Il y a quelques mois, la Russie a annoncé consacrer désormais 116 milliards d’euros à la Défense nationale, soit plus d’un tiers de son budget 2025. Le budget militaire des États-Unis était de 873 milliards d’euros en 2023. De leur côté, les pays de l’Union Européenne ont alloué 326 milliards d’euros au même domaine en 2024.

Si aujourd’hui chaque État est souverain dans son armement, la Commission européenne a annoncé le 20 mars prêter 150 milliards d’euros pour des achats groupés, à condition qu’ils contiennent au moins 65 % de composants européens. L’idée est d’allier réarmement et croissance économique, et de progresser vers l’indépendance européenne dans la Défense.

Mais la tâche pourrait s’avérer plus ardue que prévu, note Bloomberg. Ainsi, l’Europe affronte aujourd’hui un paradoxe inquiétant : alors que la demande en munitions, boostée par la guerre en Ukraine, explose, les usines tournent à plein régime. Mais elles ne produisent pas assez de propulseurs ni d’explosifs pour couvrir les besoins internes croissants, d’autant qu’une partie des stocks européens a été allouée au soutien global à l’armée ukrainienne, estimé à 49,3 milliards d’euros.

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La dépendance au coton venu de Chine

Des goulets d’étranglement menacent toute la chaîne industrielle, et le continent compte très peu de producteurs de TNT, et encore moins de matières premières comme l’acide nitrique ou les linters de coton, nécessaires pour la fabrication de la nitrocellulose, ou « coton-poudre ». Ironie du sort, le coton de haute qualité importé en Europe provient quasi exclusivement de Chine, principal fournisseur mondial… et allié stratégique de Moscou.

Une dépendance qu’il devient urgent d’abréger. Mais les alternatives, comme les explosifs PETN, HMX ou RDX, produits notamment en Norvège, sont également sous tension. Les capacités sont saturées et les carnets de commandes remplis pour plusieurs années, selon des sources industrielles à Bloomberg. L’Allemagne, la Pologne, les Pays-Bas ou la Belgique disposent d’une base chimique solide, mais ne peuvent répondre seuls à la demande.

Une réforme structurelle nécessaire

Face à l’urgence, la Commission européenne a lancé mi-mars le plan ASAP (Acte de soutien à la production de munitions), injectant 500 millions d’euros pour stimuler la production de munitions. L’objectif affiché : atteindre 2 millions d’obus produits par an d’ici 2025, contre 1,4 million en 2024.

Mais, rappelle Bloomberg, ces sommes restent insuffisantes si la dépendance aux matières premières non-européennes reste aussi large, et que le cadre réglementaire reste aussi contraignant. Et le défi est aussi industriel. Des pans entiers de l’industrie chimique européenne – plastiques, peintures, etc. – utilisent de la nitrocellulose de qualité civile. Mais adapter ces lignes de production à un usage militaire est techniquement complexe et juridiquement encadré. Le défi reste entier.

Article initialement publié le 24 mars.