À l’aube de ses quatre siècles d’histoire, la deuxième ville du Canada s’est développée au gré d’une juxtaposition de styles architecturaux. Un heureux éclectisme qui s’est imposé comme sa marque de fabrique.
Dans le contexte géopolitique actuel, il est plus que bienvenu de déclarer que Montréal est la plus européenne des villes d’Amérique du Nord. En parcourant le tissu urbain déployé autour du mont Royal – qui donna son nom à celle baptisée au départ Ville-Marie –, on prend conscience de cet esprit du « Vieux Continent » qui rythme encore sa physionomie. Cohabitent ainsi un mélange d’architectures vernaculaires et de style second Empire hérités des Français, le néogothique cher aux Anglais, l’Art déco et le brutalisme, là encore importés d’Europe, ou bien le style international, développé par les tenants du Bauhaus exilés, comme Mies van der Rohe qui y signa plusieurs réalisations.
Son développement économique, Montréal le doit à sa position le long du fleuve Saint-Laurent. L’agglomération a beau se trouver à 800 km de la mer, elle a pourtant été une place portuaire de premier ordre pour le fret et le commerce fluvial grâce à sa situation stratégique entre les grands lacs – via le canal de Lachine – et Québec, et à son embouchure sur l’Atlantique. Sa localisation va engendrer le développement foncier sur la rive du fleuve, ainsi que l’implantation de nombreux complexes industriels et bâtiments de stockage. Laissés pour la plupart vacants, ces édifices, dont la gigantesque brasserie Molson, font aujourd’hui l’objet de projets de requalification en quartiers mixtes répondant à la logique de « la ville des 15 minutes ». Dans le même temps, le Vieux-Montréal a redoré son blason en devenant une place touristique incontournable, tandis que le centre d’affaires voisin, le downtown montréalais, n’a de cesse de prendre de la hauteur, multipliant les gratte-ciel, parfois même d’habitation, au point de modifier la skyline de la cité.
Imaginer la ville du futur
Vue sur la ville depuis la tour du port de Montréal.
Michel Figuet pour Le Figaro
Pour autant, Montréal n’a pas attendu cette mutation urbanistique pour se réinventer. Dès les années 1960, elle va connaître un souffle expansionniste et culturel qui marque encore son fonctionnement. Son maire Jean Drapeau (1960-1986) lance de grands chantiers pour la moderniser, tels le building Place Ville Marie (PVM), conçu par l’architecture IM Pei, la tour de la Bourse, par le duo italien Luigi Moretti et Pier Luigi Nervi, la place Bonaventure, qui s’affiche en 1968 comme le plus grand complexe commercial au monde, ou encore le Montréal souterrain (RESO) qui, grâce à ses 32 km de tunnels, permet aux citadins de braver le froid hivernal.
Dès les années 1960, Montréal va connaître un souffle expansionniste et culturel qui marque encore aujourd’hui son fonctionnement
Mais surtout, en l’espace d’une dizaine d’années, l’élu visionnaire se mobilise pour accueillir deux événements internationaux : l’Exposition universelle de 1967 (Expo 67) et les Jeux olympiques de 1976, générant ainsi des constructions que les Montréalais côtoient dans leur quotidien. Ainsi du métro dont les premiers tronçons de lignes sont inaugurés en 1966 en vue d’assurer les déplacements des visiteurs de l’Exposition – ils seront 50 millions en six mois – et à terme la mobilité des citadins. Chaque station est confiée à un architecte, souvent associé à un artiste, tous deux chargés d’imaginer un projet unique aux ambitions artistiques.
D’ordinaire, peu de traces demeurent de la tenue d’une Exposition universelle. À Montréal, dans le parc Jean-Drapeau, on dénombre pourtant une douzaine de pavillons dont le français, transformé en casino, mais surtout l’américain, réalisé par Richard Buckminster Fuller, qui a imaginé un dôme géodésique de 76 m de haut selon un principe de structures légères triangulées. Bien qu’ayant connu un incendie anéantissant la membrane polymère qui le recouvre, l’édifice abrite aujourd’hui la Biosphère.
Le dôme géodésique du pavillon américain de l’Exposition universelle 1967 par Richard Buckminster Fuller.
Michel Figuet pour Le Figaro
Également, à proximité du fleuve, à la Cité du Havre, le bâtiment résidentiel Habitat 67 de l’architecte Moshe Safdie, repaire visuel et belle référence de l’audace architecturale de l’époque. Il en est une autre, réalisée quelques années plus tard par le Français Roger Taillibert, auteur du Parc des Princes à Paris. Celui-ci se voit confier le projet du complexe olympique. En dépit des tumultes du chantier, son stade en forme de coquillage, doté d’une tour de 165 m inclinée à 45° – la plus haute au monde –, fera le tour des médias. Si le stade fait d’ailleurs actuellement l’objet de rénovation, le reste du site est toujours accessible et en partie devenu un complexe culturel accueillant plusieurs entités d’Espace pour la vie, dont le Biodôme, logé dans l’ancien vélodrome, et le Planétarium.
Le complexe résidentiel Habitat 67 par Moshe Safdie.
Michel Figuet pour Le Figaro
Cette période faste va permettre à Montréal d’asseoir son rang au sein des arts, de la culture et de l’éducation. La ville abrite un grand centre universitaire qui a attiré en 2024 quelque 188 000 étudiants du monde entier répartis entre l’Université du Québec à Montréal (Uqam) et l’Université de Montréal (UdeM) pour les cursus francophones, et Concordia et McGill pour les anglophones. Si une grande partie des cours sont dispensés dans des édifices historiques, en plein centre-ville – selon, là encore, un modèle européen –, les campus ont exigé, au fil de leur expansion, de nouveaux édifices conçus par les principales agences d’architecture montréalaises, telles que Provencher Roy, Saucier + Perrotte, Sid Lee, Lemay Michaud…
Une telle sensibilité à l’égard de tous les arts a permis de nommer Montréal “Ville Unesco de design”
Dans le secteur artistique, Jean Drapeau avait lancé, dès les années 1960, le projet de la Place des Arts, avec un théâtre, une salle symphonique, le Musée d’art contemporain, etc., qui fédère aujourd’hui le Quartier des spectacles. Si Montréal n’est pas en manque d’institutions artistiques, dont le Musée des beaux-arts qui se déploie à travers plusieurs pavillons, il en est pourtant une tout à fait unique : le Centre canadien d’architecture, fondé par l’architecte et philanthrope Phyllis Lambert, l’héritière des spiritueux Seagram, qui rassemble un maximum d’archives sur l’architecture et se positionne comme référence dans ce domaine.
Cette dynamique est, depuis 1991, amplifiée avec la création du Bureau du design – terme entendu au sens large, incluant également l’architecture. La mission de cet organisme municipal est de piloter des projets suscitant des améliorations sociales, allant de la gestion de l’espace public à la création de bibliothèques, ainsi que des élans économiques – à l’image du concours Commerce Design qui distingue l’agencement d’un lieu commerçant. Il était donc logique qu’une telle sensibilité à l’égard de tous les arts ait permis de nommer, depuis 2006, Montréal « Ville Unesco de design ». La première, soit dit en passant, de l’Amérique du Nord.
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Carnet pratique
VOIR
Espace pour la vie Montréal
Espace pour la vie Montréal.
Michel Figuet pour Le Figaro
Sous cet intitulé, cinq musées proposent d’ausculter le vaste univers du vivant : le jardin botanique, oasis urbaine riche de 22.000 espèces de plantes, le Planétarium qui a une approche novatrice de l’astronomie, la Biosphère qui a pris ses quartiers dans le pavillon américain d’Expo 67 conçu par Buckminster Fuller, le Biodôme dans l’ancien vélodrome des Jeux olym piques réaménagé par Kanva selon cinq écosystèmes, et l’Insectarium, un regard pédagogique sur l’entomologie, que l’agence Kuehn Malvezzi a mis en forme. Espacepourlavie.ca.
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Centre canadien d’Architecture
Centre canadien d’Architecture.
Michel Figuet pour Le Figaro
« Nous ne sommes pas un musée qui expose des objets et qui déclare : “Ceci est l’architecture.” Nous essayons de faire réfléchir les gens », déclare Phyllis Lambert, la fondatrice de cette institution unique en son genre. Riche de quelque 275.000 documents, 130.000 ouvrages et 50.000 photographies, le CCA est l’une des plus importantes institutions au monde à mener un travail de conservation sur l’architecture. En parallèle, le centre organise des expositions temporaires, telle Espaces oscillants (jusqu’au 26 octobre) qui explore la mutation du glacier du Rhône. Cca.qc.ca
FLÂNER
Bota Bota
Bota Bota.
Michel Figuet pour Le Figaro
Avec le Vieux-Montréal, le Silo à grain n° 5 et Habitat 67 en toile de fond, le cadre est unique pour les visiteurs de ce spa urbain, ancien « traversier » des années 1950 qui est désormais ancré dans le port. Imaginé par l’agence d’architecture Sid Lee, ce complexe de bien-être propose un véritable circuit d’eaux déployé sur les cinq ponts du navire revisité. Après le cycle de traitements (sauna, bains vapeur, douche froide, massage…), on peut profiter de la piscine et du jardin en extérieur, ou encore du restaurant La Traversée dont la carte saisonnière allie saveurs et santé. Botabota.ca
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Habitat 67
Habitat 67.
Michel Figuet pour Le Figaro
Si Marseille est fière de la Cité radieuse de Le Corbusier, Montréal l’est tout autant d’Habitat 67, conçu par Moshe Safdie pour l’Expo 67. Encore étudiant à l’université McGill, l’architecte a conçu cet ensemble de 158 appartements à partir de 354 modules en béton, tous identiques mais imbriqués de façon à échapper à la répétition. Combinant habitat collectif et maison individuelle, le projet, désormais classé monument historique, dispose de nombreuses terrasses pour les habitants. Visites sur réservation. Habitat67.com
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GOÛTER
Bar St Denis
Bar St Denis.
Michel Figuet pour Le Figaro
À peine entrés, on tombe sous le charme de ce local tout en longueur où cohabitent un bar, une cuisine ouverte et une salle à manger. Si l’architecture joue avec les codes du dinner, la carte lorgne du côté de la bistronomie. On peut commander des assiettes à partager (labneh, falafels…), parfaites avec un cocktail, tout comme se laisser tenter par des plats plus cuisinés (ris de veau, porc « vieilli »…). On se tournera alors vers la très riche carte des vins, au fort penchant nature – à moins de se laisser conseiller par Emily Homsy, copropriétaire des lieux avec le chef David Gauthier. Menu : 55 €, carte : 40 €. Barstdenis.com
Le Serpent
Le Serpent.
Michel Figuet pour Le Figaro
Dans le quartier de Griffintown, l’ancienne fonderie Darling s’est muée en centre d’arts (expositions, ateliers, résidences). Depuis une dizaine d’années, c’est aussi l’adresse de l’une des meilleures tables de la ville. Imaginé par Hubert Marsolais et Claude Pelletier, restaurateurs de génie ayant largement œuvré au renouveau de la scène montréalaise, le Serpent se déploie dans ce cadre de friche industrielle réhabilité par l’Atelier in situ. La cuisine y prend de forts accents italiens, dans un esprit de brasserie contemporaine. Carte : 60-70 €. Leserpent.ca
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RÊVER
Le Germain
Le Germain.
Michel Figuet pour Le Figaro
À deux pas de l’université McGill, le Germain occupe un immeuble de bureaux édifié en 1967, transformé en hôtel – et gagnant au passage six étages – par l’agence Lemay Michaud. De la rue, difficile de passer à côté de l’immense fresque imaginée par l’artiste Michelle Hoogveld qui recouvre sa façade. À l’intérieur, les chambres ont conservé le caractère brutaliste originel (structure apparente en béton) adouci par des éléments en bois clair. Certains détails décoratifs ne manquent pas de faire écho à l’Exposition de… 1967. À partir de 250 € la nuit. Germainhotels.com
Honeyrose
Honeyrose.
Michel Figuet pour Le Figaro
Au cœur du Quartier des spectacles, l’Honeyrose s’élève sur la première moitié d’un building de 36 étages abritant également des « condos ». La décoration des parties communes et des 143 chambres s’inspire des années 1920 et du style Art déco si cher à la ville. Sous la bannière des hôtels indépendants Tribute Portfolio, l’établissement dispose de deux restaurants ouverts aux clients extérieurs, dont un avec terrasse au 5e étage. Les résidents peuvent profiter d’un espace fitness avec sauna et hammam, et d’une piscine intérieure nichée au 15e étage. À partir de 350 € la nuit. Honeyrosemontreal.com
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