Un médecin généraliste prescrivant un traitement anti obésité à son patient.Pour les spécialistes, le traitement anti-obésité ne doit pas être perçu comme une solution miracle, mais comme l’un des outils d’une thérapie complète. © Ma Santé

En France, plus de 17 % des adultes souffrent d’obésité, selon les derniers chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), soit environ 8,6 millions de personnes.

Les traitements médicamenteux contre l’obésité se sont multipliés ces dernières années, mais leur accès reste limité. C’est la raison pour laquelle le gouvernement envisage d’autoriser les médecins généralistes à prescrire des médicaments comme le Wegovy ou le Mounjaro, jusqu’alors réservés aux endocrinologues et diabétologues.

Cette mesure s’inscrirait dans le futur plan national de lutte contre l’obésité, qui doit entrée en vigueur à la rentrée 2025.

Un tournant dans la prise en charge médicale de l’obésité Une pathologie chronique longtemps sous-estimée

Considérée à tort comme un simple problème de volonté ou de mode de vie, l’obésité est désormais reconnue par l’OMS comme une maladie chronique complexe. Elle résulte d’une combinaison de facteurs génétiques, hormonaux, psychologiques et environnementaux. Elle augmente significativement le risque de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires, de certains cancers et de troubles musculo-squelettiques.

En France, selon une enquête de Santé publique France menée en 2023, l’obésité concerne 17 % de la population adulte, et touche déjà près de 6 % des enfants de 6 à 17 ans. Le nombre de personnes atteintes ne cesse d’augmenter : il a doublé en quarante ans. Et les inégalités sociales pèsent lourd : les populations les plus modestes sont les plus exposées, en raison d’un accès plus difficile à une alimentation équilibrée et à des soins spécialisés.

Un accès limité aux traitements pharmacologiques

Jusqu’à présent, la prescription de médicaments anti-obésité, comme le Wegovy (sémaglutide) ou le Mounjaro (tirzépatide), est strictement encadrée. Seuls certains spécialistes hospitaliers peuvent les prescrire, après un parcours de soins complexe. Une situation qui exclut de fait une grande partie des patients.

Le Wegovy, commercialisé par Novo Nordisk, a été autorisé en France en 2023 pour les personnes souffrant d’obésité (IMC ≥ 30) ou de surpoids avec comorbidités. Il agit en réduisant l’appétit via une action hormonale. Quant au Mounjaro, développé par Eli Lilly, il a montré des résultats spectaculaires, avec une perte de poids moyenne de 20 % en un an dans certaines études cliniques.

Une mesure phare du futur plan obésité Étendre la prescription aux médecins généralistes : une décision stratégique

Le ministère de la Santé envisage d’inclure l’extension de la prescription aux généralistes dans le futur plan national de lutte contre l’obésité, qui sera présenté à l’automne 2025. Une décision motivée par la volonté d’améliorer l’accès aux soins, de désengorger les services spécialisés et de répondre à une demande croissante.

Cette mesure permettrait à des milliers de patients, notamment en zones rurales ou dans les déserts médicaux, d’accéder plus facilement à ces traitements. « On ne peut plus laisser des traitements efficaces réservés à une minorité », affirme une source proche du cabinet du ministre, citée par Actu.fr. Pour autant, cette réforme sera accompagnée d’un encadrement strict, pour éviter les dérives.

Des critères d’éligibilité précis et un accompagnement obligatoire

Le recours à ces médicaments ne pourra se faire qu’après un diagnostic clair, fondé sur l’indice de masse corporelle (IMC) et la présence éventuelle de comorbidités (diabète, hypertension, apnée du sommeil…). Une formation spécifique pourrait être proposée aux médecins généralistes, afin de garantir une prescription responsable.

Par ailleurs, la prescription ne sera pas dissociée d’un suivi nutritionnel et psychologique. Les médicaments, en effet, ne doivent être prescrits que dans le cadre d’une prise en charge globale.

Espoirs pour les patients, prudence chez les professionnels Un outil thérapeutique puissant mais pas sans risques

Les résultats cliniques des médicaments comme le Wegovy ou le Mounjaro sont indéniables. Dans une étude publiée en 2022 dans The New England Journal of Medicine, les patients traités avec du tirzépatide ont perdu en moyenne 21 % de leur poids initial en 72 semaines. Des chiffres qui dépassent largement ceux des approches classiques (diététique, activité physique seule).

Mais ces traitements comportent aussi des effets secondaires : nausées, troubles gastro-intestinaux, pancréatites, et dans de rares cas, troubles de la vésicule biliaire. Leur coût élevé (plusieurs centaines d’euros par mois) est un autre frein potentiel à leur généralisation, d’autant plus que leur remboursement par l’Assurance maladie reste conditionnel.

Une vigilance face au risque de mésusage

Avec une ouverture plus large de la prescription, certains professionnels de santé redoutent une banalisation du médicament comme solution « facile ». Le Collectif national des associations d’obèses (CNAO) alerte sur le fait que ces médicaments ne doivent pas être considérés comme des remèdes miracles, susceptibles de se substituer à des thérapies complètes et personnalisées.

Le ministère prévoit donc une campagne d’information à destination du public et des professionnels, pour éviter les prescriptions de confort et renforcer l’éducation thérapeutique.

Une réforme ambitieuse dans un contexte de santé publique préoccupant Une réponse nécessaire à une crise silencieuse

Avec près de 1 milliard de personnes en situation d’obésité dans le monde selon l’OMS, et une prévision de 25 millions de personnes concernées en France d’ici 2030 (surpoids compris), le système de santé doit évoluer pour faire face. La reconnaissance de l’obésité comme une pathologie chronique à part entière, nécessitant des soins médicaux spécifiques, marque un changement de paradigme.

Cette réforme visant à élargir l’accès aux médicaments s’inscrit dans une logique de prévention secondaire : limiter les complications, améliorer la qualité de vie, et réduire les coûts à long terme. Elle pourrait aussi contribuer à lever un tabou encore fort autour de l’obésité, souvent stigmatisée.

Vers une démocratisation des soins en médecine de ville

Donner aux généralistes la possibilité de prescrire ces traitements, c’est aussi reconnaître leur rôle central dans la prise en charge des maladies chroniques. Ils sont souvent le premier point de contact des patients, et les plus à même d’instaurer un suivi régulier.

Si elle est bien encadrée, cette mesure pourrait améliorer considérablement l’efficacité du parcours de soins en matière d’obésité. Reste à garantir l’accès équitable aux traitements, une formation adéquate des médecins, et une communication claire auprès des patients.

La possibilité pour les médecins généralistes de prescrire des médicaments contre l’obésité représente donc bel et bien une avancée majeure dans la lutte contre cette épidémie silencieuse. En facilitant l’accès à des traitements efficaces comme le Wegovy ou le Mounjaro, le gouvernement envoie un signal fort : l’obésité est une maladie, et elle mérite des réponses à la hauteur. Mais cette ouverture devra s’accompagner d’un encadrement rigoureux, pour garantir un usage pertinent, sûr et éthique…

À SAVOIR

En France, la reconnaissance de l’obésité comme une maladie chronique a mis du temps à aboutir. Perçue comme un simple problème de comportement alimentaire, elle a longtemps été marginalisée dans les politiques de santé. À partir des années 2000, les autorités sanitaires, sous l’impulsion de l’OMS, ont commencé à la considérer comme une pathologie à part entière. En 2011, le Plan obésité national a marqué une première étape vers une prise en charge globale. Aujourd’hui, cette reconnaissance s’affirme, avec un nouvel élan prévu dans le plan anti-obésité 2025, axé sur la prévention, les soins et la réduction des inégalités d’accès.

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