L’Etat va-t-il enfin réussir à mettre fin aux fraudes aux aides publiques ? Serpent de mer des différents gouvernements, ce dossier sensible va revenir au Sénat ce mercredi 2 avril dans le cadre de la proposition de loi (PPL) portée par le député (EPR) de Gironde et ancien ministre du Budget Thomas Cazenave. Dans le viseur figurent les aides à la rénovation énergétique et les certificats d’économie d’énergie (C2E). Au total, cette traque contre la fraude permettrait « un gain de 1,6 milliard d’euros aux finances publiques », explique Thomas Cazenave contacté par La Tribune.

Traiter la fraude à la source

Reprenant le principe du prélèvement à la source mis en place en 2019, la proposition de loi veut s’attaquer à la fraude à la source. Le premier article de la loi permet ainsi à l’administration de suspendre des aides. Pour laisser plus de temps aux fonctionnaires de mener ces enquêtes, la loi prévoit que le délai de suspension des aides soit renouvelable une fois.

L’un des problèmes est que beaucoup d’entreprises sont créées uniquement pour toucher des aides. L’ancien ministre de budget avait mis l’accent sur « les sociétés éphémères ». Pour contrer ce phénomène, la proposition de loi devrait permettre de muscler l’arsenal pour lutter contre l’absence d’immatriculation au registre national des entreprises (RNE). « La commission [du Sénat] estime que le défaut d’immatriculation au RNE est fréquemment révélateur de comportements frauduleux, traduisant l’absence des qualifications nécessaires pour exercer l’activité choisie ou un contournement d’une interdiction de gérer », souligne la chambre haute.  Si « un manquement délibéré » est caractérisé, le versement de l’aide peut être coupé. En cas d’adoption, ce texte de loi permettrait de sécuriser l’administration face aux différents types de recours. Sur le volet consommateur, la proposition de loi prévoit d’interdire le démarchage téléphonique pour les dispositifs qui bénéficient d’aides.

Muscler les sanctions sur la rénovation

L’autre volet important du texte est de muscler les sanctions à l’encontre des fraudes sur la rénovation des bâtiments. Selon la Commission des affaires économiques du Sénat, plus de la moitié des entreprises contrôlées dans le secteur de la rénovation énergétique présentait « des anomalies ». Le coût des fraudes pour les certificats d’énergie est estimé à 280 millions d’euros. Concernant ces certificats, la proposition de loi permettrait de muscler les sanctions financières à hauteur de 10% du chiffre d’affaires de l’entreprise et 12% en cas de récidive.

Les enquêteurs de Bercy (DGCCRF) pourront avoir plus facilement recours à l’anonymisation pour mener à bien leur investigation ou à des noms d’emprunt. L’administration pourrait également permettre de « croiser les données entre administration afin de mieux identifier les schémas de fraude », souligne Thomas Cazenave. Toujours dans la logique de sanction, la loi prévoit également d’accroître la publicité des sanctions par l’administration. Cette pratique du « Name and Shame » inspirée des pays anglo-saxons s’est certes développée dans l’Hexagone. Mais cela n’a pas empêcher la révélation de scandales retentissants.

 Les aides aux entreprises passées au crible au Sénat

Au centre d’une commission d’enquête au Sénat, les aides publiques aux entreprises sont actuellement passées au crible. A ce stade, le flou demeure sur le montant total et la nature des aides tant convoitées.« Il y a des problèmes d’information pour recenser les aides et pour en mesurer leur coût », a déclaré François Ecalle, spécialiste des finances publiques et ancien fonctionnaire de la Cour des comptes mardi 1er avril. « Les évaluations sur les aides sont insuffisantes. On ne peut pas évaluer 2.200 dispositifs », a-t-il déploré.