Le tennis n’est pas toujours une question de chiffres ou de statistiques, de pourcentage de premières balles, de balles de break converties ou de fautes directes. En tout cas, quand Gaël Monfils est sur le court à Roland-Garros, c’est d’abord le cœur qui dicte et la bon sens qui se crashe. Le Français avait toutes les raisons du monde de s’arrêter au premier tour ce mardi.
Après quatre points contre Hugo Dellien, il filait dans le décor, s’ouvrait la main et tapait son genou. « A 15-40 au premier jeu, le match était fini, a-t-il rappelé 3 heures et 36 minutes plus tard. Honnêtement, je me suis fait vraiment peur. Je me suis fais mal aux mains, c’était un gros choc. Je suis un peu tombé sur mon genou. »
La chute de Monfils lors du 1er tour à Roland-Garros
Crédit: Getty Images
Ce ne sont pas des situations que j’aime et encore moins maintenant
Patraque, il a perdu les deux premiers sets avant de convoquer son double, La Monf’, celui qui n’a peur ni du vertige ni de l’odeur de la poudre. Au final, il a encore imposé sa loi (4-6, 3-6, 6-1, 7-6, 6-1). C’est à croire qu’il aime les situations désespérées et pourtant, il jure le contraire. « Ce ne sont pas des situations que j’aime et encore moins maintenant », a-t-il répondu en conférence de presse, un brin vexé qu’on ait pu soumettre l’idée qu’il devait, désormais, démarrer tous ses matches ici avec deux sets de retard.
C’est que le bougre est un spécialiste. Ce mardi, il a signé son 12e succès en cinq sets à Roland-Garros, un record. Où classe-t-il le dernier-né ? « Il est bien mais il est pas…, s’est-il marré. Cuevas (ndlr : victoire en 5 sets en 2015) incroyable, James Blake sur le numéro 1 (ndlr : 8e de finale en cinq sets en 2008) avec un passing exceptionnel, Norman 9-7 sur le Suzanne (victoire en 5 sets en 2006)… Y’en a des fous. Lui était bien mais pas… »
La foi et le point qui change tout
Mais alors comment fait-il pour s’extraire de ses situations désespérées, lui qui, désormais, détient seul le record de victoires en cinq sets à Roland-Garros (12) ? Monfils a bien du mal à se l’expliquer peut-être parce qu’il y a quelque chose d’irrationel dans la multiplication de ces scenarios sans queue ni tête. « La foi en moi-même, la foi en ma capacité à trouver une solution même quand je suis tout en bas », voilà une partie du secret.
La foi et ce talent pour faire basculer le match de son côté au moment critique. Mardi, ce fut lors du tie-break du quatrième set à 2-2 : « C’est vraiment magique. Il y a toujours un point qui fait la différence, explique-t-il. Aujourd’hui, c’est ce passing. Je pense que je perds le point mais je mets une praline. C’est osé. Je pose une question au public, ça répond tout de suite. C’est du mentalisme. Bon, il y a beaucoup de réussite en vrai. »
La night taillée pour lui
Ce public, extatique, dont il s’est nourri pour recharger ses batteries, pour pousser plus loin, plus fort, a lui aussi joué un rôle central. Gaël Monfils est le genre de joueur né pour les night sessions. Ces combats au bout de la nuit faits pour les braves. « J’adore la night, je trouve ça fabuleux, à chaque fois. J’essaie de bien rendre à Amélie (ndlr : Mauresmo, directrice du tournoi) cette chance. » Jeudi, c’est Jack Draper qui l’affrontera au 2e tour pour une nouvelle empoignade dans la nuit parisienne ?
Il en rêve : « Je pense que j’y serai mais ça dépend comment je me sens demain, prévient-il. C’est un moment privilégié mais il ne faut pas abuser. Si je me sens hésitant, que je ne peux pas assurer le combat, je le dirais à Amélie. Mais là, je me sens plutôt bien. » Même si les jambes sont en panne, il lui restera le cœur. Avec lui, ça peut suffire.