Par

Laurent Fortin

Publié le

27 mai 2025 à 18h39

Alors que la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de Loire-Atlantique avait pourtant orienté le fils de ce couple en IME dès le 1er juin 2018 pour la période 2018-2023, le petit garçon avait en effet dû attendre septembre 2020 pour intégrer l’IME du Cenro à Vertou.

Entre-temps, le jeune avait été « scolarisé en milieu ordinaire en grande section de maternelle et accompagné par une assistante de vie scolaire (AVS) pendant quinze heures par semaine », relate le tribunal administratif de Nantes dans un jugement qui vient d’être rendu public. Il souffre pourtant du syndrome de Dravet (SD), une « forme rare et grave d’épilepsie », mais aussi de « troubles autistiques » et d’une « déficience intellectuelle importante ».

Faute de « place disponible », l’enfant avait ainsi été placé sur « liste d’attente » d’une dizaine d’établissements. Ses parents avaient alors saisi le tribunal administratif de Nantes : ils réclamaient près de 233 000 € de dédommagements à l’Agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire en « réparation » des « préjudices » de leur famille.

La « prodigieuse mauvaise foi » de l’ARS

Ce n’est pas la seule famille dans cette situation, de nombreux autres parents sont dans le même cas de figure.

Leur avocat lors de l’audience publique.

Il manque 10 000 places en IME en France… Avec cette carence systémique, l’État fait des économies sur le dos des enfants de l’ordre de 40 000 € par an par rapport au coût annuel d’une prise en charge en IME, soit 120 000 € sur trois ans. Il a donc tout intérêt à ne pas ouvrir de places en IME puisqu’il gagne de l’argent.

Emmanuel Cheneval.

L’avocat de la famille avait rappelé à cette occasion le « rôle majeur » des juridictions administratives pour faire respecter les « politiques publiques » en matière de scolarisation des enfants handicapés.

Tout pendant que l’État ne sera pas davantage condamné, il continuera ainsi. Il ne s’agit donc pas de battre monnaie – cela ne va pas changer le quotidien de mes clients et le handicap de leur fils – mais de sanctionner la prodigieuse mauvaise foi de l’Agence régionale de santé dans ce dossier.l leur a d’ailleurs fallu un courage énorme et une énergie colossale pour mener à bien cette procédure. Et étrangement, c’est quand ils ont fait une demande d’expertise que l’ARS – bim ! – leur a trouvé une place en IME.

Emmanuel Cheneval qui en est convaincu

Ces parents établissent leurs multiples démarches destinées à trouver un lieu d’accueil pour leur fils, en produisant notamment les courriers de réponse que leur ont adressés au moins neuf IME. Ils produisent également les courriers qu’ils ont envoyés à différents acteurs politiques et administratifs intervenant à l’échelle départementale et nationale.

Le tribunal administratif de Nantes dans son jugement.

Un « fort sentiment d’impuissance »

Cette absence de prise en charge a eu des répercussions sur la qualité de vue des parents et frère et sœur du jeune et, par conséquent, sur celle de l’intéressé. Il ne résulte toutefois pas que l’absence de prise en charge de cet enfant en IME se serait traduite par une perte de chance (ndlr. de voir son état de santé évoluer favorablement) en dépit des éléments mettant au jour les progrès réalisés à la suite de sa prise en charge au sein d’un IME.

Les juges nantais. 

En revanche, sa mère – praticienne hospitalière au CHU de Nantes – a « subi un épuisement moral lié à l’incertitude quant à l’accueil de son fils, aux démarches réalisées et aux nombreux refus rencontrés ».

Madame a subi une fatigue intense en lien avec des démarches et la frustration liées à l’absence de prise en charge

Le tribunal.

Alors qu’elle s’était mise à temps partiel à 60 % avant la décision de la CDAPH, elle n’avait pu repasser à 80 % qu’une fois son fils pris en charge à l’IME de Vertou.

Le père a souffert d’anxiété. Il a connu un fort sentiment d’impuissance face à l’absence de placement de son fils et a participé à compenser l’absence de prise en charge au sein d’un IME.

Le tribunal administratif de Nantes.

Le frère et la sœur du jeune garçon ont aussi « exprimé de manière différente » leurs propres « préjudices » : ils sont « liés à l’absence de disponibilité des parents et la situation de tension et d’angoisse familiale ».

Tout compte fait, l’État a donc été condamné à verser 8 000 € au petit garçon, 7 500 € à sa sœur, 4 000 € à son frère, 33 000 € à sa mère et 7 500 € à son père. L’administration devra aussi prendre à sa charge les 5 700 € d’honoraires de l’expert et rajouter 2 000 € supplémentaires, cette fois-ci pour les frais de justice de la famille.

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