Si cela fait longtemps qu’un pilote femme a disputé un grand prix, leur implication à tous les niveaux de la F1 est de plus en plus claire. Au point, peut-être d’attirer de nouveaux sponsors ? Enquête.
On entend parfois des gens se plaindre que les femmes ne jouent pas un grand rôle en Formule 1. La réalité est pourtant bien différente. Au cours des cinquante dernières années, des femmes ont occupé des postes importants, même si cela n’a pas toujours été visible pour le grand public.
Les gens pensent qu’il s’agit d’un sport machiste dans lequel les femmes sont jolies, font des sandwiches et tiennent à jour des feuilles de chronométrage. Mais dès le début des années 1970, Elf employait Valérie Jorquera, une analyste de carburant, dans son programme de F1.
Dans les années 80, Janet Melia, ingénieure en pneumatiques chez Goodyear, était une habituée de la scène de la F1, son rôle étant de travailler avec les équipes pour choisir les bons pneus pour les courses, tout en travaillant également à l’élaboration des mélanges de gommes.
A la fin des années 80, Diane Holl était ingénieure chez Reynard et March avant de rejoindre le groupe de conception et de développement de Ferrari de John Barnard, à Guildford.
Elle voulait être ingénieure de course plutôt que de travailler dans un bureau d’études et, en 1994, elle a déménagé aux Etats-Unis pour devenir l’ingénieure principale en recherche et développement de Reynard dans le cadre du programme CART. Deux ans plus tard, elle est devenue ingénieure de course. Elle retournera chez McLaren de 2001 à 2008, avant de passer en NASCAR.
Longtemps, les femmes ont été employées en Formule 1 dans des domaines qui n’étaient pas sous les feux de la rampe. On y trouvait en effet des avocates, des comptables, des organisatrices ou des responsables de relations publiques. Bernie Ecclestone était un grand fan de l’emploi de femmes comme conseillères juridiques, avec Judith Griggs dans les années 1980.
Elle a ensuite été la promotrice du Grand Prix d’Australie, puis a dirigé Allsport Management, qui supervisait l’ensemble de l’accueil des partenaires et de la publicité en bord de piste de la F1. Sacha Woodward Hill, conseillère juridique en chef de la F1 de 2000 à 2024, a suivi ses traces.
Les femmes et la F1 : postes de direction
Il y a également eu des femmes directrices d’équipe de F1 à partir des années 80 avec Carmen Ziegler chez Sauber et Suzanne Radbone chez Team Lotus. Suzanne soulignait : « Vous ne bénéficiez pas de la crédibilité implicite dont jouit un homme dans la même position. Vous devez faire plus d’efforts. »
Mais elle a aussi déclaré : « La F1 n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais en tant qu’outsider. Je la voyais beaucoup plus glamour, mais il s’agit avant tout d’un travail acharné et de gens terre à terre. Ce qui me fascine, c’est leur motivation. C’est quelque chose que je n’avais jamais vu chez des gens auparavant. »
Une vingtaine d’années après, Monisha Kaltenborn devenait Team Manager de Sauber, entre 2012 et 2017. Certaines ont gagné beaucoup d’argent dans le sport, notamment Judith Griggs et Sacha Woodward Hill, qui ont toutes deux été récompensés par des actions de F1 Group, tandis qu’une autre avocate, Caroline McGrory, a été l’une des actionnaires de Brawn GP en 2009 et est ensuite restée chez Mercedes jusqu’en 2016, date à laquelle elle s’est lancée dans le football.
Ces dernières années, elle est réapparue chez Alpine. De nos jours, il y a de plus en plus de femmes dans la discipline, à différents postes, avec une augmentation du nombre d’ingénieures, de techniciennes et de mécaniciennes.
Parmi les dirigeantes, Emily Prazer, une autre avocate, est la directrice commerciale de la Formule 1, tout en occupant également le poste de P.-D.G. de Las Vegas Grand Prix Inc.
Mais toujours pas signe d’une femme pilote de F1… On le voit, si le rapport entre les hommes et les femmes a toujours été déséquilibré, il est faux de prétendre que les femmes n’ont pas été présentes en F1.
La Commission des femmes en sport automobile de la FIA existe depuis 2009 et vise à montrer que le sport automobile leur est ouvert, que ce soit en tant que compétitrices, officielles, directrices d’équipe, ingénieures, mécaniciennes ou tout autre type de carrière.
Cette année, cette implication dans la discipline a de nouveau été mise en lumière avec l’annonce que l’ingénieure de course d’Esteban Ocon sera Laura Müller, une Allemande de 33 ans, diplômée en ingénierie automobile, qui travaille chez Haas depuis 2022.
L’équipe a également nommé la Française Carine Cridelich au poste de stratège en chef. Tout cela est très positif, mais il reste encore beaucoup à faire.
Ainsi, il faut que davantage de femmes encore se lancent dans l’ingénierie. En tout cas, les équipes de F1 nomment des femmes lorsque celles-ci sont le meilleur choix disponible.
Les femmes et la F1 : côté fans
De l’autre côté, en ce qui concerne le public, des études récentes ont révélé que 41 % des fans de F1 sont désormais des femmes et que le segment de marché qui connaît la plus forte croissance est la tranche féminine âgée de 16 à 24 ans.
Cet intérêt s’explique en grande partie par la diffusion de la série documentaire de Netflix Drive to Survive, qui a emmené les téléspectateurs dans les coulisses et leur a permis de mieux connaître la personnalité de ceux qui font la F1, qu’il s’agisse des pilotes ou des directeurs d’écurie.
En revanche, on peut être vraiment surpris que ces 40 % de fans féminines ne se retrouvent pas dans la cible des sponsors, ce qui devrait logiquement être le cas. Il y a donc un énorme potentiel dans les parrainages commerciaux axés sur les femmes.
Cette saison, nous trouvons un nouveau sponsor peut-être très important chez Aston Martin, qui a annoncé que la marque Elemis serait le « partenaire officiel de l’équipe en matière de soins de la peau ».
Cette marque appartient au groupe l’Occitane. D’autres écuries, en découvrant cet accord, se demanderont peut-être si, à l’avenir, 40 % de leurs sponsors ne devraient pas venir d’entreprises dont les produits sont achetés par des femmes…
Retrouvez notre enquête sur la présence des femmes en F1 dans le Sport Auto n°759 du 28/03/2025.