Pablo Correa (Nancy) champion du National

L’entraîneur historique de l’AS Nancy Lorraine a fini la saison avec un nouveau titre et une troisième montée, après celles de 2005 et 2016. Et forcément, il regarde plus haut.

Combien d’entraîneurs sont parvenus à faire monter trois fois leur club de cœur à vingt ans d’intervalle ? Bien peu, certainement. Pablo Correa, 607 matches sur le banc de l’AS Nancy Lorraine en trois périodes (2002-2011, 2013-2017 et depuis 2023), une Coupe de la Ligue, deux titres de champion de Ligue 2 et désormais un de National, fait partie de la légende du club, aux côtés d’Antoine Redin, Michel Platini et Olivier Rouyer. Son deuxième retour, à l’automne 2023, a coïncidé avec le redressement de l’ASNL, passée de la 17e à la 4e place avant de finir sixième au terme d’une saison marquée par le décès du président Nicolas Holveck.

La saison 2024-2025 aura donc été la bonne : dès la 4e journée, Nancy s’est installé dans les deux premières places, et n’a plus quitté la tête à partir de décembre, sans creuser d’écart définitif avant le 2 mai et la victoire contre Nîmes. Meilleure attaque, meilleure défense (avec Bourg-en-Bresse) et plus grand nombre de victoires : Nancy fait un beau champion et la fête a été belle au stade Marcel-Picot vendredi soir dernier.

Lire l’interview de Pablo Correa en janvier 2025

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Le nombre de montées de Pablo Correa avec Nancy, deux en L1 (2005 et 2016) et une en L2 (2025).

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Le nombre de matches qu’il a dirigés comme coach à Nancy depuis 2002. Dont 53 en National (32 victoires).

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Pablo Correa a remporté quatre titres avec Nancy : Coupe de la Ligue 2006, champion de L2 2005 et 2016, champion de National 2025.

 

« C’est la troisième fois que vous faites monter Nancy en quinze saisons au club. Etait-ce plus dur que les deux premières fois, de la L2 à la L1? 
Certainement, même si ça s’est fini exactement pareil, puisqu’à l’époque (en 2005 et en 2016) on avait été champions, mais dans des contextes différents, c’était en Ligue 2, pour des montées en Ligue 1. Ça m’a paru beaucoup plus difficile cette fois, probablement parce qu’il a fallu préparer un nouveau groupe, partir d’une feuille blanche. Et parce que ce championnat de National reste difficile car il est équilibré. Ça m’a demandé beaucoup de travail. 

Comment avez-vous vécu cette deuxième saison en National ? 
Heureusement que j’ai fait une partie de la saison 2023-2024 (il est arrivé en novembre 2023), parce que c’est à ce moment-là que je me suis nourri de tout ce qui est spécifique au National. Je ne suis pas sûr que j’aurais pu faire la même chose cette année sans ce temps d’observation.


Pablo Correa, 607 matches comme coach de Nancy et trois montées (photo Antonin UTZ / ICON SPORT).

Vous avez été désigné meilleur entraîneur de National sur un vote des joueurs et des coachs. Comment accueillez-vous cette récompense ?
Je suis fier car ce sont les coachs et les joueurs qui votent. Mais pour moi, c’est moins une reconnaissance de la personne ou de l’entraîneur qu’une reconnaissance de l’équipe. Il faut que l’équipe performe pour que l’entraîneur gagne. Je viens d’une époque où on tenait beaucoup au collectif et à la solidarité, aujourd’hui c’est plus individualiste. Je l’avais dit dans le vestiaire : ça ne pouvait être qu’une histoire de groupe. Toutes les récompenses qui viennent maintenant, c’est le groupe qui les gagne. 

« On connaît Michel, c’est l’attachement à l’homme, à l’entraîneur et au club qui lui font dire ça. »

Pablo Correa, à propos de Michel Platini

L’autre légende du club, Michel Platini, a dit dans l’Est Républicain que « vous êtes un super meneur d’hommes, un entraîneur qui connaît très bien le football et qui a Nancy dans le cœur ». Ça vous touche ?
Ça me touche plus qu’un prix, en fait. On connaît Michel, c’est l’attachement à l’homme, à l’entraîneur et au club qui lui font dire ça. On parle de Michel de Nancy et de la « Juve », d’abord. Nancy a une place dans son coeur, il est toujours intéressé, il suit toujours. C’est un honneur énorme quand ça vient d’un des plus grands de l’histoire du football français. C’est de la reconnaissance.

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Seules deux équipes ont gagné plus de la moitié de leurs 32 matches cette saison : Le Mans (17) et Nancy (20).

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Nancy est le champion de National qui compte le moins de matches nuls depuis 1998 (5, dont un seul à domicile).

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Seules trois équipes n’ont pas perdu face à Nancy : le FC Rouen (2-2 et 1-1), Paris 13 Atletico (2-1 et 2-2) et l’US Boulogne CO (1-1 et 2-0).


Aliou Thiaré, Nicolas Saint-Ruf et Pablo Correa ont été lauréats aux Trophées du National 2025 (Photo Antonin UTZ / ICON SPORT). 

À quel moment de la saison avez-vous su que Nancy allait remonter ?
On a eu des signes très précoces : notre remontada à Sochaux, on perd 0-2 à la 70e minute, et on gagne 3-2. Mais ce n’était que la 5e journée, c’était trop tôt, surtout avec un groupe qui n’avait pas de vécu. Quand on bat Orléans à Picot, le dernier match avant la trêve (1-0, le 13 décembre), ça nous permet de prendre la première place et de partir en vacances en étant en tête, on était déjà dans de bons temps de passage. Et après, c’est au retour encore contre Orléans, où on gagne 5-1 (le 25 avril, à la 31e journée), où on est dans la position de favori. Il ne reste que trois journées à ce moment-là. Rétrospectivement, on voit quand même qu’on finit fort avec sept victoires et deux nuls lors des neuf dernières journées…


Jimmy Evans a inscrit contre le FC Rouen le tout dernier but de la saison pour Nancy (photo Maxime FOURNIER / FFF). 

Quels sont les adversaires qui vous ont posé le plus de problèmes cette saison ? 
Boulogne : on les a bien joués chez eux, on menait à la mi-temps puis ils ont égalisé, c’était un match ouvert (1-1, le 27 septembre). On aurait mérité un peu mieux, mais au retour à Picot, ils ont été très efficaces (0-2, le 28 février). C’est l’équipe qui nous a le plus dérangés. Si je dois en choisir une autre, c’est Dijon. Ils nous ont battus à Picot à l’aller (0-1, le 20 septembre) car on avait du mal à créer le danger. Mais au retour, malgré qu’ils nous aient mis un pressing énorme, on a très bien résisté et on a fini par gagner (1-0, le 21 février). Paradoxalement, on était bien contre Le Mans, on les bat chez eux 4-0 et 2-0 au retour.  

Rouen, c’est le premier match (2-2, le 16 août) avec tout ce que ça signifie. Eux, ils ont eu une intersaison assez compliquée, nous on partait d’une feuille blanche. Et le dernier match à Nancy, on joue pour rien et on refait nul (1-1, le 16 mai). Contre Paris 13, ils nous battent à Picot (1-2, le 8 novembre) contre le cours du jeu, et au retour, sur leur terrain qui est difficile, c’est un synthétique, on mène et on se fait remonter (2-2, le 4 avril). Paris, ça a été une équipe compliquée à gérer !

« Quand on recrute un joueur, on recrute d’abord un homme. »

Pablo Correa

On parle beaucoup de l’importance de la data, notamment pour le recrutement, mais est-ce qu’en National, le côté humain, les qualités humaines du joueur, ne sont pas plus importantes ?
Tout à fait. Et ce n’est pas spécifique au National ! J’ai plus d’expérience en championnat professionnel, en L1 et L2, mais je sais que quand on recrute un joueur, on recrute d’abord un homme. Il faut faire attention. Surtout dans un club comme Nancy dans lequel vous devez vous appuyer d’autant plus sur le collectif que vous n’avez pas les individualités qui feront la différence à chaque fois. Il peut y en avoir des plus techniques, d’autres plus physiques, mais il faut baser ça sur le collectif. Il faut bien regarder l’homme derrière le joueur. Il n’y a aucune data qui peut faire ça, malheureusement. Ou heureusement !


Le stade Marcel-Picot a accueilli 18 059 spectateurs vendredi dernier, son record de la saison (photo Maxime FOURNIER / FFF). 

Vous avez affirmé ne pas vouloir jouer de match nul, et effectivement Nancy est le champion qui en a fait le moins dans l’histoire du National. Finalement, c’était un choix risqué, mais payant ?
Dans mes observations, j’ai remarqué que, particulièrement en National, c’est le nombre de victoires qui fait le classement général (Nancy a gagné vingt fois sur trente-deux, soit 62 % des matches). En National, on peut perdre plus de matches qu’en Ligue 2, si on en gagne suffisamment, ça passe. J’ai expliqué ça dès le 8 juillet 2024, le jour de la reprise, six semaines avant de reprendre le championnat. J’ai commencé la saison par un discours sur l’importance du groupe, et j’ai dit aussi que j’accepterai qu’en prenant le risque de gagner le match, on se prenne un contre et qu’on perde.

À la différence de la L1 ou de la L2, en National, on voit beaucoup plus d’erreurs dans le dernier quart d’heure. Mon équipe devait résister à la fatigue, rester concentrée jusqu’au bout, mais surtout, elle devait avoir envie d’aller chercher ce but qui peut nous donner la victoire. C’était un pari, il n’y a rien d’exceptionnel : il s’agit juste d’accepter le déséquilibre, et l’adversaire peut nous surprendre. On a gagné beaucoup de points dans le dernier quart d’heure. On a su tirer parti de l’état de forme de l’adversaire à ce moment du match. 

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Le nombre de saisons passées en L2 par Nancy depuis 1967, soit 928 matches. Dont 208 avec Pablo Correa comme coach.

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L’affluence moyenne au stade Marcel-Picot cette saison, la plus élevée du National.

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Le nombre de joueurs utilisés cette saison par Pablo Correa en National. Dont 9 au moins 30 fois.

 

Vous avez dit récemment que le recrutement serait moins important en nombre que l’été dernier. Avez-vous déjà défini les postes à renforcer ?
Oui. La projection de la saison prochaine est faite depuis fin mars. Pas parce qu’on se voyait déjà en L2, mais parce qu’on a fait deux projections, une pour le National et une autre pour la L2. On ne peut pas attendre la dernière semaine de la saison pour s’en occuper ! On a défini les profils de joueurs dont on a besoin. Après, le marché n’a pas encore démarré. Mais nous sommes au travail, surtout que depuis trois semaines on était sûrs de monter. Et l’an dernier, on avait préparé cette saison en changeant plus de la moitié du groupe, en prenant des joueurs qui puissent nous accompagner en L2. 

L’objectif à moyen terme est-il de stabiliser le club en L2, ou de jouer rapidement la montée en L1 ?
C’est très difficile de passer du National à la L1 rapidement. En L2, les quatre équipes qui ont disputé le championnat avaient les trois plus gros budgets, à part Dunkerque, qui a créé la surprise. En L1, les six plus grands budgets sont en haut. Chez les pros, il y a beaucoup moins de surprises. Il faudra d’abord entrer dans ce championnat de L2 par le bas, il va falloir beaucoup d’humilité, et avancer par étapes, en profitant de notre bonne dynamique qui peut nous donner des résultats. Je ne dis pas qu’on va jouer la montée, mais il faudra toujours regarder vers le haut. 

« J’aimerais bien revenir à la mairie pour fêter un titre. »

Pablo Correa

Vous avez dit samedi, place Stanislas, que vous ferez tout pour revenir au même endroit pour fêter un autre grand moment de l’histoire du club. Une autre montée ? 
Quand je suis revenu à Nancy en novembre 2002, trois ans après on était en Ligue 1, et on a gagné la Coupe de la Ligue (en 2006 contre Nice). Si j’avais dit « fin 2002, ne vous inquiétez pas, on y sera dans trois ans, et on sera européen », on m’aurait pris pour un fou. Je n’ai plus le même âge, et je sais que dans le football, ça va aussi vite vers le haut que vers le bas, et surtout il ne faut pas se mettre de limites. Je ne m’aventurerai pas à donner de date, mais j’aimerais bien revenir à la mairie pour fêter un titre. »


Les Nancéiens portaient un maillot floqué « champion » et ont eu droit à une haie d’honneur à leur entrée sur le terrain (photo Maxime FOURNIER / FFF).