Une part croissante de la population concernée

Selon cette enquête, près d’un Français sur trois a déclaré avoir renoncé à au moins un soin au cours des 12 derniers mois, que ce soit une consultation médicale, un examen, des soins dentaires ou ophtalmologiques. Parmi eux, plus d’un quart évoque des délais d’attente trop longs, et près d’un sur cinq cite le coût des soins ou des dépassements d’honoraires comme principal obstacle.

Le phénomène n’épargne aucune tranche d’âge, mais touche davantage les jeunes adultes, les familles précaires, les retraités modestes et les habitants de zones rurales ou périurbaines. Ce sont les soins dentaires, les consultations de spécialistes (ophtalmologistes, dermatologues, gynécologues) et les examens radiologiques qui sont le plus souvent abandonnés.

Délais, désertification et barrières financières

Parmi les causes identifiées, trois tendances se détachent nettement :

  • Les délais d’attente, parfois de plusieurs mois, pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste ou un médecin généraliste dans certaines zones.
  • La désertification médicale, qui rend l’accès à un professionnel de santé tout simplement impossible dans certaines régions, faute de praticiens disponibles.
  • Le coût des soins, en hausse, avec des dépassements d’honoraires de plus en plus fréquents et un reste à charge non négligeable, même avec une complémentaire santé.

La situation est d’autant plus préoccupante que les personnes concernées ne renoncent pas à des soins de confort, mais à des soins essentiels : traitements dentaires, consultations pour douleurs chroniques, suivi de pathologies connues.

Un impact sanitaire et social mesurable

Les conséquences de ces renoncements ne se limitent pas à l’individu. Elles pèsent à long terme sur l’ensemble du système de santé. Des maladies non prises en charge à temps peuvent s’aggraver, nécessiter des soins plus lourds, ou entraîner des hospitalisations évitables.

Sur le plan social, le renoncement aux soins renforce les inégalités de santé, déjà marquées par le niveau d’étude, de revenus ou la zone de résidence. Ce cercle vicieux alimente la défiance envers le système de soins et pousse certains à se tourner vers des solutions alternatives ou à l’automédication, avec les risques que cela comporte.

Principales causes du renoncement aux soins en France (enquête Insee/Drees – 2025)

Cause évoquée
Part des personnes concernées (%)
Exemples typiques
Délais trop longs 27 % Rendez-vous ophtalmologique dans 4 mois Coût trop élevé / dépassements 19 % Couronne dentaire à 450 €, non remboursée Pas de professionnel disponible 15 % Absence de gynécologue dans un rayon de 50 km Difficulté de transport ou de mobilité 11 % Personne âgée sans moyen de transport Motifs personnels (emploi, enfants…) 10 % Impossibilité de se libérer pour une consultation Appréhension, crainte du diagnostic 6 % Symptômes ignorés volontairement par peur d’une mauvaise nouvelle Autres / refus de soin volontaire 12 % Conviction personnelle, expérience négative passée

Des mesures insuffisantes face à une crise silencieuse

Face à ce constat, des mesures ont été engagées, comme le développement des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), le déploiement de la téléconsultation, ou la revalorisation de certains actes médicaux. Mais les résultats restent encore limités, surtout dans les zones rurales ou les banlieues défavorisées.

Le gouvernement a également lancé une concertation sur les tarifs de consultations chez les spécialistes, dans l’espoir de contenir les dépassements. Mais sans régulation ferme, la fracture territoriale et sociale dans l’accès aux soins continue de s’élargir.

Une priorité sanitaire et sociale pour les années à venir

Le renoncement aux soins ne peut plus être considéré comme une fatalité ou une variable d’ajustement du système. Il doit être reconnu comme un problème de santé publique à part entière, avec des conséquences concrètes sur la santé physique, mentale et financière de millions de Français.

Garantir un accès effectif aux soins — au bon moment, à un prix abordable, et dans un délai raisonnable — devrait être une priorité nationale, au même titre que la lutte contre les déserts médicaux ou la prévention des maladies chroniques.