Derrière ses eaux tranquilles, la Seine joue un rôle majeur dans la vie des Français, et plus précisément des plus de 18 millions de personnes qui résident dans son bassin. Elle a un impact direct sur la disponibilité en eau potable, l’activité économique, l’agriculture et la biodiversité. Pour rappel, ce « petit » fleuve coule à travers 28 départements et 6 régions. Dont l’Île-de-France. Ce vaste territoire, fortement urbanisé et marqué par une activité agricole et industrielle dense, explique la pression quotidienne que l’activité humaine exerce sur le cours d’eau. L’estuaire de la Seine reçoit les rejets de 30 % de la population française (2 500 stations d’épuration sont échelonnées sur son trajet), de 40 % de l’industrie nationale et les pollutions diffuses de 25 % de l’agriculture française.

Concernant l’eau potable, 60 % de celle-ci provient des nappes souterraines, le reste provenant des fleuves et rivières. Vu les enjeux, le fleuve est scruté à la loupe par les différents organismes en charge de sa gestion (et il y en a beaucoup !). Jusqu’à aujourd’hui, sa gestion semble plutôt avoir été efficace et sa qualité, plutôt satisfaisante. L’une des meilleures preuves en est la tenue des épreuves de nage libre dans la Seine lors des Jeux olympiques de Paris 2024. Pour cela, de nombreux investissements ont été faits pour garantir une certaine qualité de l’eau — des investissements qui devraient la rendre pérenne, tout du moins pour le moment.

L’assainissement, un enjeu majeur

Parmi les solutions envisagées pour s’adapter à la baisse du débit de la Seine, l’ajustement des volumes d’eaux usées traitées rejetés dans le fleuve pourrait être envisagé, à condition que ces rejets soient de qualité optimale. En Normandie, c’est la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer) qui fait office de gendarme de l’eau : « On s’assure que les traitements sont réglementaires », explique Alexandre Herment, chef du service Transition ressources et milieu. « L’eau est soit rejetée dans la Seine, soit dans des zones d’infiltration », selon la localisation de la station d’épuration. De nouvelles directives européennes devraient rehausser les exigences en la matière dès fin 2026. Benoit Laignel, co-président du Giec normand, complète, « cette eau n’est jamais dépourvue d’éléments chimiques. C’est une eau épurée mais pas propre. » Si elle est rejetée dans la Seine où le débit est satisfaisant, « oui, c’est bien pour la quantité. Mais si le débit est insuffisant pour permettre une dilution de la pollution, c’est non. Il faut trouver le bon équilibre. » Antoine Colin, adjoint à la Direction territoriale et maritime Seine Aval de l’Agence de l’eau Seine-Normandie, confirme « les stations abattent la majorité des pollutions mais il reste des résidus. »
Pour une meilleure qualité de l’eau traitée, « il faudrait arriver à séparer correctement l’eau de l’assainissement des eaux pluviales », plaide la DDTM. Celles-ci provoquant un engorgement de la station lorsqu’elles sont trop abondantes.

Une solution serait de réutiliser les eaux des stations d’épuration pour des usages spécifiques. « Il faut éveiller les états d’esprit, prône le responsable à la DDTM. Pour cela, il faut qualifier les normes [de qualité] par usage. Par exemple, ce ne sont pas les mêmes si on arrose en pluie ou en pulvérisant. Il faut également réfléchir au réseau de collecte de ces eaux. » Ce dispositif aurait le mérite de réduire les captages dans les nappes. « On propose un accompagnement pour l’aide à la décision des collectivités locales », rappelle Antoine Colin. Mais les projets semblent trop lourds financièrement pour les petites collectivités. Puis, « il faut un usage stable et régulier sur l’ensemble de l’année. » Pour l’heure, aucun dossier dans ce sens n’est sur le bureau du « financeur. » L’accent étant davantage mis sur la récupération des eaux pluviales.

L’eau en toute sobriété

Le Plan eau de l’État prône la sobriété, ce qui permettrait entre autres de préserver quelque peu le débit de la Seine. D’ici à 2030, en Normandie, il prévoit une baisse de 14 % des captages d’eau potable, 4 % pour l’industrie et 0 % pour l’agriculture. Une décision politique. Les efforts reposeront en premier lieu sur les collectivités et les consommateurs. Dans le viseur, l’optimisation des réseaux d’eau potable. « Dans les pires cas, 50 % de l’eau est perdue mais on en a très peu en Normandie, précise Antoine Colin. L’idéal serait d’avoir un rendement de 70 % en milieu rural. On est beaucoup plus exigeant en milieu urbain. » Du côté de la DDTM, on pense également « au traitement des eaux du robinet. On a une perte d’environ 10 %, ce n’est pas négligeable. » La revégétalisation des sols permet également une infiltration des eaux de pluie.
Beaucoup d’idées mais le nerf de la guerre reste l’argent. Qui pour financer les aménagements et les innovations ?