Perturbé par les conséquences de sa chute d’entrée de match, le Français a longtemps paru devoir perdre face au Bolivien Hugo Dellien, avant de renaître de ses cendres pour s’imposer en cinq sets.

Une 12e victoire en cinq sets à Roland-Garros. A 38 ans, inoxydable, Gaël Monfils a écrit une nouvelle page de sa légende ce mardi en remontant un retard de deux manches pour se qualifier (4-6, 3-6, 6-1, 7-6, 6-1). Alors certes, il ne s’agissait que d’un 1er tour, face à un adversaire qui n’avait rien d’une terreur, bien au contraire, et au terme d’un match où le niveau de jeu a (très) rarement atteint des sommets. Mais en même temps, c’est la «Monf’», dont le charisme emporte tout et suffit à créer de la magie là où, en temps normal, il n’y en aurait pas.

2005 et 2020. En 17 participations jusqu’à présent à Roland-Garros, Gaël Monfils n’avait connu la défaite d’entrée qu’à deux reprises : lors de sa grande première Porte d’Auteuil, quand il n’avait que 19 ans et qu’il s’était fait cueillir par le redoutable terrien Guillermo Canas (3-6, 1-6, 0-6), et donc en 2020, en plein période Covid lorsque le tournoi fut décalé en septembre et que le Français y perdit tous ses repères face au fantasque Alexander Bublik (4-6, 5-7, 6-3, 3-6). Autrement dit, pour le voir perdre précocement sur sa terre battue parisienne adorée, il faut obligatoirement des conditions très particulières, et des circonstances atténuantes. Malheureusement pour lui, l’inattendu est survenu ce mardi soir face à Hugo Dellien…

Un Bolivien qui lui-même, du haut de ses 31 ans et de sa carrière sans relief – son meilleur classement ATP demeurant une 74e place en 2019 -, ne s’attendait pas à être à pareille fête. Mais la glorieuse incertitude du sport a encore frappé. Au sens propre, et non figuré, lorsque Gaël Monfils, emporté par son élan tout autant que sa fougue, glissa après un coup droit en bout de course et vint percuter assez violemment la pancarte publicitaire jouxtant le court du Philippe Chatrier. Le match venait à peine de commencer, le Français disposait de deux balles de break dès le premier jeu et, déjà, le public retenait son souffle. Longtemps soigné à terre, puis sur sa chaise, le joueur de 38 ans repartait finalement au combat. Mais en mode mineur puisqu’il laissait filer l’occasion de breaker, avant de perdre les trois premiers jeux de la rencontre, truffés de fautes directes de sa part. Pas le genre le scénario post-accident espéré…

Derrière, le Parisien parvenait bien à se remettre la tête à l’endroit pour revenir sur les talons de son adversaire, au grand bonheur d’une assistance transie d’amour. Mais alors qu’il servait pour égaliser à 5-5, la «Monf’» commettait une terrible double faute sur une balle de set pour le Bolivien, qui n’en demandait pas tant (4-6). Néanmoins, sur sa lancée, le Français breakait pour débuter la deuxième manche (2-0). Le début de sa renaissance ? Pas exactement, étant donné qu’il perdait six des sept jeux suivants face à un Hugo Dellien plus solide que réellement inspiré (3-6). Lesté de deux sets de retard, Gaël Monfils, fidèle à sa légende de guerrier des courts, n’abdiquait pas pour autant.

Le court Philippe Chatrier en ébullition

En bon adepte de la remontada, le Français a alors pris sa raquette de pèlerin pour enflammer le public et survoler un troisième set à sens unique (6-1). D’autant qu’en face de lui, Hugo Dellien, auteur de 17 fautes directes en sept jeux, faisait soudain bien son classement actuel, à savoir 90e mondial (6-1). D’une certaine manière, Gaël Monfils n’avait eu qu’à se baisser pour saisir l’offrande. Le visage apaisé, armé de l’expérience de toutes ses batailles en cinq sets, le Français sentait alors l’odeur du sang face à un Sud-Américain qui n’en menait pas large. En requin de la surface ocre, il jaillissait sur sa proie avec un nouveau break quasi d’entrée de quatrième set (3-1). Et quand dans la foulée le navire tanguait, le 42e mondial pouvait s’appuyer sur la puissance de son service pour garder le cap (4-2, puis 5-3).

Il va falloir récupérer avant d’affronter Draper

Sauf qu’à 5-4, à force d’être sur la corde raide sur son engagement, la «Monf’» finissait par se faire surprendre et se retrouver embarqué dans un périlleux jeu décisif. Qu’au grand soulagement du public, il survolait (7 points à 4), direction son royaume : le 5e set. Un territoire sacré où, décemment, il ne pouvait plus perdre. Et histoire d’en faire la démonstration, il breakait d’entrée en incitant du geste un lob de son adversaire à être trop long (2-0). De quoi galvaniser la foule et faire le show. Ne manquait plus qu’un dernier jeu de dix minutes pour ajouter une ultime touche de dramaturgie, et un double break dans l’escarcelle du Français (4-0). Cette fois, la messe était dite pour Dellien, vaincu par un mythe au bout d’un peu plus de 3h30 de jeu (6-1). Qui, au prochain tour, aura fort à faire face au 5e mondial, le Britannique Jack Draper.