont visiblement pas fini avec leur boulimie d’expansion. « Tant que l’entente est bonne, qu’on est motivé et qu’on peut se le permettre financièrement, notre faim de proposer de nouveaux restos et de concepts est là, pose Corentin Nassy. On a des idées qui germent, plusieurs concepts en tête ».
Reste un leitmotiv, « proposer aux clients de venir au restaurant pour un prix abordable. Chez nous, aucun plat ne dépasse 18 €, en gardant du fait maison et en mangeant bien. On n’a pas la prétention de vouloir faire du gastronomique ». « Chez nous, c’est détente, jeune », ajoute Thimothé Porcher. Mais toujours à 100 à l’heure.