« Pour mon papa Yusupha. Awa ». Le bouquet de fleurs trône au milieu de la scène devant les différents intervenants. Ce mardi 27 mai, peu après 15 h 30, une cérémonie d’hommage à Yusupha York s’est tenue à l’endroit où ce jeune homme de 26 ans a perdu la vie le 26 mai 2021, poignardé à mort.
« C’était mon ami, mon frère. »
L’émotion est forte. Elle sera à son comble au moment où Laetitia, Abou et Awa vont lever le voile sur la plaque qui trône désormais devant le 7C rue Colette dans le quartier de la Métare à Saint-Étienne.
Abou Kourouma est l’ami de Yusupha York. Celui avec qui il a affronté toutes les galères avant de rejoindre la France, il y a quelques années. Pétrifié par l’émotion et la peine, il essaie de raconter son compagnon : « C’était mon ami, mon frère. » La voix étranglée par les sanglots, il rembobine le fil de leur histoire : « Nous avions quitté notre village en Gambie pour rejoindre le Sénégal puis le Niger avant l’Algérie et la Libye. Le pays était en guerre et nous avions été vendus par les rebelles. »
Le grand gaillard, passionné de boxe, poursuit : « Nous avons été enfermés pendant un an en prison. » Ils avaient réussi à fuir en cassant les portes de leur geôle avant de fuir. Ensemble. « À ce moment-là, on s’est promis de ne jamais s’abandonner. » Le duo parvient ensuite à gagner l’Italie et la région des Pouilles. À Foggia, ils vont travailler dans les champs, ramassant des tomates dans des conditions pas toujours simples.
Peut-être une des raisons qui a poussé Yusupha, « fan de body-building » à vouloir rejoindre la France. Abou Kourouma, lui, est moins déterminé et propose à son ami de le laisser partir en pionnier. « Je te rejoins quand je pourrai le faire », lui dit-il. Tous deux sont restés en contact en s’appelant tous les jours. « On s’était promis de se retrouver. »
Prête à poursuivre le combat pour Yusupha
Mais un jour, Yusupha ne répond plus. Son ami apprendra la triste nouvelle de son décès un peu plus tard alors qu’il se trouve à Lyon. Il va dès lors rejoindre le combat de la compagne de son ami, Laetitia Barlaud. Pour tenter de « faire vivre cette belle âme à travers les yeux de sa fille » et de tous ceux qui l’ont côtoyé.
« Cette plaque, c’est pour que son souvenir demeure et que les gens qui habitent le quartier sachent ce qu’il s’est passé il y a quatre ans », explique Laetitia Barlaud. Cette dernière, accompagnée de sa fille Awa, est forte et ne veut pas laisser transparaître ses émotions. Comme pour protéger sa progéniture qui souffre déjà énormément de la perte de son papa. « Elle est toujours suivie par un médecin. Elle a du mal à dormir. La nuit, des fois, elle joue à cache-cache avec Yusupha. Elle dit qu’elle le voit », détaille cette maman enfermée dans une peine incommensurable. La jeune femme ne digère pas que l’un des accusés, condamné, soit toujours en fuite. Et qu’un autre ait été remis en liberté à cause de problèmes de santé. Mais cette dernière fait face : « Personne n’oubliera Yusupha et ce qu’il s’est passé à cet endroit. Il restera une trace de lui et de son passage ici », le poing serré, en promettant de poursuivre le combat, pour Yusupha. Et nul doute que dans les jours à venir, comme elle le fait depuis quatre ans, elle appellera la famille de son défunt conjoint pour leur donner des nouvelles d’Awa et montrera à ses oncles, toutes les belles photos de l’hommage rendu à l’un des leurs.